Évolution de l’industrie et de la population active en France : quelques éléments pour la réflexion.

lundi 1er mars 2021.
 

La mise en œuvre des politiques néolibérales conduites par différents gouvernements successifs ont profondément transformé l’appareil productif et la population active en France.. Nous n’abordons pas ici la dévastation des services publics que nous avons déjà traitée dans des articles précédents.

L’essor du néolibéralisme à partir des années 1975 85 avec le passage d’un capitalisme managérial plutôt industriel 1 capitalisme actionnarial financier s’est accompagné d’une division par 2 de la part de l’industrie dans le PIB et des effectifs ouvriers étaient déjà plus majoritaires dans la population active depuis 1976, ce qui explique soit dit en passant, le début du déclin du PCF et du taux de syndicalisation ouvrier. Dans le même temps, la population active a modifié sa structure, à part des cadres devenant par exemple plus important.

Nous avons sélectionné ici 2 études qui ont le mérite d’aborder ces 2 questions sur une période de 30 – 40 ans.

1 – Que représente l’industrie en France ?

Ce texte fait suite à notre dossier : article :

Désindustrialisation de la France : pour une approche multilatérale dans un contexte de capitalisme financiarisé et mondialisé http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Que représente l’industrie en France : tendance et chiffres

Source : Le Mag de l’économie. 16 . Dossier industrie https://www.lemagdeleconomie.com/do...

Selon la définition de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), "les activités économiques qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché" relèvent de l’industrie.

Celle-ci est composée de deux secteurs : l’industrie manufacturière (transformation des biens, réparation, installation d’équipements), domaine le plus important, et l’industrie extractive (extraction de produits minéraux). L’industrie manufacturière regroupe notamment l’industrie alimentaire, de l’habillement, le travail du bois, la métallurgie, l’industrie automobile ou encore la fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques.

L’actualité économique met souvent en avant une industrie sinistrée en France. Qu’en est-il vraiment ? État des lieux et tendance de l’industrie française.

Les chiffres clés de l’industrie en France

L’industrie joue un rôle important dans l’économie française autant au niveau des exportations que dans l’effort d’innovation de l’économie. 235 000 entreprises françaises travaillent pour l’industrie, en majorité dans les secteurs de la réparation, de l’installation et des produits manufacturés (65 000 entreprises), de l’agroalimentaire (62 000) et du bois, du papier et de l’imprimerie (35 000).

84 % des activités à haute valeur ajoutée de l’industrie proviennent de l’industrie manufacturière. Le poids des secteurs industriels varie de 3,9 % pour l’industrie automobile à 16,6 % pour l’industrie agro-alimentaire, en passant par 5,9 % pour l’industrie chimique, 8,7 % pour le secteur des réparations et installations de machines et d’équipements ou encore 7,7 % pour la fabrication de produits métalliques.

12,4 % du Produit intérieur brut (PIB)

L’industrie représente 12,4 % du PIB en France, dont 10 % pour l’industrie manufacturière. À titre de comparaison, l’industrie compte pour 20,3 % en Allemagne mais seulement 8,7 % au Royaume-Uni. La richesse produite par l’industrie est équivalente à 266 milliards d’euros (en 2014).

96,5 % des produits exportés

L’industrie génère la majorité des exportations françaises (96,5 %) pour un montant de 450 milliards d’euros.

78 % des dépenses de recherche et développement

L’industrie représente 78 % des dépenses de recherche et développement (R&D), soit la majeure partie des dépenses en termes d’innovation. Cette part équivaut à des dépenses d’un montant de 23,4 milliards d’euros, contre 6,6 milliards dans le reste de l’économie.

2,7 millions de salariés

L’industrie emploie 2,7 millions de salariés, hors intérim (données du 2e trimestre 2016). Plus de 550 000 d’entre eux travaillent dans l’industrie agroalimentaire et 380 000 dans la métallurgie et les produits métalliques.

870 milliards d’euros de chiffre d’affaires

Le chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière s’élève à 870 milliards d’euros hors taxes. L’industrie agroalimentaire génère la plus grande partie de ce chiffre d’affaires (180 milliards d’euros), devant le secteur automobile (101,5 milliards d’euros).

