Coronavirus et crise du capitalisme globalisé

jeudi 7 mai 2020.
 

Nous publions l’entrevue donnée par François Chesnais a Folha de Sao Paulo. Les analysées avancées ici nous semblent mériter une discussion plus approfondie, mais il vaut toujours la peine de lire ou écouter François Chesnais.

Quelle est l’ampleur de la crise ? La com­pa­rai­son avec 1929 est-elle logi­que ? Pensez-vous que cette crise a une autre com­pa­rai­son pos­si­ble ?

La com­pa­rai­son avec 1929 est deve­nue de plus en plus per­ti­nente. Avant d’y venir il est néces­saire de com­men­cer par énumérer les chan­ge­ments de para­mè­tres par rap­port à la crise économique et finan­cière mon­diale de 2007- 2009 qui a com­mencé sous la forme d’une crise finan­cière colos­sale (dont la faillite de Lehman Brothers a été le moment le plus dra­ma­ti­que), avant de s’étendre à la pro­duc­tion et aux échanges mon­diaux. Il y a d’abord en 2020 l’émoussement des outils moné­tai­res qui ont été si impor­tant en sep­tem­bre 2008, la perte d’effi­ca­cité des inter­ven­tions des ban­ques cen­tra­les et le niveau déjà élevé des dettes publi­ques au début de la pan­dé­mie. En 2009 le recul de la pro­duc­tion et du com­merce mon­diale a été stoppé par les énormes inves­tis­se­ments d’infra­struc­tu­res faits par la Chine. En 2020 celle-ci n’est plus en posi­tion, ni encline en raison des atta­ques contre elle, de jouer le même rôle. Sur le plan des rap­ports inter­na­tio­naux le régime inter-étatique rela­ti­ve­ment coo­pé­ra­tif de 2008-2009 qui avait vu la créa­tion du G20, a cédé le pas à une intense riva­lité com­mer­ciale et une montée impor­tante du pro­tec­tion­nisme. Aujourd’hui des popu­lis­tes irres­pon­sa­bles sont au pou­voir aux Etats-Unis, au Brésil et dans plu­sieurs pays euro­péens. Mesurons l’abîme entre Henry Paulson qui était de facto aux com­man­des aux Etats-Unis en 2008 et Donald Trump. Enfin, alors que les économies dites émergentes avaient lar­ge­ment échappé à la crise finan­cière de 2008 et ont pu rapi­de­ment se redres­ser en 2009 (on se sou­vient du triom­pha­lisme de Lula), elles ont été frap­pées tout de suite cette fois-ci.

Venons-en à 1929. Oui bien sûr, à mesure que la crise s’aggrave la com­pa­rai­son avec la Grande dépres­sion des années 1930 s’impose en termes de recul de la pro­duc­tion et du com­merce mon­dial et d’accrois­se­ment des chô­meurs plus visi­ble et même spec­ta­cu­laire dans cer­tains pays que dans d’autres. Mais il est tout aussi impor­tant de voir ce qu’il y a de dif­fé­rent par rap­port à 1929 sur un plan qua­li­ta­tif.

La dif­fé­rence cru­ciale tient à deux fac­teurs. Le pre­mier est que même si la crise du Covid19 est une consé­quence des rap­ports du capi­ta­lisme à la nature, une crise sani­taire de l’ère de l’Anthropocène, elle repré­sente un choc exo­gène, alors que la crise de 1929 a résulté des contra­dic­tions inter­nes au mou­ve­ment de l’accu­mu­la­tion du capi­tal. Dans son rap­port du 14 avril le FMI nomme la crise Covid19 The Great Lockdown, le Grand confi­ne­ment. Pour com­bat­tre la pan­dé­mie les sites de pro­duc­tion ont été fermés fai­sant explo­ser le nombre de chô­meurs du jour au len­de­main et donc chuter la demande, bru­ta­le­ment dans les pays sans indem­ni­tés de chô­mage (Etats-Unis), de façon plus modé­rée ailleurs. En 1929 l’économie mon­diale était inter­na­tio­na­li­sée mais non pas glo­ba­li­sée. Il a fallu plus d’un an pour que la crise attei­gne l’Europe. En 2020 il a suffi de quel­ques semai­nes pour que l’arrêt de la pro­duc­tion en Chine se trans­forme en crise mon­diale.

