Amérique latine : résistances aux stratagèmes américains Venezuela

samedi 25 décembre 2021.
 

VENEZUELA : Élections régionales et municipales du 21 novembre 2021

Élections de 23 gouverneurs et de 335 maires.

Participation : 42 %.

Résultats :

19 gouverneurs et 208 mairies aux partis du gouvernement rassemblés au sein du Grand pôle patriotique.

3 gouverneurs et 59 mairies pour l’opposition dite MUD et 58 pour l’alianza democratica soit 117 maires d’opposition

Contexte

Les précédentes élections (régionales et municipales) datent de 2017 : l’opposition avait présenté des candidats aux postes de gouverneurs et, forte de sa position dans les sondages, espérait une victoire confortable… que les urnes ne lui ont pas concédée : elle ne remporte que cinq États. La MUD demande alors à ses candidats de se retirer (un seul le fera, les autres seront exclus du parti) et dénonce des fraudes ; c’est ce qu’elle fait à chaque fois qu’elle perd une élection. Le mode de vote électronique a beau être l’un des plus sûrs au monde (c’est du moins ce que dit le Centre Carter aux États-Unis au sujet du système vénézuélien), rien n’y fait : si l’opposition perd, c’est qu’il y a eu fraude. Dans la foulée, elle décide de ne pas présenter de candidats aux élections municipales au mois de décembre de la même année (seuls quelques candidats libres de l’opposition y participeront). Le parti PSUV au pouvoir remporte donc 298 mairies sur 335…

L’opposition reste sous l’influence du parti le plus extrême de l’opposition : Voluntad Popular, fondé par Leopoldo Lopez. Ce dernier, qui vit aujourd’hui en Espagne, s’est enfui du Venezuela où il purgeait une peine de prison de 14 ans pour des violences qu’il avait organisées en 2014. Après son arrestation, ses adjoints avaient poursuivi sa stratégie de violence : l’un d’eux, Freddy Guevara, avait ainsi été obligé de se réfugier à l’ambassade de Chili. Juan Guaido avait repris le flambeau, devenant le héros médiatique international que l’on connait, soutenu par près de 60 pays (dont la France), l’Union européenne, et bien évidemment les États-Unis de son parrain Donald Trump.

Les années qui vont suivre le scrutin de 2017 vont permettre à cette aile extrémiste de mettre en place, avec l’aide américaine et européenne, un gouvernement et une organisation virtuelle ; d’obtenir des financements grâce aux gels des biens et avoirs du Venezuela dans les banques américaines et européennes ; d’installer un blocus contre le pays, d’affamer la population et d’empêcher tous les achats au niveau international, y compris de médicaments ou de vaccins…

Pendant ce temps et sur un tout autre registre, Nicolas Maduro appelle l’opposition au dialogue pour sortir de la crise ; Juan Guaido répond qu’il n’a pas de temps à perdre avec « le dictateur ». La République dominicaine finit pourtant par accueillir pour des négociations des représentants de Maduro et de l’opposition, en présence de l’ancien Premier ministre espagnol José Luis Zapatero et du président dominicain. Ces négociations échouent grâce aux manœuvres des États-Unis, qui ne veulent pas entendre parler de dialogue.

Mais peu à peu, une partie de l’opposition se rend compte que la route imposée par Volundad popular ne mène à rien : seul le peuple vénézuélien – non les politiques – souffre des blocus et des sanctions économiques. Il faut sortir de l’impasse. Elle accepte la main tendue du président. Un long processus de discussions commence, d’abord avec la libération de militants de l’opposition détenus pour action contre l’État, puis avec l’organisation d’élections législatives à l’issue de laquelle cette partie de l’opposition comptera 22 élus en décembre 2020.

La nouvelle assemblée nationale permet la mise en place d’un nouveau conseil national électoral auquel participent deux membres de l’opposition, respectivement comme recteur et vice-recteur… Le dispositif du vote reste le même (vote électronique infalsifiable et inviolable) mais il est prévu un audit avant, puis pendant l’élection, en présence de tous les représentants des partis qui concourent.

