Poutine et ses sbires : un jour dans le box de la Cour Pénale Internationale ?

vendredi 4 mars 2022.
 

Lundi, le nouveau Procureur de la Cour Pénale Internationale a annoncé l’ouverture imminente d’une enquête pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, rendant possible ce qui pouvait nous apparaitre, il y a peu, impensable, le jugement de V. Poutine et de ses complices. Souvenons-nous que l’aspiration collective à la possibilité d’une justice est le rêve des victimes survivantes, un rêve qui flotte aussi au-dessus des charniers.

En ce moment circulent plusieurs pétitions internationales demandant l’incrimination du président russe devant une juridiction internationale.

Le lundi 28 février 2022, au soir, le nouveau Procureur de la Cour Pénale Internationale a annoncé l’ouverture imminente d’une enquête pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, rendant possible ce qui pouvait nous apparaitre, il y a peu, impensable, le jugement de Vladimir Poutine et de ses complices.

Souvenons-nous que l’aspiration collective à la possibilité d’une justice est le grand rêve des victimes survivantes, un rêve qui flotte aussi au-dessus des charniers.

Il se trouve que la criminalité politique des états dictatoriaux exercée à l’encontre d’une fraction de sa propre population ou de celle d’un autre pays est à la fois la plus immense en termes de production de souffrances et de dégâts, et une des moins appréhendée par le droit international, malgré les immenses progrès de la fin du XXème siècle et le début du XXIème.

Comme pour Hitler et Milosevic, il faut le plus souvent une victoire militaire pour pouvoir juger le criminel contre la paix et déconstruire les idéologies qui ont couvert la réalisation de ces crimes.

Trop souvent, le dictateur invaincu, en proie à l’ubris du sinistre vertige du pouvoir, finit seul dans son palace-bunker, pendant que ceux qu’il n’a pas encore tués lui vouent un culte religieux.

Aujourd’hui, même si Poutine peut encore pendant des années poursuivre son œuvre mortifère de désinformation et de révisionnisme, tentant d’imposer à son opinion publique une version alternative de la vérité, un jour peut-être, au travail des historiens qui déconstruiront cette mystification, s’ajoutera l’œuvre judiciaire de la justice internationale.

Mais la planète vit une situation absolument inédite historiquement, en temps réel, qui semble rendre peu réaliste une victoire des Ukrainiens sur le terrain mais semble en même temps rendre réaliste la poursuite des principaux responsables de ce grand crime d’Etat.

Depuis le 22 février 2002, assister en direct sur les écrans et sur la planète entière à une invasion d’une violence transgressive sidérante, est une expérience collective sans précédent de l’humanité.

On rêverait que la résistance incroyable, magnifique, des combattants et civils ukrainiens et de leur président, puissent sauver leur pays, en face d’un terrifiant Goliath, elle sauve déjà la vérité des faits, en rendant de plus en plus grotesque la propagande du grand criminel. En effet, le monde voit bien que le président ukrainien n’est ni nazi, ni drogué.

La résistance ukrainienne détruit collatéralement le mensonge politique de Poutine, et ains elle offre au monde la possibilité d’une plus juste intelligence des faits : toute la désinformation déjà programmée – et c’est sans précédent – s’effondrera même si, simultanément, l’Ukraine s’effondre sous les coups de boutoir de l’armée russe.

Ainsi, c’est la première fois que pourrait être trainé dans le box le dirigeant, et en l’espèce celui d’un des plus puissants Etats de la planète, alors même qu’il aurait gagné militairement.

Pour la première fois, alors que les grandes criminalités d’Etat en cours, en Syrie en Chine et hélas ailleurs, restent trop souvent dénuées d’images en temps réel, trop souvent hors champ des prises de consciences collectives, à chaque seconde nous sommes témoins dans l’immédiateté des crimes.

Vladimir Poutine est aujourd’hui démasqué dans sa vision du monde souvent délirante sa propagande mensongère perdent en légitimité : « Quand le menteur n’est plus cru, il est cuit » (Alfonse Allais).

Un cercle de millions de visages sidérés font face à l’écran du tragique, aux images et aux bruits, aux silences de la guerre vraie, à l’angoisse des vrais confinements …Et depuis hier, une autre menace, portée du fond de l’écran par la lueur glaçante des tous petits yeux du dictateur plongeant dans les vôtres — a-t-on bien entendu ? — oui, il s‘agit bien de la menace du cataclysme nucléaire. Comme dans un avatar contemporain du chœur des tragédies antiques, le cercle d’une réception mondiale voit se promettre là, à un souffle devant, l’abîme.

