Sarkozy : Une politique de classe (par Jacques Nikonoff, ancien président d’ATTAC)

jeudi 20 septembre 2007.
 

Jamais un président de la République française n’aura autant incarné la défense des intérêts de la classe bourgeoise. Les symboles sont éclairants : descente au Fouquet’s le soir du second tour de l’élection présidentielle, vacances payées par des milliardaires... Nulle autre attitude ne pouvait mieux témoigner de la compromission du nouveau chef de l’Etat désormais nourri, blanchi, logé et transporté par la haute société dont il est l’agent.

La politique de classe qui est engagée a pour perspective d’achever la révolution conservatrice à la française. Initiée dans le monde au tournant des années 70 et 80 dès l’élection de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, elle avait débuté en France en 1976 avec le plan d’austérité du Premier ministre Raymond Barre, sous la présidence de Valérie Giscard d’Estaing. Interrompue 18 petits mois après la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle le 10 mai 1981, elle reprenait en 1983 avec le nouveau plan d’austérité décrété par Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances de François Mitterrand.

A l’époque, la France était le seul pays occidental à ne pas mener de politiques d’inspiration néolibérale, situation insupportable à tous ceux qui craignaient la force de cet exemple et le risque de la contagion. C’est pourquoi l’épouvantail de la « contrainte extérieure » a été inventé. Il sert à amuser la galerie afin de persuader les citoyens que rien ne peut plus se faire au niveau des nations, que celles-ci seraient dépassées, impuissantes, et même nuisibles, au point que la seule évocation du mot devient un délit de nationalisme, dévoilant nécessairement chez les coupables, étatisme, populisme et ouvriérisme.

Depuis, avec plus ou moins d’intensité, tous les gouvernements qui se sont succédés sont restés globalement sur cette ligne stratégique visant à rediscipliner le salariat. La « mondialisation », d’ailleurs, possède cet objectif central : celui d’une politique visant à réorganiser le travail à l’échelle planétaire. Il fallait punir les ouvriers, particulièrement les ouvriers français, qui, du Front populaire à la Libération en passant par 1968 et 1981, avaient fait trembler les puissants. Paradoxalement, Nicolas Sarkozy a pu donner à une partie non négligeable du salariat l’illusion du volontarisme et du retour de la politique. Ainsi, 48 % des ouvriers et 44 % des employés se déclaraient « satisfaits » de son élection...

Face à cette politique de classe menée désormais « sans complexes », c’est à la consolidation d’une conscience de classe du salariat qu’il convient d’œuvrer. A cet égard, la référence au programme du Conseil national de la Résistance et au préambule de la Constitution - qui s’en inspire - reste indispensable. Le récent déplacement du chef de l’Etat à l’université d’été du Medef le confirme.

Nicolas Sarkozy, en effet, a parfaitement bien résumé sa politique de classe : « Mon souhait est que toute la nation soit rassemblée derrière ses chefs d’entreprise ». Il faisait écho à la stratégie de « refondation sociale » du Medef, portant sur les régimes de retraite, l’assurance-chômage, le contrat de travail, la médecine du travail et les voies et moyens de la négociation collective. Cette véritable tentative de coup d’État rampant vise à remplacer la loi par le contrat. Les représentants du peuple, les députés, ne voteraient plus la loi dans le domaine social, celle-ci serait remplacée par des contrats à géométrie variable décidés dans les bureaux du Medef !

Laurence Parisot, la présidente du Medef, a proposé à Jouy-en-Josas d’intégrer les principes de la « refondation sociale » à la Constitution. Que répondra Nicolas Sarkozy qui vient de mettre en place le « comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République », présidé par l’inénarrable Edouard Balladur, et comprenant Jack Lang dans le rôle de bouffon du roi ? Il serait déjà question de faire disparaître le préambule de la Constitution...

Ainsi, les derniers vestiges du programme du Conseil national de la Résistance partiraient en fumée. On pourrait considérer, le monde ayant changé, que la modernité justifierait de passer à autre chose. C’est vrai, le monde a changé : jamais la richesse et la puissance n’ont été concentrées en si peu de mains. En 1944, le programme du CNR voulait « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et le « retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ». Ce qui était valable en 1944 l’est encore aujourd’hui, avec une force décuplée.

Au fait, face à la crise financière, pourquoi personne n’évoque plus le « retour à la nation » des grandes banques ?


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