Complotisme : La "post-vérité" de caciques du PS aux royalistes

dimanche 20 juin 2021.
 

J’ai traité ici déjà de la « post-vérité » comme phénomène politico médiatique.

L’ère de la post-vérité : https://melenchon.fr/2021/05/24/ler...

J’y reviens après le buzz du « Printemps Républicain » contre mes prétendus propos complotistes. Je voudrai montrer comment il s’agit d’une pratique qui n’a pas été inventée en France. Mais la pratique à l’étranger nous apprend ce que sera bientôt l’ordinaire ici aussi. Car le pire est toujours recopié avec zèle en France par une certaine caste médiatique sans saveur qui se booste au piment violent.

Voyageons. En Équateur, une post-vérité bien virulente a pris la forme d’un prétendu « soutien » d’un groupe terroriste colombien à notre candidat Andres Arauz. Les prétendus « terroristes », masqués, tournèrent une vidéo bien diffusée tout aussitôt. Et rediffusée sur toutes les chaînes de télé du coin. Et commentée par des experts de toutes sortes, des heures durant . Le procureur général colombien ouvrit une enquête en Colombie. Bidon. Du coup celui de l’Équateur ouvrit à son tour une enquête en Équateur. Bidon. Le tout en pleine campagne présidentielle. Andres Arauz fut battu. Il perdit onze points d’intention de vote en dix jours. Bien sûr, le groupe terroriste n’existait pas. Personne ne s’est d’ailleurs donné le mal d’annoncer la fin des « enquêtes préliminaires » en Colombie et en Équateur. À quoi bon ? Le travail était fait. L’ère de la « post-vérité » fonctionne sur ce modèle. Agir pour qu’un fait paraisse vrai non pas tant à force de le répéter qu’en le commentant sans fin, comme si c’était un fait établi. Ainsi en fut-il à mon sujet à propos d’un soi-disant épisode complotiste inventé de toute pièce par les mêmes qui avaient auparavant inventé notre « islamo-gauchisme ».

Au Pérou dix points séparaient dans les sondages le candidat de notre famille politique, Pedro Castillo, face à la candidate de la droite Kiko Fujimori. Elle-même est en liberté conditionnelle avant un prochain procès pour corruption où ont été requis contre elle un total de soixante ans de prison. Le danger fut tel que tout ce que le pays compte d’importants ont été mobilisés contre Pedro Castillo. Et d’Espagne vinrent même, toute honte bue, Vargas Llosa, l’écrivain et José Maria Aznar, l’ancien Premier ministre de droite espagnol. À cette occasion, un meeting rassembla tous les nouveaux amis du clan corrompu Fujimori. Un dirigeant pro-Fujimori enflamma d’indignation la foule. Pour cela, il montra les pierres qu’auraient jetés les amis de Pedro Castillo sur les orateurs. Émotions et trémolos garantis. La boucle à buzz a démarré. Les doctes commentaires sur « la violence inadmissible » et ainsi de suite se sont répandu comme un doux tapis de fiel confirmant la dangerosité du candidat Castillo et de ses amis.

Évidemment c’était un pur bobard. Aucune pierre n’avait été lancée. Mais les Péruviens n’ont pas pu le savoir, aussi longtemps que les réseaux sociaux n’ont pas eu les images nécessaires pour démonter la manipulation. En effet en Espagne, la droite espagnole avait déjà joué le même numéro, avec les mêmes pierres, la même indignation étranglée, pour mettre en cause les partisans « exaltés et extrémistes » de Pablo Iglesias. Aucun média péruvien ne s’y intéressa. N’empêche : cette « post-vérité » concrète avait été rendue palpable au vu des deux pierres exhibées. Elle a été confirmée par des heures de commentaires. Mais elle n’a pas eu tout le succès qui en été attendu puisque les Péruviens ont néanmoins élu Pedro Castillo. Mais la grossièreté de ce type de manœuvres et de quelques autres ont conduit le tribunal d’Éthique de la presse péruvienne à publier une ferme condamnation. Hélas, ce ne fut pas avant le résultat de l’élection. « La Cour exprime sa préoccupation quant à la violation de ces principes au cours du processus électoral par divers médias qui s’est traduite par : des titres qui ne reflétaient pas exactement les événements qui se sont produits ; la présentation des avis de parties prenantes présentées comme des analyses impartiales ; et une couverture inégale des activités des différentes candidatures présidentielles, dans le temps et dans l’espace, malgré le fait qu’il s’agissait de rassemblements et d’événements d’importance similaire ».

