A Montpellier, la campagne municipale d’EELV vole en éclats

dimanche 2 février 2020.
 

À peine après avoir nommé un nouveau directeur de campagne, Clothilde Ollier a perdu l’investiture de son parti Europe Écologie-Les Verts. Elle avait pourtant été installée par son « binôme » Manu Reynaud. Comment les écolos ont-ils basculé dans un tel psychodrame ?

« C’est complètement fou ! Je n’arrive pas à comprendre les tensions obscures qui me frappent. » Lundi 20 janvier, dans une conférence de presse transformée en meeting politique, Clothilde Ollier, candidate à la mairie de Montpellier, n’en revient toujours pas. « Aurait-on osé s’attaquer à moi de cette manière si je n’étais pas une femme, mère célibataire et infirmière aux urgences ? », s’indigne la jeune femme dans une brasserie remplie à craquer de militants proches de La France insoumise. « Je ne cèderai pas. Aidez-moi ! »

La décision est tombée samedi soir abruptement. Comme l’a révélé Midi Libre [1], Europe Écologie-Les Verts (EELV) a retiré l’investiture accordée à Clothilde Ollier pour mener la campagne des municipales à Montpellier. Celle qui avait remporté une primaire contre l’ancien député Jean-Louis Roumégas ne pourra donc plus exploiter le logo de son parti. Sa photo disparaît aussi du local de campagne. Ses affiches seront nécessairement modifiées.

Ce bouleversement intervient à deux mois du premier tour du scrutin, conséquence d’une rupture de confiance entre les adhérents locaux d’EELV et leur candidate. « Nous avons constaté une gestion de plus en plus solitaire de la campagne. Nous ne sentons pas la volonté de s’inscrire dans un collectif, ce qui peut être inquiétant une fois que nous serons installés aux affaires municipales », explique au d’Oc Éva Sas, porte-parole nationale du parti. Les membres du bureau exécutif ont ainsi tranché, fait rare sur les sujets électoraux, « à l’unanimité ». Selon Eva Sas, « il s’agit de répondre à un problème politique, pas à un conflit de personnes ».

Depuis plusieurs semaines déjà le torchon brûlait entre Clothilde Ollier et Manu Reynaud, présenté cet automne comme son « binôme ». L’infirmière urgentiste, syndicaliste CGT et maire de la petite commune voisine de Murles, a milité pour un accord avec plusieurs forces de gauche, dont le mouvement Confluence composé de nombreux « insoumis », membres d’Ensemble et du Parti de gauche. Les réunions de travail se sont multipliées. Chaque partenaire a négocié sa représentation sur la liste. Le 31 décembre, Le d’Oc révélait alors l’aboutissement de cet accord [2], fruit de longues discussions et tractations. Le slogan « L’écologie en commun » remplaçait donc « L’écologie en grand ». En quelque sorte, une alliance vert-rouge bâtie sur le modèle de la gouvernance d’Éric Piolle à la mairie de Grenoble.

Lors de la conférence de presse du lundi 6 janvier visant à présenter cette union, les intervenants se sont ainsi exprimés au micro au nom de la formation qu’ils défendaient. Les « chercheurs », les « femmes et les hommes de culture », les « entrepreneurs », les « artisans », les « créatrices et les créateurs », les « actrices et acteurs de quartiers », eux, n’étaient pas présents, bien que sollicités dans un appel à candidatures un mois plus tôt. Une stratégie bien éloignée du « rassemblement citoyen pour l’écologie », pourtant promu depuis quelques mois.

Même s’ils regrettent l’absence de communication sur « la mobilisation sociale contre les retraites », les membres actifs de Confluence restent satisfaits de voir que « le message distillé par toute la presse se résume par le titre du Midi Libre : “Ollier met la barre à gauche” ». Et comme Le d’Oc l’a constaté à la lecture d’échanges de mails que nous nous sommes procurés, il y avait bien le sentiment du devoir accompli : « Partout on lit “Les insoumis s’allient à Clothilde Ollier”, c’est exactement le message que l’on voulait donner. »