La seconde dif­fé­rence entre la crise de 1929 et la nôtre est que contra­dic­toi­re­ment le capi­ta­lisme était encore en expan­sion dans les années 1930 et allait connaî­tre à partir du début des années 1940 un long cycle d’accu­mu­la­tion (cycle Kondratiev) mû pour une part impor­tante par la tech­no­lo­gie mais aussi par la tâche d’achè­ve­ment de l’exten­sion mon­diale des rap­ports de pro­duc­tion capi­ta­lis­tes. Aujourd’hui le capi­ta­lisme mon­dial fait face à un mur. Il est confronté aux consé­quen­ces socia­les et socié­ta­les mais aussi étroitement économiques du chan­ge­ment cli­ma­ti­que, tandis que les tech­no­lo­gies domi­nan­tes sont celles de l’intel­li­gence arti­fi­cielle. Elles ont des impacts poli­ti­ques et socié­taux colos­saux, mais ne sont pas pro­pi­ces à une relance de l’accu­mu­la­tion. Ce qu’on nomme la tech­no­lo­gie de pro­ces­sus de pro­duc­tion (pro­cess tech­no­logy) est domi­née par la robo­ti­que qui réduit dras­ti­que­ment le besoin de main d’œuvre dans beau­coup d’indus­tries et de sec­teurs de ser­vi­ces. En ce qui concerne les tech­no­lo­gies maté­ria­li­sées dans des pro­duits, (la pro­duct tech­no­logy) leur capa­cité à servir de relance à l’accu­mu­la­tion dépend de l’impor­tance des inves­tis­se­ments que leur intro­duc­tion sup­pose, tant dans la bran­che indus­trielle où elles nais­sent ou dont elles exi­gent la créa­tion que dans les bran­ches voi­si­nes, ainsi que de l’ampleur de la demande que leur uti­lité sociale leur permet de se créer. Selon l’économiste étatsunien Robert Gordon, grand spé­cia­liste dans ce domaine, les tech­no­lo­gies appa­rues au cours des quinze der­niè­res années n’ont abso­lu­ment pas cette capa­cité.

Je vou­drais ajou­ter une der­nière chose. Dans les années 1930, l’obli­ga­tion pour chaque pays de se défen­dre seul des impacts de la crise a donné aux grands pays semi-colo­niaux d’Amérique du sud, le Brésil et l’Argentine, l’oppor­tu­nité avec Vargas et un peu plus tard avec Péron de se déga­ger un peu de la domi­na­tion des Etats-Unis et s’enga­ger dans une pre­mière période d’indus­tria­li­sa­tion, de cons­truc­tion d’une économie natio­nale. Aujourd’hui au contraire ces pays sont dans des formes de dépen­dance au marché mon­dial (expor­ta­tions de matiè­res pre­miè­res) et à la finance (fuite de capi­taux) qui les ren­dent très vul­né­ra­bles.

What are the impacts of the crisis on the world eco­nomy ?

Quels sont les impacts de la crise sur l’économie mon­diale ?

Dans l’immé­diat et au cours des pro­chains mois, le Grand confi­ne­ment va conti­nuer à entraî­ner les pays, les uns après les autres, plus pro­fon­dé­ment dans la réces­sion au sein d’une économie tota­le­ment glo­ba­li­sée mais for­te­ment hié­rar­chi­sée. Dans ses pré­vi­sions sur l’économie mon­diale publiées plus tôt en avril, en pre­nant l’hypo­thèse d’une dimi­nu­tion de la pan­dé­mie de Covid-19 au second semes­tre de cette année, le FMI pré­voit une contrac­tion de 3 % du PIB mon­dial et de 11% du com­merce mon­dial. La hié­rar­chie des pays est déci­sive. Ainsi en 2019 la part du PIB mon­dial des Etats-Unis était de 15%, celle de l’UE 16% et celle de la Chine de 18%. La Chine avait la part le plus élevée des expor­ta­tions mon­dia­les soit 17% suivie de l’UE avec 16 % et des Etats-Unis avec 14%. Du côté des impor­ta­tions on avait les chif­fres sui­vants, Etats-Unis 18%, UE 15% et Chine 12%.

