Histoire de l’Aveyron B) Résistances populaires et racines de la gauche (12 Villefranche : Bastide, Croquants et Révolution française)

dimanche 26 février 2023.
 

Histoire de l’Aveyron A) De la féodalité cléricale totalitaire à la droite

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Histoire de l’Aveyron 1 : L’installation de l’Eglise et les débuts de la féodalité

Histoire de l’Aveyron 2 (Moyen Age) : Seigneurs et moines, esclaves, serfs et sorcières dans le Rouergue féodal

Histoire de l’Aveyron 3 : De 1450 à 1560, Renaissance et humanisme touchent les villes mais une féodalité rurale, cléricale et brutale se maintient comme force dominante

Histoire de l’Aveyron 4 : La Sainte Ligue sort victorieuse des Guerres de religion

Histoire de l’Aveyron 5 : L’Ancien régime en Rouergue, deux siècles d’extinction des Lumières

Deuxième partie : Résistances populaires et racines de la gauche en Aveyron

11) Histoire de Millau : Commune médiévale, protestantisme, totalitarisme clérical, révolution française

Par ses origines protohistoriques, par son passé culturel et artistique, par ses maisons basses couvertes de tuile rouge, par ses collines brûlées de soleil, Millau fleure bon le monde méditerranéen civilisé. De cette ville partirent des millions de fines poteries gallo-romaines dans toute l’Europe, jusqu’en Afrique et en Asie. Ici, aucun palais, aucun grand château, aucune cathédrale n’écrase le centre ville ; seul domine le beffroi construit par la commune pour abriter l’horloge au coeur d’un tissu entrelacé de ruelles populaires. Ici, le conservatisme rouergat a sévi férocement ; ici, l’âtre de la civilisation ne s’est jamais totalement éteint.

Possession lointaine des comtes de Provence puis des rois d’Aragon, cette ville d’échanges forme dès le 12ème siècle une "commune", dirigée par une espèce de gouvernement constitutionnel avec deux chambres délibératives et un pouvoir exécutif (4 à 6 consuls renouvelés tous les ans et rééligibles tous les 4 ans révolus). Le peuple obtient l’abolition de la chambre accaparée par les grandes familles, l’élection des consuls par tous les chefs de famille et la vérification des comptes par 8 artisans et laboureurs. Le "conseil général" se prononce sur de multiples sujets : impôts, droit , terres et établissements communaux (églises, écoles, hôpitaux), fortifications, ponts, moulins, qualité des aliments, litiges sans cesse renaissants avec des établissements religieux. Les consuls disposent d’une maison commune (réunions, archives) et d’un personnel (notaire, maître d’école, crieur public, garde champêtre, musicien...) ; en cas de décision importante, ils convoquent une assemblée générale qui décide à la majorité des voix.

Au sein de cette petite république à l’italienne se réunissent en 1212 les principales forces occitano catalanes pour tenter de résister aux phalanges impitoyables des abbés papaux et des saigneurs croisés. Au bord de ses rives charmeuses vient mourir le malheureux Raymond VII de Toulouse.

Eté 1209 Cathares et civilisation occitane sont assassinés par les croisés SS assoiffés de sang assemblés par le pape

En 1271, Millau passe à la couronne des rois de France. Le gouvernement des consuls traverse habilement des périodes difficiles. Leur charge entraîne souvent de lourdes dépenses personnelles. L’un d’eux meurt alors qu’il doit de petites sommes aux oeuvres religieuses ; excommunié, il bénéficie de la solidarité des autres élus locaux qui payent les frais de sa modeste sépulture.

Le conseil décide par exemple de maintenir la liberté de pêcher et chasser malgré la lettre royale de février 1453. Pendant tout le 15ème siècle, Millau soutient des procès et des guerres contre les seigneurs féodaux de Creissels, Compeyre et autres ; pour mobiliser la population, les assemblées générales sont fréquentes. Les conseillers, répartis en commissions, se voient punis d’une amende puis remplacés en cas de non assiduité.

Les élus préservent le rôle commercial de la cité : "ville de grand passage de la marchandise venant du Languedoc et se dirigeant vers l’Auvergne, le Toulousain, l’Agenais, la Gascogne et le Lyonnais". Artisans et marchands locaux fabriquent et vendent... n’hésitent pas à fréquenter les foires de Pézenas, Lyon ou Genève". Le contexte urbain crée de nouvelles relations humaines ; la réussite individuelle n’est plas seulement affaire d’hérédité mais aussi de travail, d’instruction... d’intérêt général préservé.

