MODE DE VIE EUROPEEN ? MON CUL, EUT DIT ZAZIE.

mardi 12 novembre 2019.
 

On allait voir ce qu’on allait voir. Enfin débarrassés du jusque là inusable Jean-Claude Juncker, certes aimable pilier de bar, mais aussi et surtout maître tripatouilleur de l’« évitement fiscal », nous allions faire connaissance, à la présidence de la Commission européenne d’une impétueuse cavalière allemande, Ursula Gertrud von der Leyen, qui s’illustra dans son pays en tant que ministre de la famille et de la santé, plutôt progressiste pour une libéro-conservatrice (développement des crèches, congé parental, mariage gay), puis du travail, enfin de la défense, avec moins de succès. Et puis boum : quelques pays membres lui proposent des commissaires aux antécédents pas très clairs (dont la France, le président Macron poussant Sylvie Goulart) qui se font retoquer par le Parlement européen. Une première tuile dont elle peut se remettre, n’en étant pas la principale responsable. Et reboum, elle annonce la création d’un commissariat « à la protection de notre mode de vie européen et aux migrations ».

Un intitulé à faire bondir pour au moins deux raisons. D’abord, l’accolement de la « protection du mode de vie européen » aux migrations, laissant clairement entendre que les migrations constituent une menace pour ce mode de vie qu’il conviendrait de défendre. Quelles migrations sont visées ? Il s’agit de montrer du doigt celles provenant de l’Afrique et du Moyen-Orient, dont le « mode de vie » serait difficilement compatible avec celui, s’il existe, du « modèle européen ». On retrouve là, sous-jacent, un argument développé par l’extrême droite, explicité en France par l’écrivain Renaud Camus ou par le regrettable Eric Zemmour, celui, fantasmatique, du « grand remplacement ». Un autre élément, hélas structurant, concerne le rôle de la religion. Notons à ce sujet l’exception française, qui a choisi, après de longs et parfois violents soubresauts, la voie de la laïcité, ignorée dans la presque totalité des autres pays qui préfèrent parler de liberté religieuse. S’il n’existe plus vraiment de religion d’Etat, la notion d’Europe chrétienne a la vie dure, et reconnait davantage une tradition qu’une réalité, la pratique religieuse, hors certains pays de l’est, régressant régulièrement. Elle permet d’insinuer que les religions d’origine extra-européenne (donc l’islam, car les religions extrême-orientales sont discrètes et ne séduisent qu’un nombre limité d’adeptes européens fans de zen et de méditation plus ou moins transcendantales)

Et plus précisément, plus largement se pose la question : qu’est-ce que le « mode de vie européen » ? Un mode de vie peut se caractériser par une multitude d’éléments, touchant à l’organisation sociale et à la vie quotidienne. La place manque ici pour en faire une analyse exhaustive. Prenons donc quelques exemples que nous espérons significatifs. Au niveau de l’organisation sociale, la famille est considérée partout comme une cellule sociale importante. Sa composition peut certes différer sur certains points, dont l’un, la monogamie est la règle en Europe (mais elle y existe depuis toujours sous la forme « épouse ou époux/maitresse(s) ou amant(s) », même si les cas de « ménages à trois » ou plus sont rares. Les états européens ont toutefois largement réglé cet éventuel problème en proscrivant la polygamie par des dispositions légales. Il en est de même pour les cas de mariages arrangés ou forcés qui sont de tradition dans les « modes de vie » de certains pays. Et qui furent de tradition dans l’aristocratie et la haute bourgeoisie européenne pendant des siècles. Enfin, un autre élément important de l’organisation sociale concerne la vie démocratique. L’Union européenne impose à ses membres un fonctionnement démocratique, et tant mieux. Elle tolère toutefois, bonne fille qu’elle est, des manquements manifestes à ce fonctionnement (les cas actuels les plus voyants concernent notamment la Hongrie et la Pologne). Autre marqueur important de vie démocratique (et qui touche aussi fortement la vie quotidienne), l’égalité entre hommes et femmes, qui n’existe pas dans certains pays générant des mouvements migratoires. Rappelons ici que l’égalité civile en France est une conquête récente (droit de vote des femmes en 1944, droit au compte en banque et au chéquier des épouses et droit d’exercer une profession sans l’autorisation du mari en 1965, substitution de l’autorité parentale à l’autorité paternelle en 1970). Ces principes ne sont pas toujours assimilés et pratiqués dans certaines familles originaires de certains pays (mais aussi, même si moins fréquemment, dans des familles « de souche »). Un effort d’éducation, une information plus intensive des droits des personnes dont la liberté est entravée est nécessaire, et elle ne peut se faire efficacement qu’au niveau des pays membres.

Un mot sur la vie quotidienne : le mode de vie « européen » n’existe pas. On ne mange pas la même chose en Espagne ou au Danemark, on n’y mange pas, on n’y travaille pas aux mêmes horaires. Et pour rester dans le domaine alimentaire, nul ne saurait prétendre que le succès d’alimentations extra-européenne (couscous, plats asiatiques ou indiens…) altère en quoi que soit quelque « mode de vie » que ce soit. On ne pourrait en dire autant, toujours dans le mode alimentaire, des fast food et nourritures transgéniques issues du « mode de vie » américain et qui constituent une menace sanitaire. Petit clin d’œil : ne serait-ce pas contre ce mode de vie là dont il faudrait se protéger ?


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