Macronisme : Et de droite et d’extrême droite

mardi 16 janvier 2024.
 

Les paroles ne valent pas grand-chose, seuls les actes comptent. De lois en décrets, les décisions macronistes mises bout à bout mettent en évidence les options politiques choisies par le pouvoir et son glissement vers la droite extrême et le choix monarchique de l’exercice du pouvoir.

Le vote de la loi immigration le 20 décembre dernier vient confirmer l’ancrage à droite du gouvernement et témoigne désormais d’une stratégie assumée pour rallier l’électorat d’extrême droite. Au mépris des valeurs républicaines et sans état d’âme, les idées du Rassemblement National ont été intégrées dans le projet de loi parce que cela était nécessaire pour l’emporter. Il n’y a aucune raison pour que cela ne se reproduise pas. Le macronisme n’est donc pas qu’une approche pragmatique du traitement des sujets de société pour rallier la plus grande partie de l’opinion publique, c’est un système qui trouve sa cohérence et son sens dans un édifice qui comporte principalement deux dimensions : un libéralisme économique débridé et un Etat qui dérive vers l’autoritarisme.

Réduction des libertés fondamentales et politique sécuritaire

La question de l’évolution du régime vers un exercice autoritaire est fondamentale. Il me semble que peu d’écrits et de prises de paroles sont consacrées à ce sujet. Pourtant tout porte à croire que c’est un des aspects structurants de ce qui est mis en place par le pouvoir actuel.

D’abord occuper l’espace médiatique…

Le macronisme est avant-tout une idéologie. Derrière un discours de bon sens se masque un processus de changement profond dans la manière de gouverner. C’est bien le danger. Tout avance de manière masquée avec des éléments de langage qui donnent le sentiment d’une approche politique équilibrée. C’est ce fameux « et de droite et de gauche » qui n’a aucun sens mais qui stratégiquement est parfaitement bien choisi pour parler à une opinion publique qui a perdu toute confiance dans son élite et qui souhaite que ses problèmes soient pris en compte de manière concrète et opérationnelle sans polémique politique stérile. C’est le règne du pragmatisme qui emprunte aux pratiques du management.

Un discours consensuel qui tombe sous le sens avec des arguments simples donnant le sentiment d’une évidence et d’une pertinence indiscutables des mesures qui sont proposées. C’est bien ainsi que les choses se passent dans les entreprises. Il ne s’agit pas de débattre mais de convaincre ou de manipuler par une politique de communication. Il n’est point nécessaire de débattre mais de faire comprendre que les choix proposés sont les seuls possibles et les mieux adaptés à la situation. Dans ce contexte, il faut occuper l’espace médiatique pour créer un environnement réceptif aux décisions que l’on souhaite faire passer. Pas de débat mais une parole forte et omniprésente relayée à longueur de journée par les grandes chaines d’information et les réseaux sociaux.

Dans ce système, ceux qui sont contre sont inaudibles et caricaturés. Leurs arguments ne sont pas relayés par les grands médias. Aucun combat sur le fond n’est possible, seule la force de frappe médiatique compte. Les opposants ne peuvent exister que s’ils usent du même processus pour exister. Autant dire que cela ne favorise pas un haut niveau de débat politique.

