Une fois de plus, Acrimed publie un excellent article d’observation sur le comportement d’un journalisme en perdition.
par Pauline Perrenot, lundi 24 mai 2021
Source : Acrimed
Le 19 mai, comme cela n’aura échappé à personne, les syndicats de police organisaient une manifestation devant l’Assemblée nationale à grands renforts de moyens (camion-tribune, écran géant, etc.) afin de commémorer la mémoire de leurs collègues morts en service au cours de dernières semaines, mais surtout de dénoncer un supposé laxisme judiciaire, tout en réclamant un énième durcissement du droit pénal. Une mobilisation très politique par ses mots d’ordre donc, bien peu respectueuse des coutumes « républicaines » [1], largement inspirée et soutenue par l’extrême droite, et ralliée par le ministre de l’Intérieur, mais également par des figures issues de « partis de gouvernement » – y compris « de gauche » (PCF, EELV, PS). Malgré la portée symbolique et politique peu commune de cette manifestation, le récit en continu et en direct qu’en firent les chaines d’information fut d’une complaisance, d’une bienveillance et d’une empathie qui tranchaient pour le moins avec le ton réservé aux mobilisations populaires. Rien de surprenant puisqu’en réalité, la couverture de cette manifestation de colère policière fit l’objet d’une co-écriture entre journalistes et syndicalistes policiers.
Dès la première heure, mercredi 19 mai, les chaînes d’info étaient sur le pied de guerre. C’est ce genre d’événements extra-ordinaires, rompant le ronron quotidien des bulletins répétés ad nauseam, à l’identique, qui font leur raison d’être – éditoriale comme économique. Qui plus est, les jours précédents, la manifestation faisait déjà la Une dans les grands médias, en raison de la présence annoncée de nombreux responsables politiques.
Que cet épisode ait été largement couvert médiatiquement n’est d’ailleurs sans doute pas critiquable, compte tenu de son contenu et de sa portée symbolique. Sur ce point, contentons-nous tout de même de souligner que moult manifestations (non moins symboliques) passent littéralement sous les radars médiatiques, comme ce fut notamment le cas de la journée de mobilisation et de grève chez les soignants, les personnels de l’hôpital public et dans les secteurs médico-social et social d’octobre 2020 [2].
La large couverture offerte à ce mouvement policier est une chose. Une autre est le dispositif journalistique et éditorial peu commun déployé par BFM-TV, CNews et LCI [3], davantage digne d’une agence de communication que de chaines d’information.
D’abord, parce que dès la matinée, des journalistes de BFM-TV et CNews étaient embarqués dans des cars de policiers, affrétés par des commissariats de province pour rejoindre la capitale. Chez BFM-TV, deux envoyés spéciaux étaient dépêchés à Lille et à Avignon, et le premier revendiquait à l’antenne « suivre [le] matin la délégation SGP-Police depuis le commissariat central de Lille. Les bus vont partir, […] on arrivera aux Invalides pour rejoindre l’Assemblée nationale ». Autant d’informations à valeur à peu près nulle, qui n’en ont pas moins construit un récit « embarqué » et « télégénique », gage de remplissage pour des chaînes qui, depuis quelques années, confondent régulièrement leurs antennes avec des films d’action ou des spots publicitaires de la préfecture.
Ensuite, parce que pour compléter les images transmises par les nombreux journalistes présents sur le lieu de la manifestation, les directions des chaînes ont choisi de retransmettre en direct des contenus fournis par les syndicats de police eux-mêmes. Le diaporama vidéo, diffusé devant l’Assemblée nationale sur grand écran, a par exemple été incrusté à l’antenne à de nombreuses reprises :
²Sur BFM-TV, le premier clip des syndicats passe à l’antenne, en direct, mais surtout… en silence : tous les commentateurs s’interrompent pour l’occasion.
Lire la suite en utilisant le lien :
https://www.acrimed.org/Manifestati...
**
Voir aussi :
Libération : pourquoi la préfecture n’a-t-elle pas communiqué comme d’habitude le nombre de manifestants ?
https://www.liberation.fr/checknews...
En réalité, ce nombre de 35 000 manifestants repris sans aucune vérification par les médias, et sans recours comme à certaines occasions un cabinet privé de comptage ou d’un collectif de médias de la presse comme c’est le cas surtout lors d’une manifestation organisée par la CGT, a été largement surestimé.
La surface occupée par les manifestants donne en réalité un chiffre avoisinant au maximum les 4500.
Et probablement 3000 à 3500 Il s’agit donc en fait d’un fiasco numérique mais ce n’est pas un fiasco médiatique !
Voir la déclaration de Mélenchon : la manifestation policière du 19 mai 2021 est un échec complet pour les factieux. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...
Ces « journalistes de préfecture », soldats de l’action idéologique de l’appareil médiatique démontrent une fois de plus que la notion de médias comme 4e pouvoir relève du conte de fées.
Hervé Debonrivage
Date | Nom | Message |