Les pays les plus tou­chés par la réces­sion en 2020 seront ceux de la zone euro, avec une contrac­tion de – 7,5 % (– 7,2 % pour la France), suivis du Royaume-Uni (– 6,5 %) et des Etats-Unis (– 5,9 %). Le chô­mage pour­rait aug­men­ter de 40 % cette année dans la zone euro, pas­sant de 6,6 % de la popu­la­tion active, en 2019, à 9,2 % en 2020, et même tri­pler aux Etats-Unis pour attein­dre 10,4 %. Seuls les pays émergents d’Asie enre­gis­tre­ront une crois­sance posi­tive à +1 %, dont la Chine, qui peut espé­rer une hausse de 1,2 % de son PIB, mar­quant cepen­dant un très net recul après + 6,1 % en 2019. L’Afrique sub­sa­ha­rienne connaî­tra une crois­sance néga­tive de – 1,6 % avec le risque d’une crise ali­men­taire. L’éventualité qu’ils connais­sent une réces­sion encore plus bru­tale n’est pas exclue.

Many have poin­ted out that the crisis will bury neo­li­be­ral ideas and that the State will again be consi­de­red as essen­tial in conduc­ting the confron­ta­tion of the crisis. Does that make sense ?

Beaucoup ont sou­li­gné que la crise enter­re­rait les idées néo­li­bé­ra­les et que l’État serait à nou­veau consi­déré comme essen­tiel dans la conduite de l’affron­te­ment de la crise. Cela a-t-il du sens ?

Actuellement cela est vrai, sans aucun doute, dans tous les aspects sani­tai­res de la crise où la grande majo­rité des gou­ver­ne­ments ont été contraints d’inter­ve­nir en aban­don­nant leurs appro­ches néo­li­bé­ra­les. Dans l’intro­duc­tion et dans le cha­pi­tre 1 du rap­port d’avril (entiè­re­ment consa­cré au combat contre la pan­dé­mie), le FMI leur enjoint impé­ra­ti­ve­ment de le faire. Les pays où cette inter­ven­tion n’a pas eu la vigueur néces­saire ou se ne s’est même pas faite du tout ont même été sanc­tion­nés par les mar­chés finan­ciers comme pour le Brésil et le Mexique. Sur le plan économique, dans l’intro­duc­tion au rap­port le FMI (dont les cha­pi­tres sui­vants vont être publiés début mai) exhorte les gou­ver­ne­ments des pays avan­cés à uti­li­ser la poli­ti­que bud­gé­taire (fiscal policy) autant que cela sera néces­saire aussi bien pour finan­cer le combat contre la pan­dé­mie que pour sou­te­nir l’économie tant du côté de l’offre pour aider les entre­pri­ses et éviter qu’il y ait trop de failli­tes que de la demande (indem­ni­sa­tion du chô­mage né du confi­ne­ment).

Will the cur­rent pro­duc­tive arran­ge­ment of glo­ba­li­za­tion (with the frag­men­ta­tion of pro­duc­tion and pre­ca­rious work) be able to withs­tand this catas­tro­phe ?

L’arran­ge­ment pro­duc­tif actuel de la mon­dia­li­sa­tion (avec la frag­men­ta­tion de la pro­duc­tion et du tra­vail pré­caire) pourra-t-il résis­ter à cette catas­tro­phe ?