Pour prendre exemple d’occupation de l’espace médiatique par le gouvernement pour faire passer ses choix idéologiques, il suffit de regarder dans l’actualité récente comment notre Ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est emparé de la question du chômage des seniors de plus de 55 ans. Le raisonnement est faux mais rend cohérent la politique mise en œuvre. Le voici : en grande partie à cause de la mise en oeuvre de la réforme des retraites, le chômage des seniors est en augmentation. Afin de lutter contre cette augmentation, le gouvernement propose de durcir les conditions d’indemnisation des plus de 55 ans qui bénéficient actuellement de 27 mois d’indemnisation (au lieu de 24 mois pour les 53-54 ans et 18 mois pour les moins de 53 ans). C’est logique, si on décale l’âge de départ à la retraite, il faut décaler l’âge où l’on bénéficie de conditions améliorées d’indemnisation du chômage. En bref, pour réduire le chômage et atteindre le plein emploi, il faut que les seniors soient incités à travailler plus longtemps. Ce raisonnement incomplet et d’apparence logique occulte la question fondamentale qui est celle de la possibilité pour les plus de 55 ans de retrouver un emploi en lien avec les politiques RH des entreprises et les conditions de travail. On voit bien que la communication mise en œuvre contribue à simplifier à outrance les sujets et à les vider de leur substance. Dans le cas présent l’objectif de la communication gouvernementale est de faire des économies sur les indemnités Assedics et de capter les surplus au profit d’autres politiques (notamment le développement de l’apprentissage). Pour atteindre cet objectif, il est important de façonner l’opinion en martelant la vieille fausse idée que si les gens sont au chômage c’est qu’ils le veulent bien. Et tant pis si le résultat de tout cela est que les plus de 55 ans qui ne trouvent pas d’emploi végètent déprimés dans la précarité sans indemnités deux ans de plus en attendant la retraite. Tout cela ne peut fonctionner que s’il n’y a pas de débat contradictoire et de lieux d’expression capables de médiatiser des idées alternatives.

...ensuite, contrôler la liberté d’expression et limiter le droit de manifester…

Au-delà des aspects de communication et d’imprégnation des esprits par l’idéologie gouvernementale, un autre volet peut-être moins visible, est mis en œuvre : le contrôle de la liberté d’expression. La France, est désormais pointée du doigt pour la dégradation des libertés fondamentales et les atteintes à la liberté d’expression.

Des gilets jaunes, à Sainte Soline, en passant par les manifestations contre la réforme des retraites et plus récemment avec l’interdiction des manifestations en soutien aux palestiniens, le droit de manifester a été réduit sous prétexte de menace à l’ordre public.

Le mouvement et les manifestations des « gilets jaunes » en 2018 et 2019 ont mis en évidence le non-respect des droits humains lors des opérations de maintien de l’ordre par les forces de police. Dans ses rapports 2021 et 2022 , Amnesty International pointe les manquements au respect des droits humains dans la répression des manifestations et les arrestations arbitraires. Extrait du rapport 2021 (publié en mars 2022) : l’organisation alerte « sur des cas d’usage disproportionné et arbitraire de la force, contre des manifestants mais aussi des journalistes en France » et d’ajouter « le maintien de l’ordre en France ne respecte pas les droits humains. Dans plusieurs manifestations, des armes susceptibles de mutiler ont été utilisées, la technique de la nasse a été déployée de façon abusive et les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force. Résultat  : des milliers de blessés, des dizaines de manifestants mutilés, des fractures multiples… ». Il est notable qu’Amnesty International pointe la situation de dégradations des droits humains dans notre pays.

La liberté de la presse n’est pas mieux préservée. L’actualité récente nous a manifestement rappelé qu’en France on poursuit les journalistes en justice et on les met en garde à vue, ce qui n’est pas sans rappeler les pratiques des gouvernements autoritaires :

La journaliste de Disclose Ariane Lavrilleux a subi une garde à vue de 40 heures et une perquisition à son domicile le 19 septembre 2023 (dans le cadre d’une enquête qu’elle conduit sur une mission de l’armée française en Egypte), Des journalistes de Libération sont convoqués par la police judiciaire suite à des articles sur la mort d’un jeune à Roubaix tué par un policier, La France s’est par ailleurs impliquée dans le vote du parlement européen du « Média Freedom Act » qui va légaliser l’espionnage de journalistes. La nomination au JDD, propriété du groupe Vivendi, de l’ancien rédacteur en chef de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune connu pour ses opinions d’extrême droite vient rappeler la mainmise de quelques milliardaires sur les médias français. Enfin, le pouvoir a lancé le 3 octobre dernier les États généraux de l’information qui sont censés fixer de nouvelles règles du jeu dans un contexte où beaucoup de changements sont à l’œuvre : développement technologique, fake news… et ou la question de l’indépendance des médias et de la protection du secret des sources font l’actualité. Il n’est pas sûr que ce soit une bonne nouvelle que le pouvoir lance une concertation sur ce sujet.

