Simulacre d’élections en Algérie

mardi 24 décembre 2019.
 

Vendredi 13 décembre, les Algériens ont connu le nom de leur nouveau président : Abdelmadjid Tebboune, septuagénaire et ancien bref Premier ministre du président déchu Abdelaziz Bouteflika, qui a remporté la présidentielle dès le premier tour.

Le jour du scrutin a été marqué par une importante démonstration de force du Hirak, le mouvement de contestation né le 22 février en réaction au projet de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika de concourir à un cinquième mandat après vingt années de règne. Partout à travers le pays, les citoyens se sont rassemblés par milliers dans les rues pour exprimer leur refus de ces élections.

En Kabylie, région historiquement dissidente, des bureaux de vote ont été fermés par les habitants et un centre de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) a été incendié. Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont fait plusieurs blessés. Les deux capitales de la région ont connu les plus bas taux de participation au scrutin, 0,012% à Tizi Ouzou et 0% à Béjaïa.

Des élections sous tensions

A Alger aussi la tension était forte, la foule a envahi les rues dès la veille du scrutin malgré l’important dispositif de sécurité mis en place dans les artères de la capitale. « Makench Intikhabat maa el issabat » (« il n’y aura pas d’élections avec les bandits ») et « Makench l’vote ! » (« Pas de vote ! ») a-t-elle scandé toute la nuit.

Le taux d’abstention enregistré est le plus important de l’histoire du pays avec plus de 60% des inscrits qui ne se sont pas présentés aux urnes selon les chiffres annoncés par l’ANIE - chiffre inférieur à la réalité, assure l’opposition. De fait, dénonçant une tentative du système de se recycler par un simulacre d’élections dans lesquelles se sont affrontés cinq candidats ayant tous fait partie du cercle de Bouteflika, les citoyens ont massivement rejeté ce scrutin dès l’annonce de son organisation.

Le Hirak, et après ?

Conscients de la difficultés d’en finir avec un système qui gangrène le pays depuis de soixante années, les Algériens continuent de se battre, depuis près de dix mois, contre la vieille bureaucratie d’Etat. Ils appellent à une « seconde libération », à une « indépendance complète » de ceux qui se sont accaparés le pouvoir en 1962 et qui ont mené le pays à son état actuel : corruption généralisée, économie en berne, manque d’opportunités, chômage, inflation, censure, marasme culturel, etc.

Les Algériens réclament le départ de tous les éléments de l’ancien régime et la redéfinition du rôle de l’armée dans le jeu politique. La plus grande réussite de ce mouvement est certainement d’avoir fait sortir les Algériens de l’apathie politique qui a caractérisé la période post-décennie noire. Malgré les tentatives d’intimidation du pouvoir, il y a aujourd’hui une ébullition politique qui était inimaginable avant le 22 février dernier.

Abdelmadjid Tebboune, le nouveau président, devra composer avec une société qui, non seulement ne le reconnait pas comme tel, mais qui en plus ne croit plus à la duperie selon laquelle son camp serait alternative aux terroristes. Désormais, tous les regards et les espoirs de l’opposition se tourne vers le Hirak.


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