Comment évolue l’industrie en France ?

Comme il est possible de s’en rendre compte avec les médias qui relaient régulièrement les fermetures de grosses entreprises qui ont été les fleurons de l’industrie par le passé, le secteur industriel est en déclin depuis le milieu des années 1970. La part de l’industrie manufacturière dans l’économie française a effectivement diminué de moitié, de 22,3 % à 11,2 %, alors que sur la même période le secteur tertiaire a, à l’inverse, pris davantage de poids dans l’économie française. La diminution de la part de l’industrie dans le PIB a surtout été marquée entre 2000 et 2007 en raison notamment de la baisse des prix des biens de l’industrie qui nécessitent de moins en moins de travail humain, et entre 2007 et 2014 car l’industrie manufacturière, en particulier traditionnelle comme la sidérurgie, les chantiers navals, a été durement touchée par la crise économique. Au début des années 1970, l’industrie employait 5,7 millions de salariés, deux fois plus qu’aujourd’hui.

A l’origine du déclin de l’industrie, on peut noter la détérioration générale de la compétitivité des entreprises françaises. Face à la concurrence mondiale, l’industrie française ne fait plus le poids dans certains secteurs. D’autre part, en 40 ans, les ménages français ont modifié leur comportement de consommateurs en privilégiant davantage l’achat de biens et services plutôt que celui de biens issus de l’industrie.

L’avenir de l’industrie française, classée au 3e rang européen et au 5e rang mondial, n’est toutefois pas si sombre à condition qu’elle s’adapte aux évolutions des consommateurs en particulier. Ces derniers exigent aujourd’hui des produits "à la carte", disponibles rapidement, conformes aux exigences sanitaires et environnementales et de bonne qualité. D’ailleurs, le secteur de l’équipement automobile montre l’exemple en la matière et compte des entreprises très performantes, même au niveau mondial, parce qu’il a su suivre et s’adapter aux évolutions de consommations.

Commentaire HD :

On peut sourire à la lecture des explications données concernant le déclin industriel de la France : une explication enfantine du monde merveilleux de Disney. Mais il ne faut pas trop en demander aux idéologues libéraux.

2 – Comment évoluent les catégories sociales en France ?

Source : Futuribles. Centre d’observation de la société. décembre 2019

http://www.observationsociete.fr/ca...

La structure de l’emploi par catégorie socioprofessionnelle reste tirée vers le haut par l’élévation des qualifications, le développement du secteur des services et le déclin de l’industrie. La part des cadres supérieurs parmi les emplois a ainsi plus que doublé en un tiers de siècle, entre 1982 et 2018, passant de 8 % à 18,4 %. Celle des anciens « cadres moyens », devenus les « professions intermédiaires », a augmenté de 20 à 26 %. Elle a même dépassé les ouvriers en 2008. Rassemblés, les cadres supérieurs et les professions intermédiaires forment désormais 44 % des emplois contre 27 % au début des années 1980.

Au cours des trois dernières décennies, la part des catégories populaires a diminué. Les ouvriers ont vu fondre leurs effectifs, de 30 % à 20 % de l’emploi. La part des employés s’est accrue, mais dans une moindre mesure, de 25 % à 27 %. Si les métiers diffèrent, ouvriers et employés partagent de faibles niveaux de rémunérations et de diplômes. Une grande partie des employés exerce des métiers aux conditions similaires à celles des ouvriers : pénibilité physique, peu d’autonomie et forte précarité du statut. Ces deux grandes catégories partagent des modes de vie communs et un grand nombre de couples sont formés d’un homme ouvrier et d’une femme employée. Deux autres grandes catégories sociales – composées d’indépendants aux statuts sociaux très inégaux – ont perdu du terrain : l’ensemble « artisans, commerçants et chefs d’entreprise » (de 8 à 6,5 %) et surtout les agriculteurs exploitants (7 à 1,5 % de l’emploi).