…stigmatiser les quartiers en difficulté et la personne du migrant de plus en plus assimilé à un terroriste potentiel

La loi sur l’immigration qui vient d’être votée avec le soutien du Rassemblement National, fait la part belle à ses idées à l’encontre des étrangers qui durcissent les conditions d’existence et d’intégration des étrangers en situation régulière en France en créant des délais pour l’accès aux APL (5 ans si la personne ne travaille pas ou n’est pas étudiant) et les allocations familiales (de 30 mois à 5 ans selon que la personne travaille ou non), en augmentant les délais du regroupement familial et le niveau de langue française exigé pour l’obtention d’une carte de séjour et de la nationalité française, en créant des conditions pour la mise en oeuvre du droit du sol pour les enfants nés en France, en mettant en place le dépôt d’une « caution retour » pour les étudiants étrangers…

Dans son rapport 2022 (publié en mars 2023), Amnesty International souligne encore « Au-delà des graves manquements de la France à ses obligations en matière de respect et de promotions des droits humains, ce qui a marqué l’année 2022 est le renforcement de discours stigmatisants contre les personnes exilées et certaines minorités, notamment les personnes musulmanes ».

Cette stigmatisation apparaît particulièrement dans les décisions que le gouvernement a prise après le décès de Nahel âgé de 17 ans tué par un policier suite à un refus d’obtempérer le 27 juin 2023. Après les émeutes qui ont éclaté pendant plusieurs jours dans les banlieues et suite aux manifestations qui ont eu lieu partout en France (interdites pour beaucoup), le gouvernement a annoncé des mesures essentiellement répressives en direction des habitants des quartiers (élargissement des pouvoirs des polices municipales, sanctions rapides pour les consommateurs de drogues, responsabilisation financière des parents...).

Le gouvernement travaille également l’opinion et affine son discours stigmatisant lorsqu’il s’agit d’immigration. Après le drame de l’arrivée de plus de 10 000 migrants mi-septembre 2023 à Lampedusa. E. Macron et son ministre de l’intérieur G. Darmanin ont fait le distinguo entre les « migrants » et les « réfugiés politiques » effaçant par là même dans un glissement sémantique toutes les personnes qui demandent l’asile. G. Darmanin a expliqué que la plupart des arrivants proviennent de pays d’Afrique francophones « qui n’ont pas à demander l’asile en Europe ». La solution est donc d’aider l’Italie à les reconduire directement chez eux sans respecter leur droit à demander l’asile. Sauf qu’en droit, tous les migrants peuvent demander l’asile pour obtenir le statut de réfugié et ce quel que soit leur pays d’origine.

Le Conseil d’Etat constate les dérives et interpelle le gouvernement

Le Conseil d’État vient de rappeler et heureusement corriger les dérives du pouvoir en matière de respect des libertés fondamentales. Il a ainsi annulé deux décisions du gouvernement : la dissolution des Soulèvements de la Terre et l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes. Jusqu’à quand ?

La dissolution des soulèvements de la terre décidée par le gouvernement après les manifestations contre les méga-bassines de Sainte-Soline a été annulée par le Conseil d’État le 9 novembre 2023. Le Conseil d’État a indiqué que la dissolution n’était pas une mesure proportionnée face aux actes de provocation et de dégradation des biens qui ont effectivement été commis par les membres du collectif. Celui-ci n’avait en aucun cas appelé à la violence lors des évènements. C’est un revers sérieux pour le gouvernement qui met en oeuvre une politique systématique de restriction de la liberté d’expression et d’interdiction des manifestations au prétexte qu’elles sont susceptibles de générer des troubles à l’ordre public.

