Macron, meilleur allié des anti-vaccins

jeudi 7 janvier 2021.
 

Nous allons de fiasco en fiasco, et nous voilà désormais dans celui du vaccin. La France est à la traîne. Le mot est faible. Mais ça n’est pas de l’avis du président de la République, irréprochable, selon lui, car la France est le pays qui gère le mieux la crise... toujours selon lui.

Emmanuel Macron est en colère : « Ça doit changer vite et fort », a-t-il prévenu lors de ses vœux aux Français. Dans le viseur, son ministre de la Santé, Olivier Véran, comptable des mauvais chiffres de la vaccination contre le virus du Covid. Près de 10 millions de personnes se sont déjà vues administrer une dose du vaccin à travers le monde : 4,5 millions en Chine, un million au Royaume-Uni, 150.000 en Allemagne, 60.000 en Russie, 25.000 au Mexique et… 340 en France. Des chiffres qui font mal. Et qui font peur aussi.

Sommes-nous gérés par des incompétents ? Des inconscients ? Des amateurs ? Leur responsabilité est immense. Mais Emmanuel Macron lâche les siens. Tout d’un coup, ça n’est plus de sa faute, c’est les autres. En l’occurrence le ministre de la Santé. Ça n’empêche pas le président Macron d’affirmer droit dans ses bottes un soir de réveillon que, l’air de rien, nous sommes sans doute le pays au monde qui a mieux géré la pandémie.

Pourtant, si l’on sondait la population, il n’est pas certain que l’écho d’en bas, celui des Français, soit aussi enthousiaste. Ça n’a échappé à personne – sauf peut-être à ceux d’en haut : qu’il s’agisse des masques – passés de inutiles à un peu utile pour terminer obligatoire dès six ans –, ou encore des tests – dès le 11 mai, jour de déconfinement, Emmanuel Macron avait juré que le gouvernement prévoyait jusqu’à 700.000 tests par semaine dès la fin mai pour ne devenir qu’une presque réalité en octobre (bien que les processus soient restés chaotiques) – et maintenant le vaccin – dont on ne comprend rien de la stratégie –, on ne peut pas dire que la gestion de cette crise ait été réussie.

Et à cette phrase satisfaite d’Emmanuel Macron, la communication gouvernementale reste la même, glorifiante : « Nous avons organisé la meilleure rentrée scolaire en Europe » (Jean-Michel Blanquer) ; « Pas un pays au monde n’a fait ce que nous avons fait pour sauver les entreprises » (Bruno Le Maire) ; « Nous sommes le seul pays à avoir autant testé la population » (Olivier Véran). Nous sommes peut-être les champions du monde de la communication mais certainement pas de la gestion de crise.

Ceux qui nous dirigent feraient mieux de nous dire pourquoi ça ne marche pas plutôt que nous expliquer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’affaire est trop grave pour jouer les gros bras. Et ne vouloir que paraître. Paraître le meilleur aux yeux du monde, quitte à enrober la réalité. L’affaire est trop grave aussi pour ne pas voir que l’une de nos principales failles depuis le début de l’épidémie, c’est notre démocratie. Elle est plus que fragilisée. Elle est quasi inexistante. Il n’y a plus de débat. Tout se décide dans le plus grand des secrets, entre hommes, dans un conseil de Défense. « Il faut rendre la société co-responsable de la gestion de la pandémie », a déclaré Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale et président du Conseil pour l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique de l’Université Paris-Saclay. Il ajoute : « Après un an de pandémie, si on n’a pas compris comment gouverner une pandémie, c’est-à-dire en associant la société, en la rendant co-responsable, on échoue par nature. Et là, il y a un échec qui est dramatique […]. Nous avons maintenant besoin d’un débat mature. Il faut prendre des initiatives au niveau du Parlement, des différentes instances représentatives pour qu’il y ait du débat. Nous avons besoin de parole, besoin d’échanger, sur ce qui est essentiel par exemple. Nous avons aussi besoin, et c’est fondamental, d’admettre ce que va être la société du risque à laquelle nous allons être confrontés dans les années qui viennent. Et il n’y a pas que le risque d’une pandémie : le risque nucléaire, bactériologique, chimique, terroriste existe aussi. Donc il faut intégrer une culture de l’exposition à des risques, et discuter dans ce cadre de ce que l’on accepte et ce que l’on n’accepte pas, ce qui est proportionné, ce qui n’est l’est pas ».

Comme nous l’écrivions avec Catherine Tricot dans l’introduction de Dessine-moi un Pangolin [1] : « Avons-nous les pastilles d’iodes en nombre suffisant si un accident nucléaire arrivait ? Avons-nous les stocks alimentaires pour faire face à des phénomènes extrêmes ? Disposons-nous des vaccins en quantité contre la variole ? Cette crise insinue une inquiétude redoutable ». Nous avons-là matière à nous inquiéter. Nous allons de fiasco en fiasco. Et de l’incompréhension collective nous sommes passés à une défiance généralisée à la fois du politique – qui n’est pas nouvelle mais qui s’aggrave – et du monde scientifique.

Pourquoi sommes-nous l’un des pays les plus réticents face au vaccin ? Pourquoi, qui, comment a-t-on décidé de la stratégie de la vaccination ? D’où vient cette nouvelle idée de tirer au sort les citoyens ? Y a-t-il eu consentement des soignants et des personnes âgées, vaccinés dans les Ehpad ? Pourquoi ne pas avoir ouvert l’accès au vaccin aux volontaires ? Longtemps, on nous a expliqué que la réussite de la Chine dans la sortie de la crise sanitaire était liée à l’autoritarisme du pouvoir central sur sa population. Rien n’est moins sûr – et pour en parler, Jean-Louis Rocca, sociologue, spécialiste de la Chine, sera ce lundi 4 janvier l’invité de #LaMidinale, dès 12h30. Une chose est sûre, c’est que l’autoritarisme de bureau, celui qu’exerce Emmanuel Macron depuis le Palais de l’Élysée, nous conduit tout droit dans le mur.

Pierre Jacquemain


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