Nos corps sont contaminés par des microplastiques dangereux

lundi 28 août 2023.
 

Les microplastiques sont partout : dans notre environnement, notre eau, nos aliments et même notre organisme. Et les preuves scientifiques s’accumulent quant à leur nocivité pour notre santé.

On en mange, on en boit, on en inspire et on s’en badigeonne… La question n’est donc plus de savoir si nous absorbons des microplastiques, mais plutôt lesquels et en quelles quantités. « Les microplastiques sont préoccupants pour la santé humaine à cause des substances problématiques qu’ils contiennent, mais aussi à cause d’effets mécaniques, sachant que les plus petits peuvent se retrouver dans l’organisme. Des premières études chez l’Homme ont montré leur présence dans les poumons, le sang, le placenta », explique Guillaume Duflos, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Pour tenter de quantifier notre part en plastique, les scientifiques regardent combien on en ingère. En 2019, une campagne du WWF affichait l’équivalent d’une carte de crédit (5 grammes) par semaine, une quantité aujourd’hui plutôt revue à la baisse. L’équipe scientifique à la source de ce chiffre propose une fourchette allant de 0,1 à 5 grammes, selon son étude publiée en février 2021.

Des variations sur les quantités d’ingestion sont aussi observées selon les régions du monde, le régime alimentaire et même l’âge. Les jeunes enfants ingèreraient plus de microplastiques que les adultes, selon une étude menée dans l’État de New York en 2021 : en un an, plus d’un million de particules de microplastiques ont été retrouvées dans les fèces de bébés, deux fois plus que pour les adultes.

Un effet sur les micro-organismes des intestins D’une taille de 1 micromètre à 5 millimètres — en comparaison, le diamètre d’un cheveu mesure 5 micromètres —, les microplastiques sont soit ajoutés intentionnellement dans les produits, soit plus généralement des fragments de matières plastiques qui se dégradent. Ils sont alors susceptibles de contenir les mêmes substances toxiques, en particulier les nombreux additifs ajoutés pour conférer aux plastiques des propriétés spécifiques — les rendre plus souples ou plus rigides par exemple. Parmi les plus dangereux, on retrouve les phtalates, bisphénols, perfluorés, etc.

Ces substances qui agissent pour certaines à faibles doses préoccupent les toxicologues. « L’Anses développe des méthodes pour quantifier ces additifs dans les microplastiques, mais il y en a des milliers. Leur identification est d’autant plus difficile que les fabricants ne donnent pas d’information sur les substances qu’ils utilisent », précise Guillaume Duflos. La Commission européenne est en train de légiférer pour interdire les microplastiques intentionnellement ajoutés dans les produits par les fabricants.

« Les microplastiques ont aussi une action mécanique. Chez la souris, on sait en particulier que l’ingestion du plastique provoque une inflammation du système digestif », poursuit l’expert. Un effet sur le microbiote intestinal humain vient aussi d’être montré par deux équipes françaises, dans une étude publiée début 2023 : après quinze jours d’exposition quotidienne au polyéthylène, la matière plastique la plus commune, la composition et l’activité du microbiote changent.

Lire aussi : Le plastique utilisé pour les fécondations in vitro, dangereux pour les bébés ?

« Nos résultats montrent le développement de certaines bactéries potentiellement pathogènes. On a également observé une modification de l’activité du microbiote, avec des variations liées à l’âge. En particulier, une diminution de la production de butyrate, un acide gras à chaîne courte [bon pour la santé] chez l’enfant », complète la première autrice de l’étude, Elora Fournier, de l’équipe Medis de l’université de Clermont Auvergne. Qui précise : « Pour observer les effets chez l’humain, on a reproduit dans un modèle in vitro les conditions physico-chimique et microbiennes d’un côlon humain avec le microbiote de donneurs adultes ou enfants. »

Des nanoplastiques dans les cellules Cette recherche vient confirmer celles faites sur les animaux, où « des déséquilibres de la flore intestinale sous l’effet d’ingestion de microplastiques ont été observés », précise Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) , qui souligne que « les études animales montrent que les microplastiques peuvent se retrouver dans différents organes ». Chez la souris, ils passeraient même la barrière hématoencéphalique du cerveau — une barrière qui isole le cerveau du reste de l’organisme —, selon une étude publiée en avril dernier.

Autre préoccupation sanitaire, l’effet des plastiques à l’échelle encore inférieure, celles des nanoplastiques. « Les nanoplastiques peuvent entrer au niveau cellulaire. Une première étude montre des risques de génotoxicité [c’est-à-dire la faculté d’une substance à endommager l’ADN]. Mais ces premiers résultats restent à confirmer », dit Guillaume Duflos, qui pointe la difficulté de déceler ces éléments dans l’organisme. Le chercheur rappelle aussi le défi d’étudier sans biais les effets du plastique « dans un monde de plastique. Cela demande aux scientifiques de revoir leur méthode de travail pour éviter la contamination de leurs échantillons avec tout le plastique présent dans leurs laboratoires. Il faut changer les équipements, revêtir des combinaisons de travail en coton ».

Chercheuse au sein du laboratoire Toxalim, Muriel Mercier-Bonin rappelle que l’alimentation est une des premières sources de notre exposition aux microplastiques, alors que des analyses en retrouvent dans la viande, dans les produits laitiers, dans les fruits et légumes, dans l’eau du robinet et dans l’eau en bouteille, dans la bière et le miel… Sources auxquelles s’ajoutent les cosmétiques et les substances inhalées. Respirer peut même représenter la première source d’exposition, selon une étude canadienne de 2019. « On sait aujourd’hui que les microplastiques se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement », insiste Guillaume Duflos.

Tristement, le taux de plastique au mètre carré retrouvé dans l’air des Pyrénées ariégeoises est équivalent à celui de l’air parisien, selon une autre étude du CNRS de 2019. Et plus on cherche, plus on trouve : « D’ici la fin de l’année, l’Ademe [Agence de la transition écologique] aura des données sur la contamination des sols agricoles et des déchets organiques agricoles, d’élevages, des composts… », annonce Isabelle Deportes, ingénieure à l’Ademe.

Malgré tous ces signaux au rouge, les chercheurs restent prudents sur l’extrapolation des effets observés en laboratoire à la population. La multiplication des publications scientifiques sur le sujet devrait progressivement combler ce manque. Mais une certitude s’impose déjà, il faut sortir de toute urgence de l’ère du plastique.


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