Par ailleurs, après les attaques meurtrières du Hamas envers les israéliens le 7 octobre 2023, Gérald Darmanin avait donné consigne aux préfets d’interdire les manifestations pro-palestiniennes. Dans le même temps les manifestations pro-israéliennes étaient autorisées. Cinq jours après ces attaques, le président Emmanuel Macron justifie l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes par un « délai de décence ». On se demande qui est indécent ? Amnesty International dénonce les restrictions croissantes de manifestations dans plusieurs pays européens. En France le 20 octobre, Conseil d’État a rappelé au gouvernement qu’il ne pouvait pas imposer une « interdiction systématique de toutes les manifestations de soutien à la Palestine ».

Une approche libérale inspirée du modèle anglais

C’est l’équivalent du choc qu’a connu le Royaume Uni avec Margaret Thatcher que subit la France aujourd’hui avec le macronisme. La grande différence avec la Dame de Fer est que M. Macron avance masqué comme d’autres socio-démocrates avant lui (on pense notamment à Schröder et Blair qui ont fait des réformes ultra-libérales en se réclamant de la gauche). Les principes présentés par le candidat Macron en 2017 pouvaient laisser penser que son modèle était inspiré des pays du nord de l’Europe comme les Pays-Bas et le Danemark qui ont mis en œuvre la « flexisécurité » (forte flexibilité du travail, forte protection et accompagnement des personnes). En fait c’est le modèle anglais « d’insécurité sociale » qui inspire notre Président : celui d’une protection sociale et de services publics minimum avec une place prépondérante au marché pour réguler les relations économiques. Cela nous rappelle au passage que son parcours est d’abord celui d’un financier. Il n’y a finalement là rien de très étonnant.

Réduction des droits au chômage et de la protection sociale des salariés

C’est sans doute de ce domaine que le choix du libéralisme économique est le plus manifeste. Il s’inscrit dans la droite ligne de ce qui avait déjà été déjà mis en œuvre sous le quinquennat de François Hollande lorsque l’actuel Président de la République était ministre de l’économie à Bercy. Il faut se souvenir que M. Macron est au pouvoir depuis 2012 et que sa politique à cette époque a déjà modifié substantiellement les relations entre les employeurs et les salariés. Rappelons qu’il a mis en oeuvre la réforme des Prud’hommes qui dans la loi du 6 août 2015 ont été vidés de leur pouvoir de décisions. Depuis cette réforme, les indemnités pour licenciement abusif sont plafonnées dans un barème connu à l’avance précisant les montants maximums des indemnités dues. Les entreprises peuvent donc désormais connaître le risque financier qu’elles prennent lorsqu’elles licencient sans motif réel et sérieux.

La réforme de l’assurance chômage s’inscrit dans la continuité de ce qui est entrepris pour réduire la protection sociale des salariés. Elle s’applique depuis le 1er février 2023. Le gouvernement a souhaité réduire les droits des demandeurs d’emploi en matière d’indemnité chômage. Il « justifie » ce choix par les difficultés de recrutement des entreprises. Le dispositif mis en place permet désormais de durcir les conditions d’accès aux allocations et de diminuer la durée d’indemnisation de 25% lorsque le chômage baisse afin d’inciter les salariés à accepter les emplois proposés. Les salariés en CDD qui refusent deux fois une proposition d’embauche en CDI sur une période d’un an se voient par ailleurs refuser l’indemnisation par Pole Emploi. Le gouvernement veut contraindre les demandeurs d’emploi à accepter tous les emplois sans prendre en compte la question des niveaux de rémunération proposés et des conditions de travail.

