La Chine classique : principale civilisation de l’histoire humaine sur deux millénaires

mercredi 25 janvier 2023.
 

Un titre aussi affirmatif appelle immédiatement des justificatifs :

* C’est la nation actuelle dont les origines directes remontent aux temps les plus reculés (au moins 3500 ans)

* Elle apporte une expérience humaine très riche dans de nombreux domaines durant une période bien plus longue que l’Egypte, la Mésopotamie, la Perse, la Grèce ou Rome.

* Sa population antique (plus de 50 millions d’habitants) dépasse largement celles de l’Antiquité au Moyen Orient ou dans le bassin de la Méditerranée.

* Elle a longtemps constitué la première économie du monde et l’est redevenue en 2014.

A) Néolithique, riziculture et apparition du mode de production asiatique en Chine

Dans les années 1965 à 1970, la Chine représentait un pôle d’attraction politique et culturel dans les milieux jeunes politisés. Comme bien d’autres, je n’étais pas "maoïste", seulement passionné par cette civilisation, porteuse depuis longtemps d’une conception du monde très différente de celle du monde occidental.

A cette époque, j’ai écouté et développé moi-même des exposés sur l’apparition historique du mode de production asiatique (dans le prolongement des écrits de Marx) dont la Chine archaïque représentait un exemple.

Depuis quarante ans, j’ai logiquement jeté régulièrement un coup d’oeil sur les découvertes archéologiques récentes pour confronter nos anciens dires à celles-ci. Jusqu’à présent, les résultats de ces recherches paraissent plutôt conforter ce que nous disions.

* Oui, le néolithique se développe au plus tard dès le 7ème millénaire avant notre ère au long du Yangzijiang et dans les deltas de la plaine côtière. Des groupes de chasseurs cueilleurs utilisent de plus en plus le riz (qui abonde naturellement dans cette zone) comme ressource vivrière essentielle.

* Oui, la riziculture permet l’augmentation de population qui nécessite elle-même l’amélioration des techniques (houes constitués d’omoplates), la diversification des productions agricoles (haricots, courges...) et de l’élevage (buffle...). Cela entraîne une évolution rapide avec sédentarisation et naissance de sociétés égalitaires fondées sur des villages assurant une prise en charge collective du travail (cultures Hemudu, Majiabang puis Zongze autour du Lac Taihu dans le delta du Yangzijiang). Ces sociétés matriarcales ou au moins matrilinéaires évoluent avec la sédentarisation et la division du travail vers des sociétés patriarcales.

* C’est sans doute vers 3500 ans avant notre ère, qu’apparaissent les systèmes de digues, canaux et irrigation, socs de charrue en pierre permettant une agriculture intensive dans des champs déterminés. Ces premiers grands travaux de construction, maîtrise de l’eau et économie spécialisée vont de pair avec la mise en place progressive des premiers pouvoirs politiques comme structure superposée aux villages agricoles. Il est fort possible que des inondations dévastatrices aient également joué un rôle dans le besoin de structures politiques. La culture Liangzhu ( entre 3400 et 2250 avant notre ère) dans l’actuelle province chinoise du Jiangsu, en est le premier exemple . La division du travail s’accentue avec en particulier l’artisanat du jade. D’immenses habitats groupés de plusieurs kilomètres carrés se constituent dans les différents « royaumes du jade » : cultures Shijiahe, Liangcheng, Taosi.

B) Le Henan : du néolithique aux premières dynasties

Le néolithique chinois est apparu aux mêmes époques (5ème, 4ème, 3ème millénaires avant notre ère) à l’intérieur des terres, au long de cours d’eau, en particulier sur le Huanghe et la Wei. Il semble que le processus de désertification de l’Asie centrale et des steppes mongoles a rabattu des populations importantes vers les vallées (comme en Egypte). Les populations concernées présentent donc des caractéristiques physiques mongoloïdes. La concentration humaine les oblige à dépasser le stade de la chasse et de la cueillette. Elles pratiquent dans les zones de passage entre Asie centrale et plaine côtière du Pacifique, une pré-agriculture (basée sur le millet), de l’élevage (poulet, porc, chien) et connaissent la céramique pour la conservation des aliments.

Du 6ème millénaire avant notre ère au début du 3ème millénaire, diverses cultures de proto-agriculteurs donnent naissance à la culture de Yangshao dans le Henan et le Shaanxi (toujours près du Fleuve Jaune) puis à celle de Longshan, en aval (Henan, Shandong). Les découvertes archéologiques les concernant correspondent bien aux plus anciens mythes chinois : organisation sociale fondée sur de très nombreux villages qui procèdent collectivement à de la culture sur brûlis, peu de différenciations sociales au sein du village (constructions rondes ou rectangulaires sur ossature bois), nourriture basée sur le millet (mais aussi le choux, la chasse, la cueillette, la pêche...), poteries peintes diverses (bols, cruches, jarres, urnes...), textiles, vannerie.