Alors, le chœur du XXI° siècle n’en appelle pas seulement aux dieux s’ils existent mais à la justice internationale pensable, possible : à menace contre l’humanité, tribunal de l’humanité.

Or, l’hypothèse de voir Vladimir Poutine, ses complices et au premier chef, le président biélorusse, condamnés dans quelques années par la CPI n’est plus impossible.

En effet l’Ukraine il y a six ans a reconnu la compétence de la CPI pour des crimes commis sur son territoire à compter du 20 février 2014. S’agissant des crimes commis au Donbass en Crimée et pendant la révolution de Maidan, déjà la procureure précédente avait fait savoir que l’ouverture d’une enquête était à l’étude. Reste que ni l’Ukraine ni la Russie n’ont ratifié le statut de la CPI, et donc aucune poursuite pour crime d’agression, ou crime contre la paix, ne peut aujourd’hui être possible à l’initiative du procureur de la CPI.

Les atrocités actuelles nous rappellent à quel point le droit de veto à l’ONU des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies est obsolète au regard de l’exigence d’une justice universelle.

Un verrou tant utilisé comme garantie d’impunité par la Russie et la Chine, mais également pour protéger Bachar EL ASSAD, un instrument tout aussi essentiel pour les Américains quand il s’agit de se protéger des conséquences de leur propre criminalité.

Alors que se dessine un consensus inédit dans l’histoire depuis 1945 pour condamner l’agression, la communauté internationale, tirant les conséquences de cette quasi-unanimité, doit imaginer un processus pour que non seulement Vladimir Poutine soit poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ce qui serait déjà immense, mais également pour crime d’agression.

Il n’est ainsi pas absurde qu’un tribunal ad hoc spécifiquement chargé de juger Vladimir Poutine pour crime d’agression soit institué, un tribunal dont les travaux pourraient se poursuivre en collaboration avec ceux du procureur de la Cour Pénale Internationale.

Terrible dilemme de rappeler que pour que la justice soit rendue complètement, il faut peut-être prendre le risque d’affaiblir un système onusien en le contournant et donner ainsi des arguments à tous ceux qui rêvent de déconstruire de grand système multilatéral construit après 1945.

On doit espérer également que l’assemblée générale des Nations Unies vote massivement une résolution condamnant Vladimir Poutine pour crime d’agression, mais il y aura des résistances.

On le sait, l’infâme bourreau du Kremlin a su braconner avec cynisme dans le sentiment antioccidental, et plus particulièrement la francophobie qui court en Afrique mais aussi l’américanophobie en Amérique latine.

Un sentiment nourri par notre arrogance collective, notre mépris, notre myopie dont tirent profit en Afrique les milices Wagner à la solde de Poutine qui y commettent déjà des actes les plus atroces.

Une escouade, qui non seulement s’étend en Afrique pour poursuivre chaque jour son œuvre de mort, mais une milice aussi à la solde des oligarques, séides de Poutine, pour mettre la main sur les ressources minières les plus juteuses.

Par tous les moyens, Poutine devra être jugé pour les crimes qu’il commet chaque jour en Ukraine et pour tous les autres qu’il a commis au Donbass et en Crimée.

Reste que pour la première fois dans l’histoire depuis 1945, le dirigeant d’un pays membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, peut rendre des comptes des crimes qu’il commet contre la paix et contre l’humanité.

L’annonce faite par le procureur est un message puissant à l’adresse des victimes et des survivants pour leur rappeler que l’impunité de leur bourreau ne sera pas éternelle. Nous retenons tous notre souffle en espérant que la double mâchoire, judiciaire et financière, résultant des mesures de saisies des avoirs de la clique d’oligarques qui doivent tant à Poutine, puisse retenir son glaive.

Nous rêvons qu’il ne soit pas impensable que ceux dont l’allégeance à Poutine aura permis des enrichissements gigantesques, devenus parias du monde mais surtout appauvris, se retournent contre lui.

Rêvons aussi que les militaires qui l’accompagnent dans son œuvre de mort s’imaginant un jour condamnés aux peines les plus lourdes se dressent contre leur mentor, sans doute prenant tous les risques et ainsi mettre l’humanité à l’abri des risques imprévisibles que les évènements tragiques chaque jour lui font courir.

William Bourdon – Avocat

Véronique Nahoum-Grappe - Chercheure en sciences sociales


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