Sécheresse : un litre d’eau sur cinq fuit des canalisations avant d’arriver au consommateur

mardi 23 août 2022.
 

En France, près de 20% de l’eau potable s’échappe des tuyaux avant d’arriver au consommateur. Alors que la chasse aux fuites s’organise, renouveler l’intégralité du réseau apparaît cependant comme une fausse bonne idée, aux conséquences néfastes.

L’eau chemine. De la station de traitement aux cuisines et aux salles de bains, elle passe par des tuyaux, sous terre. Mais parfois, un branchement se desserre, un petit trou fissure le tube. Et des gouttes s’échappent du réseau. Au total, c’est près d’un litre sur cinq qui n’atteint pas les robinets, en partie à cause de la vétusté des canalisations, selon le dernier rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB), publié en juin dernier à partir des données de 2020. Soit 937 millions de mètres cubes. L’équivalent de la consommation annuelle d’environ 18 millions d’habitants. Pourtant, la France ne fait pas figure de mauvais élève. En 2019, la Belgique et l’Italie composaient respectivement avec 27 et 38 % de fuites. Et le chiffre n’est pas nouveau : le rendement moyen des réseaux français stagne autour des 80 % depuis plusieurs années. Mais, alors que plus de cent communes sont privées d’eau potable cet été, il alerte.

Moins de fuites dans les zones denses

Dans de nombreux cas, les Etablissements publics de coopération intercommunale, en charge de la gestion de l’eau potable, ne sont pas au courant de l’existence de ces fuites. « Si c’est suffisamment grave, comme un trou dans la chaussée et que l’eau ressort en surface, c’est vite réparé, évidemment. Mais les fuites plus diffuses sont compliquées à détecter », indique Franco Novelli, en charge des sujets techniques au département cycle de l’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l’une des principales associations de collectivités. Impossible de déterrer le réseau pour examiner chaque centimètre de tuyau. Alors les techniciens utilisent des capteurs acoustiques, des caméras ou bien surveillent le débit la nuit, lorsqu’il est censé être plus calme, pour identifier les écoulements.

Depuis 2013, un décret pris en application des lois Grenelle de l’environnement de 2009 et 2010 impose notamment aux collectivités d’avoir un seuil de rendement d’au moins 85 %, sous peine d’une majoration de la redevance de prélèvement de la ressource en eau. Mais chaque réseau d’eau dépend de particularités locales, et la rentabilité du réseau est très variable selon les endroits. Comme le souligne le rapport de l’OFB, « les très grands services (plus de 100 000 habitants – majoritairement urbains) présentent les meilleurs rendements de réseaux […] par rapport aux services de plus petite taille », davantage touchés par les fuites, moins facilement repérées et réparées.

« En cas de fuite, la facture des travaux est davantage partagée dans les zones denses, où un mètre linéaire de tuyaux dessert une population beaucoup plus importante qu’en zone peu dense », explique Gabrielle Bouleau, chercheuse en science politique et spécialiste des politiques de l’eau à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

« Folie de la reconstruction »

Mais le rajeunissement entier du réseau est loin d’être une solution miracle. Pour Franco Novelli, de la FNCCR, il s’agit de continuer à renouveler les canalisations « de manière intelligente et rationnelle » sans aller vers une « folie de la reconstruction », au risque de tomber dans un non-sens écologique. Car remplacer des canalisations implique un grand chantier, des matériaux qui viennent de loin et beaucoup de camions en circulation. « C’est autant d’émissions de gaz à effets de serre », prévient-il. Gabrielle Bouleau, elle aussi, appelle à relativiser l’ampleur de ces fuites. « Si c’était de l’huile, du vin ou du pétrole, cela paraîtrait affolant d’en perdre un cinquième. Mais transporter de l’eau est difficile, il y a toujours une partie qui s’en va. Quand on fait des tuyaux pour transporter du gaz ou du pétrole, on ne se permet pas ça parce que les liquides ne sont pas au même prix. On est dans un équilibre économique qui dépend de la valeur de ce qu’on transporte », souligne la chercheuse.

Et même si, en pleine sécheresse, l’eau perdue dans les fuites ressemble à une eau gaspillée, construire un réseau entièrement étanche serait très coûteux et le prix des travaux se répercuterait sur la facture des consommateurs. « Si demain, l’eau est plus rare et que cela rend les fuites insupportables, il faudra trouver un autre compromis dans lequel on paie plus cher », avance Gabrielle Bouleau, pour qui il faudrait alors adapter la tarification pour les particuliers, afin que tout le monde puisse avoir accès à un volume minimal.


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