Le Capital Terre : une notion et une histoire qui reste d’actualité brûlante.

dimanche 23 octobre 2022.
 

Le conflit armé russo–u ukrainien et la spéculation sur les matières premières dont les céréales refocalisent notre attention sur l’exploitation de notre terre nourricière.

**

L’émission « Entendez-vous l’éco ? » De Tiphaine de Rocquigny sur France Culture (17/10/2022) a traité de la question de l’économie de la terre du Moyen Âge à nos jours. Elle fait parti d’une série de trois émissions sur L’économie des éléments https://www.radiofrance.fr/francecu...

**

Économie de la terre est accessible avec le lien suivant :

https://www.radiofrance.fr/francecu...

**

Présentation de l’émission sur le site de FC

Comment la maîtrise de la “terre” (et de la Terre) a permis à l’économie capitaliste d’advenir ?

Avec

Alessandro Stanziani Historien, directeur d’études à l’EHESS, directeur de recherches au CNRS et membre du Centre de Recherches Historiques

*

L’élément terre, dans son acception économique peut s’entendre de deux manières : la terre à exploiter, dont on peut tirer des ressources et du profit, et la Terre à préserver et à “sauver” d’un capitalisme prédateur qui l’épuise. L’idée de parler de capital Terre reprend deux notions incluses dans le terme Terre, à savoir comprendre la Terre à la fois comme notre planète et à la fois comme une ressource foncière. On ressent bien l’ambivalence dans l’expression capital Terre : la Terre est à la fois notre espace de vie, un espace commun et un bien précieux à préserver, mais elle est aussi une ressource dans laquelle puiser des richesses et dont on peut retirer des profits. Du 12ème au 19ème siècle : comment la croissance se fonde-t-elle sur le travail de la terre ?

Selon Alessandro Stanziani, l’histoire économique de la terre comme capital commence au 12ème siècle, il précise "selon Fernand Braudel et Werner Sombart le capitalisme commence au 12ème siècle. Le capitalisme selon Braudel est identifié par le monopole, plutôt que la concurrence, et par la finance. Je complète cette définition avec la notion que les ressources sont uniquement à exploiter et non pas à préserver pour le futur et surtout que le travail doit être soumis à des contraintes sévères au long de plusieurs siècles.

De ce point de vue-là, je n’associe pas, comme Marx, le travail et le capitalisme au travail salarié et au prolétaires, au contraire, j’associe les formes multiples du capitalisme aux formes différentes du travail contraint. D’où la possibilité d’inclure les régimes qui commencent au 12ème siècle sous le nom de capitalisme". Par ailleurs, du 12e au 19e, la hausse de la production agricole correspond à une augmentation des surfaces cultivées, en effet les déforestations n’ont cessé d’être présentes du néolithique au haut Moyen-Âge et elles s’accélèrent fortement entre le 8e et le 13e siècle. Cependant, même au 12ème siècle des contestations contre le déboisement et l’exploitation de la terre à des fins productives agraires existaient déjà, Alessandro Stanziani ajoute "les résistances sont importantes, plusieurs acteurs se rendent compte de la nécessité de préserver les forêts afin d’avoir de bonnes récoltes à côté, mais aussi pour des intérêts économiques, politiques et sociaux. Cette résistance est celle d’un capitalisme que j’appelle foncier, agraire et quasi industriel, qui va du 12ème au 19ème siècle".

De 1870 à 1970 : vers un modèle productiviste et une surexploitation de l’élément terre

Pendant ces décennies, l’exploitation des ressources de la terre et le système capitaliste connaissent des changements majeurs, marqués par une intensification remarquable. Alessandro Stanziani précise "dans l’agriculture et dans le pays du Nord, la mécanisation est très lente, mais on constate un changement significatif avec les semences. Après la crise de 29, aux Etats-Unis, on s’intéresse aux semences hybrides. Il y a des investissements massifs, on donne des semences hybrides aux fermiers américains et ensuite, on vend ces mêmes semences à l’Europe avec l’aide du plan Marshal et on impose aux agriculteurs européens d’avoir recours aux semences hybrides. L’avantage des semences hybrides, ce sont des rendements faramineux, ça commence par le maïs, la plante des plaines américaines, et de fait on arrive à nourrir de plus en plus de population à l’échelle mondiale. L’inconvénient c’est que les semences hybrides ont une durée de vie très courte, de un ou deux ans, pour qu’elles soient rentables il faut beaucoup de fertilisants chimiques. Les producteurs de semences produisent aussi le fertilisants chimiques, ils sont gagnants des deux côtés. Par ailleurs, ces producteurs ont le monopole et l’exclusivité de ce marché. Enfin, les rendements des hybrides commencent à décroître après 20 ans".

