Covid-19 : le risque existe dans tous les lieux clos, dans les classes comme dans les bureaux

lundi 17 août 2020.
 

Une vingtaine de professeurs et docteurs en médecine lancent un appel pour rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux clos collectifs.

Tribune. Le Premier ministre Jean Castex a déploré mardi la dégradation de la situation sanitaire et a annoncé l’extension du port du masque dans l’espace public ainsi que la prolongation jusqu’au 30 octobre de l’interdiction des événements rassemblant plus de 5 000 personnes. Cette annonce vient s’ajouter aux décisions prises fin juillet d’imposer le port du masque dans tous les lieux publics fermés et d’en recommander le port en extérieur. Depuis lors, des centaines de municipalités ont pris des arrêtés dans ce sens. Si toutes ces décisions attestent d’une volonté d’agir, elles restent très insuffisantes pour endiguer la progression de l’épidémie.

Les protocoles actuels de sécurité qui concernent les lieux de travail, lesquels constituent les premiers foyers de contamination en France (1), mais aussi les écoles et les universités, ne prennent pas sérieusement en compte un facteur très important de propagation du Covid-19, à savoir la transmission via aérosol.

Un aérosol viral résulte de la persistance des particules virales en suspension dans les lieux fermés dont l’air n’est pas renouvelé. Sa transmission est différente de celle par microgouttelettes et par les mains souillées. Elle a déjà été prouvée pour d’autres coronavirus, comme le Sras 2002 ou le Mers, elle est désormais reconnue par l’OMS pour le Sars-CoV-2. Un récent préprint de l’Université de Floride le réaffirme : les malades produisent un aérosol de virus viables contagieux. Nous savons donc aujourd’hui que la voie aérienne est l’une des voies principales de propagation du Covid-19 et que les gestes barrières, bien que toujours indispensables, sont insuffisants pour s’en prémunir dans les espaces clos.

Dès lors, on ne peut que se féliciter que le ministère du Travail, dans son dernier protocole sanitaire, recommande fortement le recours au télétravail et appelle les entreprises à constituer des stocks de masques. Cependant, en se focalisant sur la distanciation d’au moins 1 mètre et sur les lieux de circulation, ces protocoles ne reconnaissent pas explicitement la transmission par voie aérienne. Nous l’affirmons sans ambiguïté : le Sars-CoV-2 se transmet par l’air et ne pas rendre le masque obligatoire dans les salles de cours ou les amphithéâtres, dans les open spaces, les salles de réunion, les ateliers et les bureaux partagés n’est pas conforme aux données de la science et de l’OMS.

Pourtant, la décision du 20 juillet de rendre obligatoire le port du masque dans les lieux publics clos s’était appuyée sur ces nouvelles connaissances. Nous ne comprenons pas cette régression : dans un commerce ou au travail, à La Poste ou en cours, que nous soyons assis ou debout, immobile ou en déplacement, l’air circule de la même manière autour de nous, et s’il n’est pas souvent renouvelé, le virus se propage et s’accumule, à l’image de la fumée de cigarette en hiver dans les pièces fermées. Si la fumée d’une cigarette peut nous atteindre, alors le Sars-CoV-2 le peut tout autant. Et plus le virus s’accumule dans l’air, en raison d’un temps long d’exposition ou du fait d’un nombre important d’excréteurs, plus nous risquons une contamination.

Notre exigence est une question de cohérence : on ne peut imposer le port de masque en extérieur dans certaines situations à risque marginal tout en le laissant optionnel dans des lieux clairement identifiés comme moteurs de cette épidémie.

Nous ne savons toujours pas quelle sera l’ampleur des séquelles chez les sujets atteints lors de la période initiale, mais nous savons qu’une seconde phase se prépare. Certains parlent de deuxième vague imminente. Vague ou phase, si nous voulons que celle-ci ne se transforme en tsunami, avec ses lots de décès, de malades au long cours, d’écoles fermées et d’activités bloquées, il est urgent de rendre obligatoire le port du masque dans tous les espaces clos, dans tous les bureaux, dans toutes les salles de classe et amphithéâtres, et aussi d’encourager sans ambiguïté le télétravail, les cours à distance et la réorganisation de classes avec des effectifs moins nombreux, comme l’a décidé, par exemple, le gouvernement italien.

Actuellement, toute fièvre inexpliquée implique la réalisation d’un test PCR et la mise en quarantaine dans l’attente des résultats. Les mesures que nous préconisons ne vont pas à l’encontre de l’économie et de notre organisation sociale, elles permettront au contraire de limiter les infections virales et les syndromes fébriles, et à terme les conséquences organisationnelles et économiques prévisibles, tout en limitant les tensions sur le système de soin. Le port du masque dans tous les espaces clos, le télétravail et les cours à distance, est donc ESSENTIEL.

Citons pour finir le virologue Christian Drosten et la prise de position de la société allemande de virologie du 6 août : « Nous mettons en garde contre l’idée que les enfants ne sont pas impliqués dans la pandémie et la transmission. De telles idées ne sont pas conformes aux connaissances scientifiques. Un manque de mesures de prévention et de contrôle pourrait rapidement conduire à des flambées qui obligeraient alors les écoles à fermer à nouveau. Sous-estimer le risque de transmission dans les écoles serait contre-productif pour le bien-être de l’enfant et la reprise économique. » L’European Center for Disease Control and Prevention l’a aussi rappelé lle même jour.

Enfin, le collectif tient à rappeler la nécessité absolue de la disponibilité des masques FFP2 pour tous les soignants exposés, afin que les plus de 50 000 contaminations des mois derniers ne se reproduisent pas.

Le 15 août marquera pour beaucoup la reprise du travail en milieu fermé et les rentrées scolaire et universitaire vont suivre dans la foulée. Il reste peu de temps pour qu’une prise de conscience émerge, qu’un consensus médical et politique constructif se dégage et que de réelles mesures de prévention et de protection soient prises en urgence, ce que nous appelons tous de nos vœux, en rappelant la responsabilité de nos dirigeants : début mars, nous ne savions pas tout, vous ne saviez pas tout. Mais aujourd’hui nous savons tous.

(1) Selon les rapports hebdomadaires de Santé publique France.

Premiers signataires

Eric Billy chercheur en immuno-oncologie, Strasbourg, Dr Matthieu Calafiore médecin généraliste, MDC, directeur du département de médecine générale de la faculté de Lille, Dr Franck Clarot médecine légiste, radiologue, vice-président de la Fédération nationale des médecins radiologues, Seine-Maritime, Collectif stop postillons (Dr Jonathan Favre, Dr Michael Rochoy, Dr Antoine Hutt et Dr Thibault Puszkarek), Dr Dominique Dupagne médecin généraliste, Paris, Dr Jean-Daniel Flaysakier médecin, journaliste, Pr Guillaume Gorincour radiopédiatre, vice-président du conseil départemental de l’Ordre national des médecins, Marseille, Dr Annic Jarnoux médecin généraliste, Dr Stéphane Korsia-Meffre vétérinaire, patient-enseignant, Dr Karine Lacombe cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine, Paris, Dr Laurent Fignon, Dr Yvon Le Flohic médecin généraliste, Dr Christian Lehmann médecin généraliste, écrivain, Dr Jérôme Marty médecin généraliste, président de l’UFMLS, Dr François-Xavier Moronval médecin urgentiste, responsable du Cesu 88, Epinal, Dr Camille Pascal-Gorincour médecin généraliste, Dr Bruno Rocher psychiatre addictologue, médecin responsable de l’espace Barbara, CHU Nantes, Mahmoud Zureik professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’Université de Versailles-Saint-Quentin.


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