Élisabeth Borne a tourné en rond dans l’autosatisfaction lors de son interview d’une totale grisaille technocratique. Elle est la figure de proue d’un système à bout de souffle, dangereuse faiblesse au moment où la République est frappée au visage par une faction policière séditieuse. É. Borne pataugeait sur BFM dans le verbiage des mots convenus et de la langue de bois la plus éculée. Incapable d’expliquer la nouvelle composition du gouvernement, incapable d’un mot pour expliquer la capitulation de la France sur la fin des tarifs règlementés de l’électricité, incapable d’un mot pour les victimes des violences policières, incapable de faire preuve d’autorité face à la sédition policière. Pourtant, c’est là la crise la plus grave du moment.
« Le Monde » a publié un dessin où la police torture Marianne, la République, pour lui faire dire ce qu’elle veut. J’ai d’abord commencé par trouver ça excessif et plutôt provocateur, dans un moment où mieux valait ne pas jeter de l’huile sur le feu. Puis, pour en avoir le cœur net, j’ai engagé une tournée téléphonique de gens de tous bords et métiers, mais avisés et expérimentés, dont je connais (des fois de loin) la qualité d’analyse.
La situation est-elle celle décrite par « Le Monde », c’est-à-dire un quasi-putsch où le pouvoir serait mis sous la lampe par la police ? Après tout, n’ai-je pas dit moi-même dans Médiapart que le pouvoir ne contrôlait plus la police et qu’il en avait peur ? Et si « Le Monde », qui se procure tant d’informations sur les dossiers judiciaires, et jusqu’aux noms et numéro de téléphone des personnes concernées même de très loin, prend le risque de compromettre son commerce, l’alerte est-elle plus sérieuse encore que je ne le crois ? Bref : que se passe-t-il.
Deux extrêmes dans les analyses. À un bout, l’un me dit que tout ceci est un coup monté entre Darmanin et les chefs de la police et leurs subalternes « syndicalistes ». À l’autre bout, la thèse est : plus personne ne contrôle la police. Pas même les pseudo-syndicats. Comme ce fut le cas dans la période « Gilets jaunes », où il y eut même une nuit de manifestation sauvage de policiers sur les Champs-Élysées, qui permirent aux syndicats d’obtenir en une nuit ce qu’ils réclamaient depuis dix ans. Aujourd’hui il en irait de même. Et les chefs de la police servent de fusible en se plaçant aux côtés de la troupe pour la canaliser. Avec l’accord du pouvoir.
On peut penser que la manœuvre va fonctionner. Donc pour cette fois-ci cela n’irait pas plus loin. D’autant que les prises de positions dans l’autorité judiciaire ont montré qu’au moins un corps de l’État réagissait au danger. Les tribunes publiées ont également prouvé l’existence d’une conscience politique maintenue dans les milieux intellectuels. Naturellement, chacun doit espérer et agir pour le retour au calme, qui se confond ici avec le retour à la Justice et ses procédures. Il faut espérer qu’aucune provocation ici ou là, venant de la sphère gouvernementale ou des organisations de police, ne viennent relancer le cycle violences et révoltes.
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