Cette civilisation a-t-elle débouché, du néolithique à l’âge du bronze, sur la mise en place d’un (ou plusieurs) pouvoir politique superposé aux villages ? Il semblerait que oui d’après les fouilles sur plusieurs sites avec par exemple un véritable palais à Erlitu.

C) Les premiers souverains chinois sont caractéristiques d’un type de société

Les souverains des premières dynasties (3 augustes, 5 empereurs, début des Xia) remontant au 3ème millénaire avant notre ère ne furent probablement que des princes locaux, passés à la postérité de façon mythifiée. Cependant, ce mythe lui-même, stabilisé bien avant les Evangiles, ne manque pas d’intérêt. Par exemple, le don divin suprême se nomme l’Efficace. Le mythe chinois des origines part d’un couple, la femme (Nuwa) imposant la paix des Dieux et créant l’humanité à partir de statuettes d’argile alors que l’homme (Fuxi) invente les premiers signes d’écriture, le calendrier, le travail du métal, l’élevage, la pêche, la construction de maisons.

Tous les grands souverains de la Chine archaïque sont des héros civilisateurs

Les mythes des dynasties Xia puis Shang, reposent de façon importante sur le rôle des souverains dans la maîtrise de l’eau et dans la métallurgie du bronze.

C) Quelques remarques sur la religion et la culture chinoises de l’Antiquité

Le clergé jouait un rôle important dans les grandes civilisations du Proche-Orient antique (Egypte, Mésopotamie, Perse, Hittites, Hébreux) de même en Inde, au Cambodge, au Tibet, en Gaule, chez les Incas et les Aztèques.

Dans la Chine antique, il n’existe pas de clergé. Le culte est collectif, essentiellement pratiqué au niveau de la famille et du village. Nous imaginons assez facilement le rôle de la maison abritant les cinq divinités de chaque famille (le Dieu du sol familial, le fourneau, le puits, la porte extérieure, les portes intérieures). Nous imaginons assez facilement aussi l’importance du village agricole (li) d’environ 25 familles, nommé par son "Dieu du sol enregistré", avec sa fête annuelle du sacrifice au dieu du sol où la viande des animaux tués est partagée "très équitablement" (Tchen Ping 178 av notre ère). "Les dieux du sol cantonaux relèvent du peuple, chacun d’eux devant recevoir des sacrifices aux frais privés de la population" (Kao tsou, 205 avant notre ère).

A partir du premier millénaire, une division administrative se superpose aux villages : l’arrondissement ou sous-préfecture. Elle compte environ 2500 familles et vénère son propre dieu du sol. Même à ce niveau, le culte reste collectif, civique, sans aucun clergé « Dans les commanderies et dans les sous préfectures on établit des dieux du sol et des moissons ; c’était (dans la commanderie) le gouverneur, et (dans la sous préfecture) le sous préfet (19) qui présidaient aux sacrifices ; les victimes qu’on offrait étaient un mouton et un porc". Au niveau du pays, on distingue le Grand dieu du sol (dieu supérieur des dieux du sol) et le Dieu du sol impérial (spécifique à l’empereur).

Edouard Chavannes a écrit au début du 20ème siècle un livre magnifique sur l’importance du Dieu du Sol dans la culture chinoise antique pour laquelle "la terre est en dernière analyse l’origine de tous les biens dont l’homme peut jouir".

L’innombrable paysannerie chinoise fait corps avec la terre et ses dieux du sol. Le Ciel perd inévitablement son rôle souverain. Dans son ouvrage intitulé "La Chine classique", Ivan Kamenarovic insiste sur le rôle dévolu à l’homme dans la culture chinoise dès cette époque et sur "la rationalité dont elle est porteuse". "D’adorateur de déités symbolisant les éléments qui le dépassent (Ciel, Terre, Vents, Sources...), l’homme chinois a progressivement accédé au statut de membre d’une trinité Ciel Terre Homme, au sein de laquelle il a un rôle important à tenir. Il est une force équilibrante, un révélateur, un assesseur. Contenant en lui-même les lois qui président au fonctionnement de toutes choses, il a le devoir, et par conséquent le pouvoir, de participer à l’harmonie du monde... De Divinité supérieure à laquelle s’adressent demandes et supplications, le Ciel est peu à peu devenu une entité naturelle... La morale ne va plus consister à suivre les instructions ou les volontés dictées par les divinités... mais à comprendre et appliquer les règles incontournables du fonctionnement de toutes choses".

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