Histoire du capitalisme : expropriation, spéculation, colonisation, oppression, mondialisation

lundi 6 février 2023.
 

A) Caractéristiques du capitalisme

A1) Eléments de définition du capitalisme

- La grande majorité des besoins humains y sont couverts par des entreprises vendant leurs produits sur un marché globalement concurrentiel,

- Les entreprises poursuivent une exploitation rationnelle à but lucratif avec un compte en capital (Max Weber)

- La classe dominante appelée bourgeoisie comprend les propriétaires privés du capital, des grands moyens de production et d’échange. Elle représente la classe dominante économiquement, politiquement et idéologiquement.

- Les humains qui assurent le travail productif dans ces entreprises reçoivent un salaire comme prix de leur force de travail. Pour Marx, la propriété privée des moyens de production et la généralisation du salariat constituent les deux caractéristiques fondamentales du capitalisme. Dans ce mode de production, le rapport social essentiel se situe entre capitalistes et prolétaires, source de son dynamisme mais aussi conflit latent inévitable.

- Dans ce système économique et social, le marché connaît le moins possible de limitations

- Cette forme d’économie et de société connaissant sans cesse des crises, le capitalisme a besoin d’un Etat assurant les conditions de sa pérennité dont un système juridique rationnel adapté ainsi que la protection et l’élargissement de son marché national

- Pour Adam Smith, théoricien originel du libéralisme économique, la richesse des nations repose en premier lieu sur une épargne abondante mise au service du travail productif et, ensuite, dans le développement des marchés et la liberté des échanges.

A2) Mode de production capitaliste et formations sociales particulières

Le mode de production capitaliste peut être analysé au travers d’un certain nombre de caractéristiques générales.

Il est cependant important de tenir compte :

- de la période historique concernée. Du capitalisme marchand de la Renaissance au capitalisme monopoliste, du capitalisme national au capitalisme mondialisé d’aujourd’hui, les évolutions sont évidentes

- des formations sociales spécifiques de chaque pays. Ainsi, plusieurs facteurs historiques expliquent le maintien en France pendant longtemps de couches petites bourgeoises (paysans, artisans, petits commerçants) déjà largement laminées en Angleterre. Même la domination bourgeoise peut présenter des différences importantes, par exemple entre les pays anglo-saxons et la France.

- de la place de tel ou tel pays dans le contexte international. Un capitalisme dominant comme celui des USA ou de l’Allemagne en Europe présente des différences importantes avec un capitalisme dominé comme celui du Mexique ou de la Grèce en Europe. L’analyse de la formation sociale est particulièrement importante pour des pays, effectivement capitalistes mais anciennement colonisés et spécialisés par exemple dans telle ou telle monoculture.

- du fait qu’un mode de production, même dominant, n’élimine jamais totalement des modes de production dominés, dans la réalité économique (la production agricole autarcique s’est longtemps maintenue en France) comme dans les superstructures politiques (royauté, chambre des pairs...) et idéologiques.

A3) L’apport de Marx

Le Capital commence par une analyse de la marchandise, non parce que la marchandise serait la spécificité du capitalisme dans l’histoire mais parce qu’avec lui, tout devient progressivement marchandise. Pour le rédacteur du Manifeste communiste « la marchandise contient toutes les tempêtes du mode de production capitaliste » (surproduction, mévente, crise monétaire...), en raison particulièrement de la contradiction entre valeur d’usage et valeur d’échange.

Il insiste sur le fait que les capitalistes ne sont pas seulement propriétaires privés des moyens de production ; ils ont aussi par la généralisation du salariat le moyen de faire fructifier la valeur de leur capital. Quand un capitaliste achète la force de travail d’un salarié pour 8 heures et que celui-ci a créé une valeur correspondante à son salaire en 5 heures, les trois autres heures servent à générer un surplus social, une plus-value appropriée par l’entreprise (employeurs et actionnaires).

Les trois principaux apports de Marx me paraissent être :

- l’analyse du capitalisme comme un mode de production, c’est à dire un type de société (avec ses caractéristiques économiques, politiques, juridiques, idéologiques, culturelles) plus qu’une seule réalité économique facilement modulable, réformable ou remplaçable.