Le protestantisme constitue l’expression religieuse de ce progrès : rejet des rites pompeux et des hiérarchies rentières, relations plus directes du croyant à son Dieu. L’adhésion à cette religion revêt à Millau "le caractère spontané d’une révolution populaire (JL Rigal). Face à la hiérarchie catholique présentant tous les défauts d’une institution féodale, la Religion réformée porte "l’idée d’une foi chrétienne rénovée, purifiée, qui retrouverait, grâce à l’Evangile, le vrai message du Christ" (Jacques Frayssenge). "Fille de l’éducation et de la culture" (Dermigny), elle tient ses assemblées (autre forme de démocratie directe) dans les écoles communales, fonde un collège et reçoit le soutien des hommes jeunes et instruits. Le petit peuple des artisans y trouve un moyen pour "s’opposer à l’ordre établi, à la tradition farouchement défendue par l’Eglise romaine" (J Frayssenge). Des femmes de toute condition apportent un élan décisif. Les laboureurs vivant en ville puisent dans ce contexte la force de refuser "le poids de la dîme exigée par une Eglise vorace" (JF). Le premier protestantisme millavois est dirigé par une bourgeoisie avide de terrasser le catholicisme moyenageux, avide de développement économique et de réussite sociale par son propre mérite. Jusqu’au bout, les institutions urbaines qu’elle domine portent le poids de la résistance : consulat, Conseil de ville, Cour de justice, écoles, assistance aux pauvres.

La féodalité rouergate, clergé comme noblesse, majoritairement arriérée et tyrannique, veut en finir au plus vite, malgré les compromis nationaux, avec cette ville "rebelle au roi", "ennemie de la religion de sa majesté" : arrestation du pasteur et de ses proches sur ordre du cardinal évêque, désarmement et démantèlement des fortifications, occupation militaire. Une telle répression ne laisse aux protestants que la solution du soulèvement et de la lutte armée. Tel est le cas sur Millau comme dans d’autres villes du département. Guerre civile acharnée, dévastatrice. Selon l’évêque de Rodez, aucun autre diocèse n’a autant souffert des Guerres de religion que le Rouergue (province qui a donné l’Aveyron).

Durant une vingtaine d’années, les protestants du Sud rouergat sortent généralement vainqueurs des combats, en particulier face aux troupes de la Sainte Ligue. Millau accueille en 1573 les Etats généraux nationaux du parti huguenot où se constitue un embryon de "Provinces Unies du Midi" (J. Estèbe).

Après l’assassinat de Henri IV, la répression des protestants reprend peu à peu. L’Assemblée Générale des Eglises réformées du royaume se tient à nouveau à Millau en 1620. La guerre reprend mais se termine en 1629 par la victoire des troupes royales catholiques et le démantèlement de toutes les places fortes huguenotes.

Pour le catholicisme local, animé en particulier par la Compagnie du Saint Sacrement, l’heure de la revanche et du règlement de compte sonne enfin. Le commerce ne bénéficie plus du soutien public. Durant 9 ans, toutes les marchandises passant sur le Pont vieux sont taxées pour rebâtir l’église. Le pont détruit ne sera pas reconstruit, imposant aux lourdes marchandises montant du Languedoc vers l’Auvergne de faire le détour par Toulouse. Dominicains, Bénédictins, Capucins, Jésuites entreprennent une reconquête musclée (1629-1661) portée par une soif d’écrasement total : pasteurs exilés, temple rasé... Les huguenots sont taxés, harcelés, chassés du consulat et du collège, obligés de pratiquer leurs enterrements de nuit. Même les malades et mourants subissent la pression des nouveaux maîtres.

En 1683, l’assemblée protestante refuse encore d’abjurer. En 1685, la vague de terreur et d’atrocités commises par les dragons entraîne officiellement une conversion voulue par les notables réformés. Une phase de totalitarisme impitoyable relaie le totalitarisme conquérant. Des inspecteurs catholiques quadrillent les quartiers pour surveiller les familles. Le subdélégué de l’Intendant menace ; en cas de non-présence aux processions de certains récalcitrants "il ne pourrait s’empêcher... de demander des troupes pour les loger dans la ville afin de s’assurer par ce moyen de nouveaux catholiques".