Sur ces bases-là, toute l’opposition participe à l’élection… sauf Juan Guaido, esseulé et diminué par plusieurs scandales financiers, accusé d’avoir détourné une partie des budgets que lui ont confiés les agences de développement américaines. Il aurait de surcroit couvert l’octroi de 70 millions d’euros à la mère de Leopoldo Lopez, une somme qui provenait de la société « Monomeros », propriété de l’État vénézuélien et de l’État colombien, installée en Colombie, qui, soutenant Juan Guaido, lui avait confié la responsabilité de son développement.

En novembre 2021, Nicolas Maduro a réussi son pari : il a fait revenir sur le chemin du vote une opposition qui avait choisi délibérément, fin 2015, de prendre le pouvoir – c’est-à-dire la présidence de la république – par la force (au moment pourtant où elle venait de remporter les élections législatives par les urnes…)

Il n’y a que les États-Unis de Joe Biden pour soutenir encore un homme qui n’a plus aucun mandat électif.

Aujourd’hui, Juan Guaido ne représente plus l’opposition vénézuélienne, l’élection qui vient de se dérouler l’a confirmé. C’est contre son avis que l’opposition s’est unanimement présentée, et il n’y a que les États-Unis de Joe Biden pour soutenir encore un homme qui n’a plus aucun mandat électif. Déroulement des élections Candidats

Malgré le blocus, la pandémie, les États-Unis et leurs sarcasmes, le Venezuela s’est réuni pour voter.

Nombre de postes à pourvoir : 3082 (dont 23 gouverneurs, 335 maires, 253 conseillers régionaux, 2471 conseillers régionaux). Nombre de candidats du Grand pôle patriotique (PSUV et alliés) : 3082. Nombre de candidats de l’opposition (MUD et autres) : 67 118 (l’unité n’a pas été le maitre-mot : le pouvoir présentait un candidat quand l’opposition en présentait 20…).

À noter tout de même qu’un certain nombre de candidats de l’opposition tout comme certains ex militants du Grand pôle patriotique ont été empêchés de se présenter car en prison pour « atteinte à la sécurité de l’État », ou en attente de procès.

Participation : 42 %. Observateurs internationaux

Des observateurs de l’ONU, du centre américain Carter, des pays de l’Alba, d’autres pays d’Amérique latine, de l’Union européenne mais également d’organisations politiques ou d’ONG venus d’Europe, d’Afrique, au total plus de 350 personnes provenant de 55 pays ont pu suivre le scrutin, ou à une plus longue présence sur le terrain.

Tous ont relevé l’absence de fraude lors de ces élections. L’Union européenne, par la voix d’Isabel Santos, députée au Parlement européen qui menait la délégation, a cependant relevé un manque d’indépendance judiciaire, l’utilisation des ressources de l’État et la non-validation arbitraire de certains candidats, reconnaissant tout de même une nette amélioration dans le déroulement de ces élections par rapport aux précédents scrutins (même si cela fait 15 ans que l’Union européenne n’y avait pas assisté).

Nicolas Maduro a rétorqué que les observateurs européens étaient « des espions qui cherchaient à salir le processus électoral sans y parvenir ». Il est vrai que la séparation entre le tribunal suprême de justice et le pouvoir n’a jamais existé, ni avant ni après l’arrivée de Hugo Chavez, lequel s’est très bien accommodé de cette imperfection, comme son successeur Nicolas Maduro… et comme la droite qui a régné auparavant en maitre dans le pays et n’y trouvait alors rien à redire. Résultats