L’orientation de la campagne commence à déplaire à une partie des militants écolos. Car dans le même temps, l’ancien député EELV Jean-Louis Roumégas, bien qu’ayant perdu la primaire, est parti de son côté à la conquête de la mairie. L’ancien parlementaire vante son « indépendance ». Et martèle : « L’écologie doit être pour tous et non cantonnée à une fracture de la société. »

Manu Reynaud s’alarme de la tournure des événements. « Nous sommes en train de donner raison à Jean-Louis [Roumégas – ndlr] », répète-t-il à ses proches. Avec Clothilde Ollier, le fossé se creuse petit à petit. Elle prête davantage l’oreille à des membres de la gauche radicale comme Guillaume Tricard, proche du député François Ruffin, ou Henri Meynadier, communicant historique des années Georges Frêche, qui rédige des notes de stratégie électorale pour la campagne.

Un organigramme parallèle et officieux se construit. La nouvelle équipe souhaite la venue de François Ruffin, de la députée Clémentine Autain et du maire de Grenoble Éric Piolle pour soutenir Clothilde Ollier. Soit la plupart des signataires de l’appel à une liste de Confluence impulsée par la députée LFI de Montpellier, Muriel Ressiguier, qui n’ont pu obtenir le soutien de La France insoumise – le mouvement de Jean-Luc Mélenchon préférant appuyer un autre collectif citoyen, « Nous Sommes », emmené par Alenka Doulain, une ancienne adhérente… d’EELV.

Par la suite, Manu Reynaud est écarté du dispositif. Au sein de Confluence, on pointe chez lui de « l’incompétence » et « une proximité trop importante avec le Parti socialiste, alors que la ville est gagnable sans ceux qui l’ont dirigée jusqu’à présent ». Par un communiqué de presse envoyé le 13 janvier depuis une adresse courriel créée pour l’occasion, en dehors du fichier d’EELV, Clothilde Ollier prend les adhérents du parti à contre-pied et évince Manu Reynaud de la direction de campagne. Elle nomme à sa place le professeur de sciences politiques non encarté Jean-Yves Dormagen (dont Le d’Oc a par ailleurs appris qu’il a rencontré ce dimanche le conseiller régional RN Djamel Boumaaz) [3]. Le but ? « Monter en puissance. »

Une conférence de presse consacrée à la pollution de l’air est alors brutalement annulée deux heures avant sa tenue. Le sondage, commandé par EELV et Ensemble, plaçant Clothilde Ollier victorieuse dans toutes les configurations testées ne change rien : le jour de sa publication jeudi dernier, trois membres du bureau exécutif du parti tentent une médiation. En vain. Dans l’entourage de Clothilde Ollier, on dénonce une démarche « hors du cadre légal du parti ». Et on rejette les accusations selon lesquelles des thématiques écolos disparaîtraient du programme, ainsi que l’a annoncé Julien Bayou au terme de la médiation nationale d’EELV : « Clothilde n’a pas changé la moindre ligne au programme. C’est un petit clan autour d’un apparatchik local qui a réussi à convaincre le national qu’il y avait un problème. »

Désormais, EELV va devoir se trouver une nouvelle tête de liste. Les noms de Coralie Mantion et de Manu Reynaud reviennent avec insistance. Mais il faudra aussi composer avec Jean-Louis Roumégas. « Je salue la décision du bureau exécutif. Elle n’est pas conduite par l’électoralisme, elle est donc courageuse. Mieux vaut tard que jamais », déclare au d’Oc l’ex-adjoint écolo de Georges Frêche. Et de prévenir : « Il faut sortir par le haut et se réunifier, je rappelle simplement que les faits m’ont donné raison. Les prochains jours seront décisifs. »

Une manière de tendre la main. Tout en poursuivant le rapport de force. Dans une dizaine de jours, EELV convoquera ses adhérents pour une assemblée générale extraordinaire. Histoire de définir une nouvelle ligne et de démarrer enfin la campagne.

BENJAMIN TÉOULE (LE D’OC)

Cet article est proposé par Le d’Oc (https://ledoc-info.com), site d’information lancé en février 2017 qui couvre l’actualité du Grand Montpellier, avec lequel Mediapart a noué un partenariat éditorial


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