Environ 2000 habitants sur 5000 quittent la ville. Les Millavois gagnés à la cause des Camisards sont aussitôt emprisonnés sur Rodez. En 1709, à la suite d’une mission jésuite, se crée la "dévôte compagnie des gonfalons de circoncision de Notre Seigneur Jésus Christ" (Pénitents), qui s’active "pour l’extirpation des hérésies". En 1712, la répression s’abat sur quelques personnes suspectes de pratiquer encore la Religion réformée : galères à perpétuité, maison rasée, biens confisqués, prison à vie pour deux femmes, condamnation à mort par contumace pour deux hommes.

La détermination des catholiques locaux à éradiquer le protestantisme est évidemment liée à des intérêts matériels concrets. Une forte immigration venue des campagnes profite des départs hâtifs des huguenots. L’appauvrissement des anciennes familles protestantes enrichit des catholiques (bourgeois comme nobles) ayant acquis une véritable fortune "grâce au butin pris sur les calvinistes après les guerres civiles" (De Gaujal). Les revenus de la ville alimentent à présent un clergé pléthorique : carmes, cordeliers, jacobins, moines de Saint Antoine, clarisses, bénédictines, "dames noires", Frères des Ecoles chrétiennes, Congrégation de St Maur). Dans le château de Sambucy, les cheminées de marbre et les vaisselles d’argent côtoient les livres de piété indispensables du catholicisme rouergat (Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin, Bossuet...).

Contrairement à l’évolution générale de la France, un processus de ruralisation restauration moyenâgeuse s’opère entre 1675 et 1789 : augmentation du nombre de familles élargies, de l’endogamie de classe, de l’écart des revenus entre maître et compagnons, des successions patrilinéaires où le père donne l’intégralité de ses biens au profit du fils qu’il choisit pour lui succéder (44% en 1675-1684, 86% en 1780-1789). Une misère noire des couches populaires accompagne cette évolution : une crise de mortalité tous les 5 ans s’étendant sur 8 mois chacune, une mortalité infantile de 298 pour mille, nombreux pauvres obligés de porter un grand M (mendiant) sur leurs habits pour bénéficier de petites charités... L’animosité des pauvres contre les protestants boucs émissaires n’en est que plus forte dans le cadre de la Confrérie des Pénitents qui progresse tout au long du 18ème siècle rapprochant nobles et petit peuple catholique sur ce socle du totalitarisme anti-huguenot.

En 1789-1790, la révolution est totalement maîtrisée sur Millau par la noblesse et l’Eglise. Cependant, les Réformés sont libres à présent de pratiquer leur religion et se faire élire. A l’annonce de la Constitution civile du clergé, une émeute catholique éclate et envahit l’Hôtel de ville. Un officier municipal protestant est pris à partie et obligé de démissionner. Le maire, modéré, se voit agressé, saisi aux cheveux, égratigné, entraîné dehors, obligé de demander pardon ; le soir même il démissionne et part pour Paris. Les républicains du département dénoncent "la horde aristocratique domiciliée à Millau", "l’ascendant formidable" de prêtres "profanant la chaire évangélique par des instructions séditieuses".

Cependant, tout pouvoir totalitaire ne peut survivre tôt ou tard, à une ouverture démocratique, d’autant plus dans le contexte de mobilisation et de conscientisation populaire de la Révolution française. En mars puis avril 1791, la Société des Amis de la Constitution se crée, se renforce sans cesse. Le 22 mai, ses membres attaquent le local des royalistes membres du Club des Amis de l’ordre et de la paix ; le 23, ils perquisitionnent dans leurs résidences pour procéder à leur désarmement.

22 et 23 mai 1791 : Dates fondamentales dans l’histoire de Millau. A l’échelle des siècles, la ville a connu depuis cette date des poussées de chaleur cléricales mais plus de totalitarisme systématique. A l’échelle de la Révolution française, cette date marque l’inversion du rapport de forces ; l’abbé Duchêne, "ardemment royaliste", démissionne de sa fonction de procureur, la Confrérie des Pénitents est dissoute.

Ce sixième chapitre ne peut être conclu sans insister sur la matrice que représente le cléricalisme royaliste pour la droite, les républicains de 1791 pour la gauche.

Jacques Serieys

12) Villefranche et sa région : Bastide, Croquants et Révolution française

Montesquieu a insisté à juste titre sur l’influence sociale de la géographie. Le centre et le Nord du Rouergue ont longtemps constitué des territoires isolés, repliés sur eux-mêmes. A l’Ouest, le Villefranchois a toujours été ouvert sur Cahors, Montauban et Toulouse, ouvert sur la grande plaine qui mène de l’’Aquitaine au Bassin parisien.