Gouverneurs

19 gouverneurs sur 23 pour le Grand pôle patriotique (coalition du PSUV et de ses alliés). L’État de Miranda (qui inclut la capitale), l’un des plus importants en termes de voix avec celui de Zulia, reste chaviste grâce à la division de l’opposition qui a mené campagne avec deux candidats. Le désistement de l’un d’eux au dernier moment n’a pas empêché la victoire d’Hector Rodriguez, le gouverneur PSUV qui se représentait. 3 gouverneurs pour l’opposition – dont Manuel Rosales, ancien candidat à l’élection présidentielle contre Hugo Chavez et qui fut de gouverneurs de cet état qui l’emporte brillamment dans l’État de Zulia. Un État (celui de Barinas, le berceau de la famille Chavez, dont le gouverneur sortant est le frère de Hugo Chavez) devra recommencer l’élection. Le vainqueur de l’opposition dans ce fief chaviste de toujours a été inhabilité par le tribunal suprême de justice, qui a ordonné au conseil national électoral de refaire cette élection en raison de condamnations pénales qui pèsent sur le candidat vainqueur.

Mairies :

Sur les 335 postes de maires, l’élection a été validée pour 322 d’entre eux, 13 le seront ultérieurement.

Le Grand pôle patriotique du pouvoir emporte 205 mairies dont la capitale Caracas.

L’opposition, sous les couleurs de la MUD, en remporte 59, dont celle de Maracaibo, capitale de l’État de Zulia.

L’opposition, représentée au parlement sous l’étiquette Alianza démocratica (celle qui a participé au scrutin de 2020) remporte 58 mairies. Conclusion

Quoi qu’en disent les États-Unis (qui ne reconnaissent pas ces élections) ou le rapport de l’Union européenne qui sera publié dans quelques semaines, le grand gagnant, sur toute la ligne, s’appelle Nicolas Maduro.

Quoi qu’en disent les États-Unis (qui ne reconnaissent pas ces élections) ou le rapport de l’Union européenne qui sera publié dans quelques semaines, le grand gagnant, sur toute la ligne, s’appelle Nicolas Maduro.

Il a réussi à organiser des élections avec une participation comparable à celle de pays européens comme la France (34,5 % aux régionales-et aux municipales 44 % premier tour-41 % second tour). Le Venezuela, pourtant soumis depuis plusieurs années à un blocus américain, des sanctions économiques américaines et européennes, des gels d’avoirs dans tous les pays contrôlés par les États-Unis ou l’Europe, et malgré la pandémie, le Venezuela a voté.

L’opposition enfin revenue en masse à la voie démocratique (plus de 60 000 candidats présentés sous ses couleurs pour seulement 3 020 postes à pourvoir) avait tellement envie de participer que son efficacité en a pâti. Unitaire, elle aurait sans doute gagné beaucoup plus largement. Le pouvoir sort encore vainqueur de cette élection, mais en concluant « il nous manque des voix », le vice-président du PSUV Diosdado Cabello fait la bonne analyse. Le parti au pouvoir gagne mais perd des électeurs.

Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de pays d’Europe donneurs de leçons, l’opposition vénézuélienne a la possibilité dès 2022 de soumettre au vote (après avoir réuni 20 % des signatures du registre électoral) un referendum révocatoire contre le président Maduro. Ce qui pourrait mener à sa destitution, en passant cette fois par la voie du vote démocratique et non de la violence (que l’opposition avait choisie en 2013). Elle peut également attendre l’échéance électorale des présidentielles de 2024, et tenter d’ici là de trouver un bon candidat, de renouer avec son unité et de rassembler ses électeurs.

Ce qui est sûr, c’est que d’ici là, l’administration Biden continuera de nuire autant qu’elle le peut au Venezuela de Maduro, et qu’on peut difficilement attendre de Washington une levée de tout ou partie du blocus et des sanctions. Cela fait maintenant de longues années que les Américains appliquent leur stratégie « droits de l’homme » qui consiste à affamer les peuples (à Cuba comme au Venezuela) en espérant faire ainsi disparaître les héritiers de Bolivar….


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