Je sais bien que nous avons du mal à imaginer une telle situation en France mais il faut s’intéresser à l’expérience des autres pays. Car ce n’est pas tout. Cette cour a ensuite appelé elle-même a la résistance citoyenne. « Ce tribunal est gravement préoccupé par le mal que de tels procédés peuvent générer dans la confiance des citoyens vis à vis de la presse nationale. Pour cela ce tribunal exhorte les moyens de communication qu’ils soient ou non associé au Conseil de la presse péruvienne à respecter l’éthique journalistique et invite la citoyenneté à faire valoir ses recours de rectification et ses droits que les engagements d’auto-régulation (des médias ndlr) leur octroient ».

En France ma proposition de « conseil de déontologie » et ses 200 000 cosignataires n’a pas abouti car une très forte opposition s’est exprimée de la part des milieux de presse. Pourtant le premier syndicat de la profession en réclamait la création depuis des années avant cela. Un organisme de ce type non obligatoire mais par adhésion volontaire a été imaginé par le gouvernement de Macron. Nous sommes donc absolument protégé , cela va de soi. À peu près autant que par l’IGPN.

La méthode de la « post-vérité » et du « journalisme de division » théorisé outre-Atlantique, a été assez bien illustrée par cette opération de pur dénigrement (« bashing ») montée contre moi ce dimanche. Pourtant, quatre journalistes sur ce plateau n’avaient rien vu à reprendre de mes propos, ni pendant l’émission, ni après, ni depuis. Mais une habile initiative d’un des membres les plus vénéneux du « Printemps Républicain » relayé par quelques caciques du PS auront suffi à imposer un objet médiatique repris en boucle pendant deux jours et demi et durant des heures.

Il s’agit d’une opération politique lancée par des militants politiques et relayée d’abord par les organes audiovisuels gouvernementaux. À partir d’une phrase à propos de la répétition des attentats pendant les élections. Elle fut utilisée pour lui faire dire que j’en accusais « le système » et donc ses dirigeants. Mais on pouvait encore plus facilement comprendre que ce n’est pas de cela dont je parlais car c’est ce prouvent toutes mes déclarations du passé. Au demeurant si j’avais la moindre accusation personnelle à porter comment douter, me connaissant, que je garderai cette information pour moi sans nommer les coupables ? Pour moi le tableau tient en une phrase. « Ce sont les terroristes et non “le système” qui font les attentats » comme dit très justement monsieur Fourquet de l’agence IFOP. Mais leur utilisation politicienne est évidente comme le montrent les propos de madame Le Pen (par exemple) à chaque occasion de ce type. En 2012, Marine Le Pen avait déclaré en meeting : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? », « Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ? ». Du coup, en 2017, dans un registre que personne ne qualifia de complotiste à l’époque, Bernard Cazeneuve lui-même avait accusé Marine Le Pen et François Fillon « d’exploiter sans vergogne la peur et l’émotion à des fins exclusivement politiciennes ».