Fin novembre 2023, sous la pression du gouvernement, la majorité des partenaires sociaux (CFDT, CFTC, et FO) ont difficilement trouvé un accord sur le renouvellement de la convention Unedic qui régit l’assurance chômage pour les trois années à venir. Dans ce domaine, la politique du gouvernement est marquée par une forte défiance vis-à-vis des partenaires sociaux. Si les partenaires sociaux ne trouvent pas d’accord, le gouvernement prend la main et décide seul. Il se méfie du paritarisme qu’il considère inefficace et trop timide dans ses décisions. Le gouvernement a donc menacé de décider seul des nouvelles dispositions si les syndicats et le patronat ne réussissaient pas à se mettre d’accord. Répondant à l’injonction gouvernementale, les partenaires sociaux ont trouvé un accord avec un compromis permettant d’améliorer un peu les droits des chômeurs mais aussi de baisser un peu les cotisations des entreprises. Le gouvernement a décidé de ne pas l’agréer en l’état. Il souhaite que la négociation sur l’emploi des seniors soient plus aboutie, en bref, que l’on réduise les droits de demandeurs d’emploi de plus de 55 ans. C’est la première fois qu’un gouvernement n’entérine pas un accord des partenaires sociaux.

Par ailleurs, le gouvernement s’est attaqué aux prestations du Revenu de Solidarité Active ( RSA ) dont bénéficient les personnes les plus démunies. La loi sur le plein emploi votée par l’Assemblée Nationale le 10 octobre 2023 affiche pour objectif la réponse aux enjeux de pénurie de main d’oeuvre et la lutte contre l’assistanat. Elle comprend un renforcement du contrôle des chômeurs et des bénéficiaires du RSA. Elle a été votée avec les voix des députés du parti Les Républicains (LR). Mesure phare : 15h de travail obligatoire par semaine pour les bénéficiaires du RSA avec un plus fort accompagnement vers l’emploi. La défenseure des droits, Claire Hédon, est inquiète de l’application des sanctions prévues pour les personnes précaires et du risque d’augmentation du taux de non recours déjà élevé (30% actuellement) au RSA. Compte tenu du flou concernant le type d’activité obligatoire et les moyens d’accompagnement alloué, il est fort probable que cette disposition sera très difficile d’application mais elle reste un signal politique fort en direction de LR et de la droite.

Allongement de l’âge du droit à la retraite

La réforme des retraites est passée en force au Parlement avec au final un recours au 49-3 après des mois et des mois de manifestations dans la rue. L’âge légal de départ à la retraite passe progressivement de 62 à 64 ans et l’augmentation de la durée de la cotisation déjà mise en l’œuvre par la réforme Touraine est accrue. Au 1er septembre 2023, l’âge légal augmente de 3 mois et la durée d’assurance d’un trimestre. Une réforme particulièrement injuste pour ceux qui ont exercé les emplois les moins qualifiés, commencé à travailler jeunes et dont l’espérance de vie est très inférieure à celle des personnes exerçant des professions intellectuelles. Par ailleurs, la question des conditions de travail (sans doute le sujet central à traiter lorsqu’on parle d’âge de départ à la retraite) n’a pas été prise en compte. Comment réussir à travailler jusqu’à 64 ans quand le niveau de productivité demandé ne cesse d’augmenter et que les employeurs n’embauchent pas les seniors ? Aujourd’hui, la moitié des personnes qui demandent leur retraite ne sont plus en situation de travail. Ils sont principalement au chômage ou en maladie. Les analystes ont déjà constaté que cette réforme a déjà produit une augmentation du niveau du chômage en cette fin 2023. Or aujourd’hui la réforme ne concerne que les personnes nées en 1961. L’âge de la retraite est décalé pour eux de seulement 3 mois… Imaginons l’impact qu’aura la réforme sur le chômage quand elle s’appliquera à plein avec 2 années supplémentaires à travailler ! Mais qu’importe, comme on l’a vu plus haut le gouvernement prévoit des dispositions pour réduire les droits au chômage des plus de 55 ans.

Réduction de la fiscalité et absence de contraintes pour les entreprises

La politique économique du gouvernement est fondée sur un principe simple : pas de contraintes et de coûts supplémentaires pour les entreprises. Toute augmentation de la fiscalité même temporaire est rejetée. On a pu le constater après la crise du COVID, lorsque l’économie a redémarré et que la politique du « quoiqu’il en coûte » a progressivement cessé, certains économistes ont proposé qu’en retour du soutien financier sans faille du gouvernement aux entreprises pendant la période, celles ayant réalisé des profits importants soient taxées exceptionnellement sur les bénéfices. Le gouvernement a refusé en estimant selon les mots du ministre de l’économie Bruno Le Maire que « ce serait un mauvais signal envoyé aux entreprises ».