7A) De la civilisation occitane aux guerres de religion

Au début du 13ème siècle, cet Ouest rouergat appartient directement au comté de Toulouse, coeur de la civilisation occitane. Les "pauvres catholiques" comptent ici deux de leurs trois principaux meneurs. Durant la longue guerre engagée par la papauté puis le royaume de France, chaque regain de résistance des régions occitanes emporte dans son élan les bourgs du secteur. La violence totalitaire de l’armée croisée ici de la colonne de l’évêque du Puy en 1209 et le bûcher des Vaudois en 1214 jusqu’au dernier bûcher pour "hérésie" de résistance en 1251.

Génocide des cathares et crimes contre l’humanité perpétrés dans le Languedoc au 13ème siècle ? Pourquoi ? Qui en porte la responsabilité ? Quelques pistes

En 1249, alors que tout est définitivement perdu, Najac se soulève encore.

En 1252, le comte de Toulouse crée la bastide de Villefranche. Tous les habitants payant un impôt sont membres de l’assemblée de ville avec voix délibérative. Ils élisent leurs consuls chaque année. Ceux-ci représentent la ville, de droit aux états du Rouergue, de fait aux états généraux du royaume. Ils administrent la collectivité, assurent la police, puis la justice civile et criminelle. pour profiter des franchises de la ville, des familles arrivent de toute la région.

L’évêque de Rodez, soucieux de préserver la féodalité, sent le danger que représente Villefranche. Il maudit le lieu, l’interdit, excommunie toutes les personnes qui iraient l’habiter. Ses successeurs du 14ème siècle maintiennent une opposition farouche, parfois violente, à l’encontre de cette cité qui se dote de fortifications, d’un hôpital, d’écoles. Ils essaient d’utiliser la résistance sourcilleuse de la ville à l’arbitraire royal pour lui ravir les magistrats de la sénéchaussée.

Cependant, les traditions démocratiques locales s’avèrent un ciment de solidarité, d’ordre et de force sur le long terme.

Si les habitants ne sont pas satisfaits de la politique des consuls, ils choisissent un "syndic du peuple" pour défendre leurs réclamations. Ainsi, le peuple obtient par ses syndics et élus que l’imposition touche même les officiers du sénéchal et du présidial, qu’elle porte à moitié sur le foncier, à moitié sur "l’industrie".

Les Consuls bâtissent une grande usine associative au bénéfice des exploitants-mineurs métallurgistes. Ils nomment un Inspecteur des manufactures pour faire respecter les règlements locaux concernant la qualité des produits (textile, tanneries...). Ils prennent des décisions contre le luxe des grands : limitation du prix des festins, interdiction des fourures...).

Durant la grande famine de 1504, les élus de Villefranche achètent à Bordeaux du blé qu’ils partagent qu’ils partagent avec les pauvres des campagnes voisines logés chez les bourgeois (200 chez Durand Causse toute l’année).

Malgré cet épisode, la prospérité et le raffinement de la Renaissance se lisent encore aujourd’hui dans l’architecture de la ville. La culture occitane continue à fleurir dans les bourgs proches, par exemple par des traités : juridiques (Malleville), médecine du cheval (Capdenac), histoire locale (Villefranche), Théâtre social et contestataire (Najac).

Raymond de Gautier, exemple de "l’honnête homme" de la Renaissance, donne une grande extension aux mines d’argent qu’il possède ; dirigeant protestant, il est assassiné par traîtrise au château de Graves en même temps qu’une centaine de ses coreligionnaires, un petit génocide à l’échelle de la cité. Dès lors, les Protestants se groupent dans le Sud du Villefranchois. Durant plusieurs années, les Ligueurs venus du Ruthénois, ravagent les récoltes, pillent les maisons rurales, interdisent tout commerce.

Les catholiques de l’Ouest rouergat eux-mêmes sont moins marqués de folie fanatique que ceux du Ruthénois ou de l’Espalionnais. Le 5 avril 1589, l’Assemblée générale des citoyens de toute condition se prononce contre l’adhésion à la Sainte Ligue.

Grâce à leur redoutable milice de 1500 soldats, ne recevant ses ordres que des consuls, les Villefranchois ne cèdent pas devant les sbires du duc de Guise. Finalement, c’est Henri de Navarre qui sort vainqueur des guerres de religion grâce à ses armées protestantes et grâce à sa conversion au catholicisme. Après son assassinat, la démocratie locale va peu à peu se restreindre durant 2 siècles et l’Ouest rouergat va connaître des évènements dramatiques.

