Arnaud est mort

samedi 8 janvier 2022.
 

Après son licenciement, Arnaud a consulté son syndicat local ; c’est là que je l’ai rencontré. Il m’a tout expliqué, avec ses mots à lui. J’ai démêlé de mon mieux les courriers, les articles de loi, ses droits au chômage. À 54 ans, que pouvait-il espérer de l’avenir ? Aujourd’hui, Arnaud est mort, et les responsables ne seront jamais inquiétés

En novembre dernier, Arnaud a été convoqué à un entretien préalable à licenciement. Ce jour-là il s’est blessé au travail. Mais il s’est tout de même rendu à l’entretien la semaine suivante. Où on lui a annoncé que son travail était médiocre, insuffisant, et qu’il serait licencié.

Cette annonce venait de la bouche du même patron qui, un mois et demi plus tôt, signait son compte-rendu d’évaluation annuelle, sans un seul reproche. Il était même écrit "apport important pour l’entreprise", à propos des compétences d’Arnaud. La lettre de licenciement listait des motifs flous. Arnaud a demandé des précisions, et a reçu un second courrier, avec des explications encore plus alambiquées, et même contradictoires avec le premier.

Arnaud a consulté son syndicat local ; c’est là que je l’ai rencontré. Il m’a tout expliqué, avec ses mots à lui. J’ai démêlé de mon mieux les courriers, les articles de loi, ses droits au chômage. À 54 ans, que pouvait-il espérer de l’avenir ?

Il y a 4 ans encore, Arnaud aurait pu attaquer son employeur au tribunal des prud’hommes, et gagner au moins 6 mois de salaire pour ce licenciement illégal. De quoi tenir jusqu’à la retraite, peut-être ? Au moins quelques années, avec des petits boulots. Mais depuis les ordonnances Macron de 2017, il n’aurait pu gagner, au mieux, que 4 mois de salaires, desquels il aurait fallu déduire tous ses frais de justice. Une misère, pour lui. Une aubaine, pour les patrons voyous.

Ce matin, j’ai appris qu’Arnaud est mort. Crise cardiaque. Bien sûr, on ne saura jamais la part exacte de responsabilité de ses employeurs. Mais l’inquiétude pour l’avenir et la chute des revenus ont des conséquences réelles. Le taux de mortalité des personnes privées d’emploi est 300 % supérieur à celui des autres, à situations de santé initiale équivalente. 10 à 20 000 morts par an.

Arnaud est mort. Petit point supplémentaire dans les statistiques, invisible, comme les autres. Jusqu’à quand ?


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