Il y a plu­sieurs aspects et plu­sieurs tem­po­ra­li­tés dans votre ques­tion. En ce qui concerne d’abord la glo­ba­li­sa­tion. Elle est fondée sur l’objec­tif d’un triple mou­ve­ment de libé­ra­li­sa­tion des flux finan­ciers, des échanges com­mer­ciaux et des inves­tis­se­ments étrangers directs. La Chine a pu s’y sous­traire pres­que com­plè­te­ment, mais l’objec­tif a été plei­ne­ment atteint en Europe sous la forme ins­ti­tu­tion­nelle de l’Union euro­péenne. La décons­truire pren­dra du temps. Le réfé­ren­dum de sortie du Royaume Uni de l’UE a eu lieu il y quatre ans et la rédac­tion d’un nou­veau traité entre les Royaume Uni et l’UE n’est tou­jours pas ter­miné. Donc les trai­tés ins­ti­tuant l’UE (Maastricht, Nice, Lisbonne) vont résis­ter (withs­tand), ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’attein­tes aux échanges com­mer­ciaux et aux inves­tis­se­ments intra-euro­péens. D’ores et déjà, les défen­seurs de la libé­ra­li­sa­tion des échanges s’inquiè­tent des res­tric­tions à l’expor­ta­tion de médi­ca­ments et ins­tru­ments médi­caux édictés par de nom­breux gou­ver­ne­ments. Quatorze pays euro­péens ont d’ores et déjà un dis­po­si­tif de contrôle des inves­tis­se­ments étrangers dans ces sec­teurs et le Parlement euro­péen a adopté un règle­ment visant à une sur­veillance de ces inves­tis­se­ments dans l’UE, qui entrera en vigueur en fin d’année 2020.

Il est cer­tain que les chaî­nes d’appro­vi­sion­ne­ment glo­ba­les (global supply chains) vont se modi­fier du fait de la crise

(https://sloan­re­view.mit.edu/arti­cle/is-it-time-to-rethink-glo­ba­li­zed-supply-chains/),

mais plutôt dans le sens d’une accé­lé­ra­tion de ten­dan­ces déjà à l’œuvre. Déjà avant la pan­dé­mie les spé­cia­lis­tes consi­dé­raient, pour citer une étude que “CVG glo­ba­li­sa­tion has rea­ched a peak in 2012 and since then supply chains are beco­ming more domes­tic rather than more regio­nal (La mon­dia­li­sa­tion des CVG a atteint un sommet en 2012 et depuis lors, les chaî­nes d’appro­vi­sion­ne­ment devien­nent plus natio­na­les que régio­na­les)”. La crise actuelle ampli­fiera donc une ten­dance amor­cée depuis des années. La CNUCD de Genève (UNCTAD) dans l’ Investment Trends Monitor publié en mars écrit : “As such, the Covid-19 out­break will poten­tially acce­le­rate exis­ting trends of decou­pling (the loo­se­ning of GVC ties) and resho­ring driven by the desire on the part of MNEs to make supply chains more resi­lient (À ce titre, l’épidémie de Covid-19 accé­lé­rera poten­tiel­le­ment les ten­dan­ces exis­tan­tes de décou­plage (relâ­che­ment des liens avec les CVM) et de délo­ca­li­sa­tion entraî­nées par la volonté des EMN de rendre les chaî­nes d’appro­vi­sion­ne­ment plus rési­lien­tes. ).” Les dan­gers de dépen­dre d’un très petit nombre ou même un seul pays (la Chine pour la péni­cil­line) va pous­ser cer­tains gou­ver­ne­ments à rapa­trier quel­ques indus­tries jugées stra­té­gi­ques.

Is it pos­si­ble to pre­dict a finan­cial crisis resul­ting in a shrin­king power of finance in the world eco­nomy ? Or will finance be streng­the­ned ?

Est-il pos­si­ble de pré­dire une crise finan­cière entraî­nant un rétré­cis­se­ment du pou­voir finan­cier dans l’économie mon­diale ? Ou le finan­ce­ment sera-t-il ren­forcé ?