[7B) 2 juin 1643 : Les Croquants battent les cavaliers du Roi près de Villefranche de Rouergue

[7C) Echo de la victoire des Croquants et réaction de la royauté

7D) 8 octobre 1643 à Villefranche de Rouergue : L’horrible fin de Jean Petit et des Croquants

7E) Des Croquants à la Révolution française sur le Villefranchois

Dans la rancoeur du sang et des larmes, les milieux populaires vont se redire, de génération en génération jusqu’en 1789 l’histoire vécue des Croquants. Ils vont marmonner le chant des corps se balançant aux gibets "Jean Petit qui danse Pour le Roi de France Avec le doigt Avec le pied..."

REQUIEM POUR JEAN PETIT

Heureusement, la roue de l’histoire tourne au détriment des comtes, des Pères capucins et des bourreaux.

Les Lumières trouvent un terrain favorable dans le milieu commerçant et intellectuel du Villefranchois.

En mars 1789, le cahier de doléances du Tiers état de la sénéchaussée traduit l’aspiration de la bourgeoisie à supprimer les entraves moyenâgeuses au développement économique et à l’égalité civile :

- prépondérance des Etats Généraux pour le vote et l’affectation des impôts

- vote par tête et non par ordre

- liberté du commerce et suppression des corporations

- rétablissement des élections pour les charges municipales

- accès de tous à tous les emplois

- unité des poids et mesures

- liberté individuelle et de la presse

On peut noter dans ce Cahier de doléances l’absence de revendication en faveur du milieu paysan. Il est pourtant toujours aussi misérable. Des émeutes isolées éclatent à Privezac, Lugan, Firmi, Vareilles, Peyrusse ; seule la répression leur répond comme un éternel recommencement.

En 1790, quelques paysans de Bournazel, excédés par leur seigneur et les taxes qu’il continuait à exiger, sortent ses bancs de l’église et les font brûler. Comte, abbé, marquis... marchent alors à la tête des brigades de cavalerie de Villefranche, Caylus et Rieupeyroux, arrêtent les responsables et les jettent en en prison.

C’est alors que resurgit le fantôme des Croquants.

Dans la nuit étoilée, une première cloche appelle au secours, puis une autre, encore une autre, de colline en colline et de plus en plus loin. Des masures sans fenêtres sortent des hommes et même des femmes sans patrimoine mais l’un avec une faux, l’autre avec une hache.

Par les antiques chemins de transhumance au creux des murs en pierre sèche, par les petits chemins forestiers cachés aux pieds de chênes qui ont déjà connu Jean Petit, Lapaille et Lafourque, de petits groupes en haillons longent les haies, franchissent les ruisseaux...

Quand le fleuve de la misère sort de son lit, il prend sa source de chaque maison et enfle au point de submerger les plus hautes montagnes. Ainsi, en 1790, dans le Villefranchois, des paysans se mettent en marche de Goutrens, Lugan, Rignac, Escandolières, Montbazens...

Au petit matin, 2000 silhouettes hantent les abords du château de Bournazel. Parmi des centaines et des centaines d’instruments agricoles portés comme arme se distinguent également quelques fusils. 1790 : c’est la révolution, maintenant ou jamais.

Ils réclament la libération des personnes arrêtées la veille. L’abbé négocie et obtient qu’ils laissent partir les nobles et les cavaliers. Aussitôt après, les émeutiers entrent dans le château et découvrent qu’un des paysans arrêté a été abattu d’un coup de pistolet.

Le château est mis à sac puis incendié.

Malheureusement, l’Aveyron, en 1790, n’a toujours pas vraiment fait la révolution. Le Conseil permanent qui le dirige à partir de Rodez reste très lié aux classes dominantes d’Ancien régime. Aussi, il envoie des troupes pour mater les insurgés.

Les paysans ne peuvent affronter les soldats envoyés contre eux. Leurs meneurs sont arrêtés. La répression leur a à nouveau répondu comme un éternel recommencement.

Heureusement, le gouvernement des Montagnards en 1793 1794 sera effectivement du côté du peuple. Les droits féodaux et seigneuriaux seront à ce moment-là brûlés dans plusieurs communes du Villefranchois sans que la force armée n’intervienne.


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