Baisse de la part des employés

Les années récentes sont marquées par plusieurs évolutions, souvent passées inaperçues. La plus importante d’un point de vue quantitatif est la baisse de la part des employés depuis la fin des années 2000. Au cours des dix dernières années (2008-2018), elle a diminué de 29 % à 27 % de l’emploi rompant des décennies de progression. L’archipel des employés si bien décrit par le sociologue Alain Chenu 1, vacille. Inversement, le déclin ouvrier semble enrayé depuis 2013, avec une proportion qui stagne autour de 20 % des emplois.

Pour comprendre ce qui se joue, il faut y regarder de plus près et entrer dans le détail des ensembles ouvriers et employés (voir graphique) en distinguant les évolutions selon les qualifications (lire aussi notre article sur l’évolution détaillée des catégories sociales). Depuis la fin des années 2000, la part des ouvriers et employés qualifiés baisse, alors que celle des non qualifiés tend plutôt à stagner, chez les employés comme chez les ouvriers. Les politiques très marquées de baisse des cotisations sociales ont subventionné le développement d’emplois peu qualifiés dans les services, comme l’industrie.

Autre fait nouveau, la part des cadres dans l’emploi total a connu entre 2012 et 2014 sa première baisse, alors que celle-ci avait progressé régulièrement pendant trente années. Cette évolution s’explique pour une grande part par la stagnation de l’emploi public. Entre 2012 et 2017, la part de cadres de la fonction publique (hors enseignement) a stagné et celle des professeurs a même nettement diminué. Il ne s’agit pas d’une stagnation générale de l’emploi des cadres : la part des ingénieurs et des cadres du privé a augmenté au cours de la même période. D’ailleurs, la progression de l’emploi de cadres supérieurs a repris depuis 2014.

Enfin, la diminution de la part des non-salariés (artisans, commerçants et chefs d’entreprise) semble enrayée. On n’assiste pas à l’explosion souvent décrite du travail à la tâche (parfois sous forme « d’uberisation »), mais tout se passe comme si le salariat – qui regroupe neuf emplois sur dix – avait atteint un plafond (lire notre article).

Les classes moyennes ne disparaissent pas

Ces données montrent que les couches moyennes sont loin d’être « en voie de disparition ». Nulle trace dans les statistiques de l’Insee d’un phénomène massif de « polarisation » 2. Certes, la part des employés et des ouvriers qualifiés – la frange inférieure des classes moyennes – a régressé entre 2003 et 2016 de 32 % à 27 % de l’emploi total. Il y a bien eu une cassure à la fin des années 2000. Ce phénomène a été compensé par la progression de la part des professions intermédiaires (le cœur des couches moyennes) et des cadres supérieurs (partie haute des classes moyennes). Comme le montrent nos calculs, le phénomène dit de « moyennisation » se poursuit à un rythme lent. En 35 ans, la part des couches moyennes n’est passée que de 40 à 43 % de l’ensemble des emplois. Elle stagne depuis 2014, mais elle ne décline pas.

Il n’en demeure pas moins que l’évolution par le haut des emplois, à travers une montée en qualifications progressive, n’est pas un processus inéluctable comme on pouvait le croire jusque dans les années 1980-1990. La progression des services peu qualifiés répond aux besoins d’une société de services inégalitaire qui se met en place lentement. D’un côté, la hausse des écarts de revenus fait que les catégories aisées ont les moyens de recourir à une main d’œuvre faiblement rémunérée. De l’autre, la progression des emplois peu qualifiés est largement soutenue par des subventions publiques composées de baisses de cotisations sociales sur les bas salaires et de réductions d’impôts pour l’embauche d’emplois domestiques. Une partie de ceux qui pouvaient penser espérer s’élever dans la hiérarchie sociale, notamment au vu de leur parcours scolaire, se retrouvent à des postes subalternes peu qualifiés et mal rémunérés. Ce qui alimente des tensions sociales.

Notes :

L’archipel des employés, Alain Chenu, Insee, 1991. ↩ Développement des emplois hautement qualifiés et très peu qualifiés.

Hervé Debonrivage

P


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message