Comme je l’ai dit plus haut à la dif­fé­rence à la fois de 1929 et de 2008 The Great Lockdown, le Grand confi­ne­ment n’a pas com­mencé par un grand krach bour­sier comme en 1929 ou une colos­sale crise finan­cière mul­ti­forme comme en 2008. Ceux qui ont attendu que la pro­gres­sion de la pan­dé­mie et de la crise économique déclen­che une crise finan­cière impor­tante l’ont fait en vain. On date du 31 décem­bre 2019 le début de la pan­dé­mie (encore appe­lée épidémie alors) mais c’est uni­que­ment à partir du 8 mars qu’il y a eu à Wall Street une chute impor­tante des cours qui s’est sta­bi­li­sée à la fin du mois. Robert Schiller à qui on doit le ratio com­pa­rant le cours des actions des socié­tés cotées avec leurs béné­fi­ces le price ear­ning ratio ou PER ou ajusté à l’infla­tion CAPE (Cyclically Adjusted Price to Earnings) qui porte son nom ’l’indice Shiller’ a publié un arti­cle le 4 avril :

(https://www.nyti­mes.com/2020/04/02...)

Il a rap­pelé que l’indice avait atteint 31 en jan­vier 2020 (il avait atteint 33 en 1929 et 44 en 2008). En avril il était tombé à 23. Etant donné que son niveau moyen a été de 17 depuis 1881, Schiller conclut que le marché bour­sier « est encore cher et offrira ren­de­ments modé­rés et non désas­treux au cours des 10 pro­chai­nes années » et que les gens ont plus d’inquié­tude à se faire de la pro­gres­sion du Covid19 que de leur por­te­feuille de titres. Les divi­den­des payés dimi­nue­ront néces­sai­re­ment de façon impor­tante cette année, mais la doc­trine et la pra­ti­que de la prio­rité aux action­nai­res (sha­re­hol­der value) n’est pour l’ins­tant pas remise en cause.

Il n’y aura pas comme en 2008 de hausse de la concen­tra­tion dans le sec­teur ban­caire. L’oli­go­pole ban­caire mon­diale va rester à quel­ques détails-près le même. En revan­che ce ne sera pas le cas dans d’autres sec­teurs de ser­vice, notam­ment les com­pa­gnies aérien­nes, et de nom­breu­ses indus­tries où la crise va relan­cer la concen­tra­tion.

Mais trois fac­teurs vont contri­buer à conso­li­der la force de la finance, plus pré­ci­sé­ment celle des fonds de pla­ce­ments (les hedge funds).

Il y a d’abord les confi­gu­ra­tions natio­na­les de mar­chés et de ren­de­ments (niveaux des taux d’inté­rêt) favo­ri­sant les pla­ce­ments spé­cu­la­tifs et les épisodes de fuite mas­sive de capi­taux (cas du Brésil et du Mexique devant les insuf­fi­san­ces de la poli­ti­que sani­taire des gou­ver­ne­ments et l’accé­lé­ra­tion du nombre de morts du fait de la pan­dé­mie). Il y a ensuite la dette des pays pau­vres qui est déte­nue en large partie par des capi­taux privés plutôt que de prêts gou­ver­ne­men­taux. La CNUCED (UNCTAD) estime que cette part atteint près des trois-quarts

(https://unctad.org/en/PublicationsL...).

Sous le titre « une ques­tion de vie ou de dette » la CNUCED (UNCTAD) a publié le 23 avril un rap­port qui s’adresse aux gou­ver­ne­ments. Il cons­tate 1) que pour les années 2020 et 2021, les rem­bour­se­ments des pays en déve­lop­pe­ment sur leur seule dette publi­que exté­rieure attein­dront entre 2,6 et 3,4 bil­lions de dol­lars, 2) que les appels à la soli­da­rité inter­na­tio­nale n’ont jusqu’à pré­sent apporté qu’un sou­tien timide et 3) qu’un orga­nisme inter­na­tio­nal sera néces­saire pour super­vi­ser les pro­gram­mes d’allé­ge­ment de la dette des pays en déve­lop­pe­ment. Enfin, troi­sième fac­teur, il y a l’envo­lée de la dette publi­que des pays avan­cés. En France elle va passer de 100% à 115% du PIB. Ceci expli­que le « sou­tien timide » des pays avan­cés aux pays les plus pau­vres et endet­tés. Le combat pour l’annu­la­tion des dettes publi­ques concerne désor­mais les pays avan­cés comme les pays en déve­lop­pe­ment.

