Dominique Strauss Kahn : Chien de garde ou idiot utile ? (article ci-dessous de Pascal Cherki, membre du CN du PS, adjoint au maire de Paris)

samedi 14 juillet 2007.
 

Nicolas Sarkozy propose la candidature de Dominique Strauss-Khan à la tête du FMI et la seule question qui agite le landernau est de savoir si il s’agit d’une manœuvre supplémentaire ou non du Président de la République pour déstabiliser le PS ! Plus incroyable encore le Premier Secrétaire du PS, François Hollande, va même jusqu’à se féliciter qu’un socialiste puisse éventuellement être le candidat de la France et de l’Europe à la tête du FMI déplorant seulement les conditions qui entourent la promotion de cette candidature. On croît rêver ! Et pourtant nous ne rêvons pas.

Ce nouvel épisode traduit la profondeur de la déroute idéologique qui traverse le Parti Socialiste. A aucun moment la question est posée de savoir si il est légitime ou non qu’un socialiste aspire à diriger une des organisations les plus contestées du capitalisme financiarisé. Une organisation qui est responsable de l’exploitation de centaines de millions de travailleurs dans le monde entier.

Une organisation qui a contribué à détruire la régulation publique dans des dizaines de pays dans le cadre d’une politique appelée « Consensus de Washington » qui obligeait les pays qui souhaitaient bénéficier de ses prêts à privatiser leur secteur public, à libéraliser leurs échanges commerciaux et à comprimer leurs dépenses sociales. Le FMI est directement responsable de la désindustrialisation sans précédent qu’a connue l’Amérique latine dans les années 80 et 90.

Le FMI est responsable de la crise financière magistrale qu’ont connues plusieurs économies d’Asie d’abord en les forçant à entrer dans la ronde pernicieuse de la libéralisation des mouvements de capitaux puis en les contraignant à adopter en pleine tourmente monétaire des politiques récessionnistes qui ont plongé des millions de leurs habitants dans la misère.

Dominique Strauss-Khan est candidat à la tête du FMI au moment où celui-ci connaît la plus grave crise de son histoire. La plupart des pays émergents cherchent à rembourser leurs prêts par anticipation pour échapper à la loi d’airain de ses recommandations libérales. Le Brésil de Lula et le Venezuela de Chavez on ainsi épongé leurs dettes et annoncés que dorénavant ils n’entendaient plus avoir recours à l’aide de cette institution. Il en résulte une crise majeure pour le FMI qui se finance principalement sur les intérêts et les commissions des emprunts qu’elle délivre aux pays qui y ont recours. Aussi, en 2006 le FMI affichait une perte.

Curieuse ironie de l’histoire pour une institution qui n’a cessé de prôner le rigueur budgétaire chez les autres...Selon les propres prévisions du FMI ses ressources passeraient de 1,4 milliards de dollars en 2006 à 635 millions de dollars en 2009, soit une baisse de 56% par rapport à 2005 ! Cette crise financière se double d’une crise morale sans précédent puisque le nombre de démissions des économistes du FMI en 2005 a été de 45% plus important que la moyenne des démissions des trois précédentes années. En 2006 la tendance s’est confirmée. C’est pourquoi il y avait tout lieu de se réjouir face à la décrépitude annoncée du FMI qui devrait continuer à décliner faute de « clients » et de ressources financières.

Et c’est à ce moment qu’un socialiste en la personne de Dominique Strauss-Khan est candidat à redorer le blason de cette organisation indispensable au bon fonctionnement de la finance mondialisée... Quel y sera le rôle de Dominique Strauss-Khan ? Chien de garde ou idiot utile, il a ce choix ! Et il n’aura que ce choix tant que les principaux pays qui financent le FMI n’auront pas accepté de remettre en cause la doctrine du "Consensus de Washington", la conditionnalité des prêts de cette institution et un nouveau partage du pouvoir laissant une place plus importante aux pays du sud. On se prépare donc à un changement de casting pour maintenir inchangée la ligne sauf quelques timides inflexions à la marge et en plus on la parera désormais d’une prétendue onction "progressiste" ou "sociale-démocrate".

Qu’un socialiste aspire à diriger cette institution en dit long sur la fuite en avant qui a gagné les rangs de certains de nos dirigeants. Après l’OMC où sévit avec de moins en moins de succès Pascal Lamy, voici maintenant venu le temps du FMI. A quand un socialiste à la tête de l’OTAN ? Décidément, il est grand temps pour le Parti Socialiste de faire sa refondation idéologique !

ps : tous les chiffres sont extraits de l’ouvrage de Christian Chavagneux "Les dernières heures du libéralisme" éditions Perrin, 2007.


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