Un régime illibéral

mardi 1er décembre 2020.
 

L’article 24 de la loi « sécurité globale » a concentré les critiques les plus larges. Un spectre inédit allant des associations de défense des droits de l’homme, la plupart des sociétés de journalistes et jusqu’à la très officielle Commission nationale consultative des droits de l’homme mettent en garde contre les dérives liberticides de cette loi. Il s’est même trouvé, pour dénoncer les atteintes multiples à la justice, une tribune de 33 personnalités ayant voté Emmanuel Macron en 2017, dont Lilian Thuram et Cédric Villani, déclarant qu’ils n’avaient pas voté pour cela. L’article 24 met certes en danger la liberté de la presse, mais il y a plus grave : ces dispositions sont contraires à la Déclaration des droits de l’homme de 1789 laquelle prévoyait en son article 15 que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Quiconque a été exposé à l’arbitraire policier sait que sur le terrain toute tentative de filmer en serait empêché a priori, et sans doute poursuivi. Pourtant bien d’autres dispositions de la loi devraient inquiéter tous ces défenseurs des droits, notamment l’usage désormais massif de drones, alors même que la France avait su encadrer tous les dispositifs de vidéosurveillance.

Les violences policières et le racisme se multiplient dans des proportions affolantes depuis la prise de pouvoir d’Emmanuel Macron, et les directives successives des ministres Christophe Castaner et Gérald Darmanin. Il s’agit bien d’une dérive systémique : l’organisation des forces de l’ordre choisit une stratégie de l’affrontement et de la violence. À cela s’ajoutent des dispositions de plus en plus attentatoires aux libertés publiques, rendues possibles par les dispositions mêmes de l’état d’urgence sanitaire que nous avons régulièrement dénoncées dans ces colonnes. N’oublions pas les manipulations grossières autour de la loi censée combattre le séparatisme qui dissimulent mal des clins d’œil xénophobes. Le régime d’Emmanuel Macron, porté par les partisans du libéralisme économique, montre désormais son vrai visage : l’illibéralisme.

Pourtant qui peut sincèrement déclarer découvrir subitement le pot aux roses ? Dès le départ Emmanuel Macron a épousé ce qu’il y avait de plus potentiellement autoritaire dans les institutions de la cinquième République : un présidentialisme « jupitérien » s’appuyant sur une majorité godillot, le refus du dialogue social pour mener une casse systématique des solidarités chèrement construites par le mouvement ouvrier. Le coup d’état permanent : nous y sommes. Il ne suffira pas de réécrire l’article 24 de la loi « sécurité globale » : il faut changer de régime. Plus que jamais engageons-nous pour la sixième République !

Benoît Schneckenburger


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message