Recent crises have dee­pe­ned ine­qua­li­ties. Will this happen again in this crisis ? Or is it pos­si­ble to ima­gine ano­ther deve­lop­ment, in the sense of redu­cing income concen­tra­tion

Les crises récen­tes ont aggravé les iné­ga­li­tés. Cela se repro­duira-t-il dans cette crise ? Ou est-il pos­si­ble d’ima­gi­ner un autre déve­lop­pe­ment, dans le sens d’une réduc­tion de la concen­tra­tion des reve­nus

En France la crise en cours a jeté une lumière crue sur un ensem­ble d’iné­ga­li­tés (reve­nus, ensei­gne­ment, équipement numé­ri­que, accès à Internet) sans parler des iné­ga­li­tés de patri­moine. Elles ne vont très cer­tai­ne­ment pas s’atté­nuer à mesure que la crise se déroule et que le déconfi­ne­ment s’amorce. Un ren­ver­se­ment de cette situa­tion ne serait pos­si­ble que si un bloc social très large se for­mait entre les cou­ches pau­vres et ce qu’on nomme « les clas­ses moyen­nes ».

The capi­ta­list deve­lop­ment of the last deca­des has resul­ted in poverty and pre­ca­rious work for mil­lions. Can this inten­sify now ? Is it pos­si­ble to fore­see a revolt from the effects of this crisis for most popu­la­tions, espe­cially in the poo­rest coun­tries ? Is there a risk of chaos in socie­ties ?

Le déve­lop­pe­ment capi­ta­liste des der­niè­res décen­nies a entraîné la pau­vreté et le tra­vail pré­caire de mil­lions de per­son­nes. Cela peut-il s’inten­si­fier main­te­nant ? Peut-on pré­voir une révolte contre les effets de cette crise pour la plu­part des popu­la­tions, notam­ment dans les pays les plus pau­vres ? Y a-t-il un risque de chaos dans les socié­tés ?

Oui, mal­heu­reu­se­ment. Et la pau­vreté et la pré­ca­rité de l’emploi peu­vent encore s’inten­si­fier sous l’effet de cette crise. Il y aura des révol­tes dans de nom­breux pays, mais ce n’est que dans les pays où des luttes socia­les anté­rieu­res ancien­nes et/ou tout à fait récen­tes ont laissé des traces en termes de condi­tions sub­jec­ti­ves et orga­ni­sa­tion­nel­les qu’elles peu­vent débou­cher sur une modi­fi­ca­tion des rap­ports de force poli­ti­ques entre les exploité(e)s et le capi­tal. Dans le cas fran­çais je pense au mou­ve­ment des gilets jaunes de novem­bre-décem­bre 2019.

What forms will capi­ta­lism find to reor­ga­nize itself in this crisis ? Will there be new forms of accu­mu­la­tion ?

Quelles formes le capi­ta­lisme trou­vera-t-il pour se réor­ga­ni­ser dans cette crise ? Y aura-t-il de nou­vel­les formes d’accu­mu­la­tion ?

Pour ce qui concerne la réor­ga­ni­sa­tion tout ce qu’on peut dire avec cer­ti­tude est que la place cen­trale de la Chine va s’accen­tuer. Le pro­ces­sus de repro­duc­tion élargie du capi­tal se heurte à un mur qui tient aux carac­té­ris­ti­ques de la tech­no­lo­gie pré­sen­tées plus haut et aux consé­quen­ces néga­ti­ves même pour l’accu­mu­la­tion du chan­ge­ment cli­ma­ti­que.


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