Au fond je n’ai fait que reprendre ce que disait, le 5 avril 2017, Mathias Fekl, ministre de l’Intérieur, dans un discours devant les préfets : « Les élections constituent une cible pour des terroristes qui cherchent à déstabiliser le pays. (…) Plus la date de l’élection approche, plus notre vigilance doit être forte. N’oublions pas qu’en 2012, les tueries de Toulouse et Montauban sont intervenues en pleine campagne. » Ai-je dis autre chose ? Cette situation a des conséquences directes sur le vote. Jérôme Fourquet note que selon les enquêtes de l’IFOP, 4% à 8% des électeurs avait changé leur vote à la suite d’un attentat. Soit entre un et deux millions d’électeurs. Pour ma part, je n’ai jamais dit autre chose. Ni dimanche dernier ni jamais. Et donc je n’ai jamais relayé les titres racoleurs de la presse de 2017, sur les liens entre Merah et la DGSI affirmant que l’assassin « aurait découvert qu’il était manipulé ». Des dizaines d’articles ont ensuite repris à ce sujet les déclarations de l’ancien directeur du renseignement intérieur, Yves Bonnet, actuel candidat FN aux régionales. Comme tout cela avait été immédiatement démenti par son successeur en poste à ce moment : monsieur Squarcini, c’était un drôle d’état d’esprit bien complotiste que de créer un trouble sans raison sur le sujet. Ceux de mes lecteurs qui le voudront auront sans doute la curiosité d’en savoir davantage sur ce point. Ils peuvent faire une enquête facile : taper « Merah- DGSI » sur leur moteur de recherche. Ils auront une idée du niveau de complotisme dont ont été capables ces innombrables articles et journaux. Ce sont les mêmes aujourd’hui acharné à inventer un « dérapage » de ma part. Et du coup on a même pu lire à l’occasion du procès comment il était même reproché au gouvernement de « cacher » une note du renseignement sur le sujet. On lira en particulier « La Dépêche du midi » qui a consacré deux. Une à mon prétendu « dérapage ». Le journal de carole Delga dont l’éditorialiste olivier Biscaye n’hésite pas à parler de mes « délires » sur Merah dans la pire logique du ragot. Tout ça pour faire oublier comment « La Dépêche » avait elle-même plutôt sévèrement dérapé à l’époque en inventant une histoire de contact entre le renseignement territorial et Merah !

Quant à ceux qui veulent savoir ce que je pensais et disait à ce moment-là il leur d’aller sur Dailymotion et d’y écouter ce que j’en dit au meeting que je tenais à Bobigny ce jour-là. De manière extrêmement douloureuse pour moi, on a convaincu les parents des victimes de ce que j’aurai dit je ne sais quoi. Ils s’en sont dit très offensés, ce que je comprends compte tenu de l’abjection cruelle du crime dont ils ont été victimes. C’était dimanche soir.

Puis lundi matin éclate l’affaire de la vidéo de Papacito. Les excités de Carole Delga et de son journal « La Dépêche » restent muets. Pour ma part, je me suis concentré sur notre protection collective dont aucun des organes de presse et commentateurs qui m’insultaient sans relâche ne se souciaient. Cela alors même que leur buzz nous désignait comme autant de cibles. Je ne souhaite à personne une telle conjonction de coups. Surtout quand certains commentateurs spécialement abjects se chargèrent de dire que c’était de notre part une « diversion » de dénoncer Papacito. Ceux qui se sont une fois de plus réjouis de nous voir mis en difficulté commettent une lourde erreur politique, pour ne pas parler de morale. Car, comme l’ont montré des expériences récentes, si ce procédé « passe » contre nous (qui sommes les cobayes usuels de ce type de manœuvre de dénigrement) d’autres auront bientôt l’occasion d’en pâtir à leur tour. Et sous une forme qui ira forcément crescendo. Déjà ceux qui ont eu le culot de trouver Papacito « pas si grave que ça » ont eu l’occasion de constater un jour plus tard par une gifle glaçante que les violents dont il est question ne sont pas les gentils farceurs que certains veulent voir en eux. « La Dépêche » avait publié la « réponse » de Papacito. Zemmour avait plaidé (sans réplique) « l’humour de Papacito ». Puis enhardi par l’absence de réaction il déclarait dès le lendemain que « Macron avait eu ce qu’il méritait ». Tous les fleuves finissent dans la mer.

Les conséquences à moyen terme de cet épisode ne sont pas celles que des esprits superficiels se figurent. Notamment les pauvres lampions de la gauche traditionnelle prompts à venir faire les bons élèves de la bonne société. Ils ont perdu une bonne occasion de se taire. Demain ils seront battus à leur tour par les armes qu’ils viennent de cautionner. Car bientôt sera traité de complotiste n’importe quelle alerte lancée sur n’importe quel sujet si elle déplait à tel ou tel champion de la police du vocabulaire ou de la pensée. Le concept même « d’effet de système » est ainsi mis en cause. L’obscurantisme s’avance. Après la chasse au concept phantasmatique d’islamo gauchisme a été la prémices, il étend son emprise.


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