Dans une réponse à Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, l’économiste Pierre Khalfa revient sur le rapport de la gauche avec les classes populaires. Il est l’invité de #LaMidinale sur le site Regards.
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Sur la note de Terra Nova
« Ce n’est pas la première fois que Terra Nova et Thierry Pech s’essaient à s’intéresser aux rapports de la gauche et des classes populaires : en 2011, ils avaient fait un rapport qui disait qu’il fallait que la gauche laisse tomber les ouvriers et les employés pour se concentrer sur les femmes et les soi-disant minorités, rapporteur justifier l’abandon des ouvriers et des classes populaires par les gouvernements successifs du PS. »
« Thierry Pech parle d’accidents de la vie : des gens tomberaient dans l’exclusion par des accidents de la vie. On sait que ce sont les résultats des politiques néolibérales de régression sociale et de précarité du travail menées depuis des décennies. Et comme par hasard, la tribune de Thierry Pech ne dit pas un mot sur les politiques néolibérales menées par les gouvernements socialistes depuis des décennies. »
Sur l’histoire de l’unité fantasmée des classes populaires
« Les politiques néolibérales menées par la droite ont transformé en profondeur les classes sociales. Mais c’est aussi sous l’impulsion des transformations du capitalisme que ces politiques ont encouragé. »
« Il y a un rapport spécifique de la gauche gouvernementale par rapport aux classes populaires. »
« Historiquement, la gauche était porteuse d’une perspective d’émancipation et d’extension des droits. »
« Les classes populaires ont toujours été divisées. Il n’y a jamais eu une classe ouvrière homogène. »
« Deux choses permettaient de dépasser les divisions des classes populaires : l’extension continuelle des droits commencée essentiellement avec la mise en place de l’Etat social et les services publics et les perspectives émancipatrices d’un imaginaire social, l’idée qu’il y allait avoir des lendemains qui chantent, le socialisme et le communisme, donnaient une identité politique aux classes populaires. »
« Ce ne sont pas les conditions sociales objectives qui déterminent l’imaginaire social. Il n’y a pas de lien direct entre la sociologie des classes populaires et leur comportement politique ou idéologique. »
« Jusque dans les années 1970, il y avait un imaginaire social dominant qu’unifiaient, d’un point de vue politique et idéologique, les classes populaires - même si elles pouvaient être divisées par ailleurs. Il y avait l’idée que l’avenir serait meilleur que le passé et le présent, qu’on allait vers une extension des droits, que c’était en luttant qu’on allait pouvoir gagner. Et il y avait une perspective d’émancipation globale portée par le communisme et le socialisme. »
« À partir du moment où l’imaginaire social s’effondre dans les années 1980, on est dans une situation radicalement nouvelle : il y a une offensive capitaliste qui transforme les conditions des classes populaires avec notamment la fin des collectifs ouvriers. »
« Il n’y a plus de perspective émancipatrice qui permette de sublimer et dépasser les divisions des classes populaires. »
Sur la gauche et les classes populaires
« La gauche en général et une partie de la gauche populaire sont extérieures aux classes populaires : c’est un problème majeur. »
« Le Parti socialiste et le Parti communiste avaient une implantation dans les classes populaires. »
« Pour rencontrer les classes populaires, il faut que la gauche soit porteuse d’une perspective d’émancipation et pas de gestion de l’ordre existant. »
« Un programme, c’est une suite de mesures mais ca ne remplace pas un imaginaire social. »
« L’idée du communisme ne sort ni de Marx ni de Proudhon. Elle sort des ouvriers qui ont découvert cette idée dans leurs luttes sociales. »
« Il faut que l’imaginaire social soit porté par un sujet révolutionnaire de transformation sociale. Or, c’est problématique car s’il y a existé, c’est parce que la perceptive émancipatrice a pu être créée. Aujourd’hui, il y a un éclatement général et une identité qui reste à reconstruire. »
« Il n’y a pas un rapport social qui structure la société dans son entièreté : il y a le rapport capital-travail, notamment via le rapport salarial mais ça ne résout pas la question écologiste, la question des discriminations, la question féministe. »
Sur la reconstruction d’un nouveau mouvement d’émancipation
« On peut penser que les choses vont s’accélérer. L’importance qu’a pris la question écologique, le féminisme, l’antiracisme, accélèrent les choses, notamment chez les jeunes. Mais un des gros problèmes c’est que le lien entre tout ça se fait en pointillés. »
Sur la popularité d’Emmanuel Macron
« On verra s’il se porte à merveille à la fin du cycle électoral. »
« Il y a eu une volonté d’Emmanuel Macron de siphonner l’électorat de droite. Ça a plutôt bien marché. Il a réussi à compenser une partie de son électorat qui venait du PS, qui l’a plus ou moins déserté. »
« On peut aussi l’expliquer par l’absence d’alternative. Il y a un nombre de gens qui veulent s’abstenir à la présidentielle qui est considérable dans les sondages. »
« Il n’y a pas d’adhésion de la société française au néolibéralisme. »
« Il y a une droitisation du champ médiatique et politique, pas dans la société. »
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