Dans le même esprit le 12 septembre 2023 et face à l’augmentation des prix du pétrole et aux profits exceptionnels des groupes pétroliers, le gouvernement a réuni les distributeurs et les grandes et moyennes surfaces pour leur demander « un effort de solidarité » afin de maintenir les prix du carburant sous le seuil symbolique des 2 euros par litre pour les prochains mois. La générosité du groupe Total est particulièrement sollicitée en raison de ses « supers » bénéfices qu’il n’est pas question de taxer par ailleurs. Bruno Le Maire a déclaré qu’il ne sait pas ce que c’est qu’un « super bénéfice » et s’est réjoui qu’un champion français comme Total réussisse économiquement. Dans ce domaine, le gouvernement fait clairement le choix du rejet de toute utilisation de l’outil fiscal, seul à même de corriger les inégalités, il privilégie une approche paternaliste incitant les entreprises à la charité.

Le 25 septembre 2023, le gouvernement a présenté son projet au Conseil de planification écologique. Si le plan est ambitieux et a pu être considéré comme une réelle avancée par les scientifiques et certaines organisations écologistes, c’est la question de la méthode pour atteindre les objectifs qui pose problème. Les mesures visent à permettre une action coordonnée de tous les acteurs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 et l’empreinte écologique des activités (biodiversité, consommation des ressources, réduction des pollutions). La philosophie du gouvernement en matière d’écologie se voulant « incitative et non punitive », rien n’est proposé dans ce plan pour aller vers une société plus sobre et moins consommatrice. Cette méthode n’a jusqu’à présent jamais permis de produire des effets significatifs. En effet, les résultats positifs de ces dernières années en matière de réduction d’émission des GES sont principalement liés à la pandémie de COVID-19 et à l’augmentation du prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine et non pas à l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre.

Conclusion

Venu du centre gauche, le pouvoir actuel incarné par Emmanuel Macron a clairement fait le choix d’un ancrage à droite voire à l’extrême droite sur certains sujets. Lorsqu’il s’agit d’immigration, de sécurité, d’éducation, les approches gouvernementales sont celles de la droite la plus conservatrice que le pays ait connu depuis des années.

Le soutien sans faille à l’ordre établi sur certains aspects a des relents de pétainisme. Par exemple, la valorisation de la place du travail dans la société notamment par le changement de nom de Pôle Emploi qui s’appelle depuis le 1er janvier 2024 « France Travail » , et qui s’inscrit dans la continuité de la création de « France Compétences » en 2018, est très interpellant.

D’autres aspects laissent dubitatifs sur le virage que fait prendre le pouvoir à notre démocratie comme, l’inflexibilité vis-à-vis des partenaires sociaux pour la réforme de l’assurance chômage, la non-prise en compte des manifestations regroupant des millions de citoyens contre la réforme de retraites, la répression dans la violence des manifestations non-autorisées du mouvement des gilets jaunes et des actions contre les méga-bassines de Sainte Soline, la mise en examen de journalistes et la remise en cause du secret des sources. S’ajoutent à cela les relations régulières avec les représentants religieux. En témoignent, la participation du couple présidentiel à la messe du Pape au stade vélodrome à Marseille le 23 septembre dernier ainsi que l’accueil du grand rabbin de France et la participation du Président à la fête juive de Hanouka le 7 décembre à l’Elysée.

On voit ainsi s’affirmer une conception monarchique de l’exercice du pouvoir qui s’affranchit de plus en plus, et au plus haut niveau, des règles fondamentales de la République. Le pouvoir met ainsi en œuvre une politique autoritaire et liberticide au service de la survie du libéralisme économique.

Pierre-Olivier ARCHER


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