**

De 1970 à 2050 : spéculer sur le capital Terre : la terre face à la libéralisation des marchés

Les bouleversements majeurs ont lieu pendant les années 1970 : la fin du système de Bretton Woods, les chocs pétroliers, le déclin du keynésianisme et de l’État social en Occident et le début des réformes en Chine. Par ailleurs, la spéculation sur les produits agricoles s’élargit aux terres elles-mêmes : il ne s’agit pas seulement d’échanger des produits virtuels dont la plupart ne verront jamais le jour, mais de contrôler ces flux hypothétiques à l’échelle mondiale. Selon Alessandro Stanziani "avec le néolibéralisme des années 80 et surtout dans les années 1990, on assiste à la libéralisation totale des Bourses de marchandises, avec les spéculations sur les matières premières et sur le blé, et on arrive jusqu’aux crises de 2008/2010 et jusqu’au crise de nos jours sur la vie chère. C’est-à-dire que c’est une pénurie qui est provoquée, non pas par de mauvaises récoltes, mais surtout par les spéculations"

** . Références sonores

Lecture Les raisins de la colère, John Steinbeck, 1939 Extrait du Seigneur des anneaux, film de Peter Jackson, 2001 Lecture d’un extrait de La Terre , Zola, 1887 Archive INA sur la modernisation de l’agriculture, 1961, RTF (Rhône Alpes actualités) Interview de Arnaud Apoteker, porte-parole de Greenpeace France, dans un supermarché en 1996

** Bibliographie

Alessandro Stanziani : Capital Terre. Une longue histoire du monde d’après (XIIème au XXIème siècle) , Payot, 2021

Kenneth Pomeranz : Une grande divergence. La chine, l’Europe et la construction de l’économie mondiale (Albin Michel, 2021)

** Références musicales

Pêcheur et paysan, par Bourvil, 1949 Y tu te vas, par La Femme, 2022

**

L’équipe : voir sur le site ** Annexe

Entretien dans le journal le monde avec l’auteur sur son livre. https://www.lemonde.fr/idees/articl...

** présentation du livre sur le site de l’éditeur.  : https://www.payot-rivages.fr/payot/...

Alessandro Stanziani : Capital Terre. Une longue histoire du monde d’après (XIIème au XXIème siècle)

Thomas Piketty (Préfacier) présentation du livre

Et si le cœur du problème de la faim dans le monde n’était pas la hausse de la population mais plutôt les modalités de la production agricole et surtout de la distribution au profit des plus riches ? Dans cet essai engagé pour des sociétés plus solidaires et plus justes, qui retrace l’histoire longue du capitalisme, Alessandro Stanziani propose de renouer avec le contrat social cher à J.-J. Rousseau et de faire de la démocratie, de l’égalité sociale et de l’environnement les trois piliers du monde d’après. Défenseur d’une politique publique conciliant croissance économique et démographique, droits du travail, lutte contre les inégalités et protection de la planète, il plaide pour la fin des spéculations sur les denrées alimentaires, de l’accaparement des terres et de la propriété industrielle, en particulier sur les semences, véritable « patrimoine de l’humanité », et prône une refonte plus égalitaire de la fiscalité et des finances publiques. Une pensée économique globale, qui se préoccupe autant de l’avenir de l’Asie et de l’Afrique que de celui de l’Europe, par un brillant historien reconnu à l’international et fort de décennies de recherches sur le terrain dans le monde entier.

Alessandro Stanziani est un historien économiste, directeur d’études à l’EHESS et chercheur au CNRS. Spécialiste d’histoire globale, il a réfléchi à la régulation des marchés, à l’Histoire de la qualité alimentaire (2005) et aux Métamorphoses du travail contraint (2020).

*

Caractéristiques de l’ouvrage :

Éditeur – collection : Histoire Payot

Parution : octobre, 2021 432 pages

Format : 15.5 x 23.5

Prix : 22,00€

Version numérique disponible

** HD


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message