Présidentielle (France) - Abstention : un président mal réélu

mercredi 4 mai 2022.
 

Avec 28 % d’abstention, le second tour de la présidentielle a tenu sa promesse : mobiliser encore moins que le premier. Le nombre de votes blancs est peu ou prou celui de 2017, mais triple par rapport au 10 avril 2022. Macron a promis de prendre en considération le « silence » des électeurs.

Sa cote monte, encore, de quelques points. L’abstention tourne, pour ce second tour, autour de 28 %, plus très loin du record de 1969 (31 %), où l’électorat avait boudé le duel Poher-Pompidou. Pas davantage enthousiasmé par le face-à-face Macron-Le Pen, le deuxième en cinq ans, près de quatorze millions de citoyennes et citoyens ont snobé les urnes, soit plus que le total des voix accordées à Marine Le Pen et à quelque 5 millions de celles accordées à Emmanuel Macron. En 2022, 48,7 millions de personnes étaient inscrites sur les listes électorales.

Ce qui a fait dire, à quelques minutes de la proclamation des résultats à Jean-Luc Mélenchon, que le président sortant est l’un des plus « mal élus de la Ve République », qu’il « surnage dans un océan d’abstention, de votes blancs et de nuls ». L’abstention augmente en effet d’au moins deux points par rapport au premier tour le 10 avril 2022, selon une logique désormais implacable : une moindre mobilisation au second tour du scrutin, signe d’une véritable lassitude démocratique.

Refus de choisir ou grève du vote, les chiffres du vote blanc et nul sont également éloquents : en 2017, ils représentaient environ 11 % des votant·es (dont 6,35 % de votes blancs). Cinq ans plus tard, la proportion se tasse légèrement : le pourcentage de votant·es ayant choisi le blanc ou le nul tourne autour de 8,5 % ( 6,35 % blancs et 2,25 % nuls) soit en tout près de 3 millions de personnes (dont 2, 2 millions de votes blancs).

C’est donc bien l’abstention qui tire son épingle du jeu parmi les inscrits, à l’image des deux derniers scrutins du quinquennat (66 % d’abstention lors des régionales, 58 % aux municipales), mais le nombre de blancs triple par rapport au premier tour.

Le président de la République, devant un tel tableau, n’a pas pu faire l’impasse sur l’ampleur de la désaffection, à l’occasion de ses premiers mots adressés à la nation le soir de sa victoire. Même si ses pensées ont été brèves. « Je pense à tous nos compatriotes qui se sont abstenus, leur silence a signifié un refus de choisir auquel nous nous devrons aussi répondre. » Avant d’ajouter : « Le vote de ce jour nous impose de considérer les difficultés des vies vécues et de répondre aux colères qui se sont exprimées. »

Barbara Pompili, sa ministre de l’écologie, expliquait quelques minutes plus tôt sur le plateau de France 2 qu’un tel niveau d’abstention « responsabilise », « on doit l’entendre, on doit plus concerter, aller sur le terrain, faire encore plus qu’avant ». Emmanuel Macron a en effet régulièrement été critiqué par sa pratique verticale et à huis clos du pouvoir.

Pour le premier ministre Jean Castex, « c’est une victoire riche de signification politique, le président de la République a raison de dire que cette victoire l’oblige, que la France est traversée par une crise politique forte ».

À gauche, plusieurs responsables politiques se sont alarmés à la fois du score élevé de Marine Le Pen et du haut niveau de l’abstention. « Quand 28 % font même le choix de s’abstenir, en prenant le risque de son élection, nous mesurons à quel point l’extrême droite et ses idées se sont banalisées dans notre pays », a tancé Fabien Roussel, du Parti communiste, dans une déclaration envoyée à la presse.

Dans certains départements en particulier, l’abstention atteint même des sommets encore plus vertigineux. En outre-mer, outre un vote Marine Le Pen phénoménal, la participation est catastrophique (lire le papier de Julien Sartre). Traditionnelle et faible participation également en Corse pour l’élection présidentielle 2022, comme au premier tour : 39 % d’abstention en Corse du Sud comme en Haute-Corse.

En Seine-Saint Denis, qui avait voté massivement Jean-Luc Mélenchon au premier tour, l’abstention a culminé autour de 39 %, ce qui laisse entrevoir une démobilisation massive des quartiers populaires. Le Val-d’Oise s’est également abstenu au delà de la moyenne nationale (près de 33 %), des chiffres à peu près équivalents dans le Val-de-Marne. A Paris, où les chiffres de participation se sont affolés vers 17 h, l’abstention a finalement plafonné à 26 %.

Mathilde Goanec


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message