- l’analyse des tendances fondamentales et des contradictions de ce mode de production, en particulier le fait qu’il se développe toujours dans une situation d’équilibre instable en transformation concurrentielle permanente

- des pistes judicieuses sur les conditions de lutte dans ce contexte.

B) Naissance et développement du capitalisme

B1) Moyen Age : des prémices capitalistes jugulés par la féodalité

Aux 11ème et 12ème siècles, l’Europe occidentale bénéficie d’un petit réchauffement climatique propice à de meilleures récoltes, à un accroissement de population. Le développement de petites villes va de pair avec celui d’activités artisanales et commerciales. Quelques progrès techniques contribuent aux balbutiements d’une nouvelle société que Marc Bloch caractérise comme "la première poussée capitaliste". Personnellement, je préfère écrire qu’il s’agit d’une période de poussée des forces productives (récoltes, démographie, techniques), de progrès marchand, urbain et communal dans un cadre féodal resté dominant.

Aux 13ème, 14ème et partiellement 15ème siècles, ce cadre féodal resté dominant trouve les ressources pour casser les germes qui pourraient le tuer. Il est aidé en cela par un nouveau refroidissement du climat, par des famines, épidémies et guerres qui cassent le progrès démographique et les échanges. La société occitane qui paraissait la plus avancée pour une sortie économique, politique et idéologique de la féodalité est cassée par le génocide de la Croisade des Albigeois.

Eté 1209 Cathares et civilisation occitane sont assassinés par les croisés SS assoiffés de sang assemblés par le pape

Tous les mouvements populaires et bourgeois urbains sont également écrasés :

Moyen Age : De 1378 à 1385, une période de luttes, révoltes et soulèvements

Il est vrai que les régions bénéficiant du commerce international (par exemple l’Italie du Nord qui attire les métaux précieux extraits en Afrique) subissent moins cette réaction féodale, d’où une certaine vitalité économique, culturelle, politique et monétaire des cités. Ainsi, des monnaies d’or pur (3,6 grammes) sont fondues en 1252 pour Gênes (ducat) et Florence (florin), en 1284 pour Venise. Ceci dit, le contexte européen contribue à briser toute expérience risquant de déstabiliser trop le système en place.

Florence au 14ème siècle : république bourgeoise et révolte des ciompi

Une région comme la Bohême, en avance quant à l’extraction des métaux, l’artisanat, l’urbanité, la culture, le développement d’une bourgeoisie... est également foudroyée.

Hussites et taborites tchèques : plus importante révolution du Moyen Age européen

B2) Le tournant du 16ème siècle : conditions de la naissance du capitalisme

La conquête du monde par les Européens présente dès le début un caractère totalitaire à but essentiellement économique prédateur. Leurs premiers esclaves noirs sont achetés sur la côte sahraouie en 1441 par des Portugais.

Au 16ème siècle, les plantations d’Amérique (espagnoles, anglaises, françaises, portugaises) ont besoin de main d’oeuvre pour remplacer les indios anéantis par le génocide. Aussi, la traite atlantique prend un premier essor important. C’est alors qu’une économie pré-capitaliste commence à apparaître réellement dans certaines régions d’Europe occidentale. Le mot "capital" pour nommer une accumulation de richesses date du même moment.

Des individus sans scrupules exproprient des familles de leurs terres et de leurs maisons pour accroître leur richesse. Avec l’argent ainsi gagné, ils exproprient d’autres familles et ainsi de suite. Ce processus basé sur l’expropriation, la circulation monétaire et les échanges commerciaux est rendu possible au 16ème siècle :

- par l’afflux de métaux précieux suite à la conquête de l’Amérique latine

- par l’amélioration des techniques de navigation et de transport

- par la naissance d’Etats nationaux qui apportent au pré-capitalisme des forces de répression nombreuses et impitoyables

Le processus d’accaparement des richesses par expropriation prend des formes diverses.

B3) L’exemple portugais

Les manuels scolaires vantent la prouesse de l’amiral Vasco de Gama, premier européen à avoir doublé le Cap de Bonne Espérance puis atteint les Indes. Ils oublient de signaler son but commercial (route des Indes) et ses méthodes sanguinaires pourtant vantées à l’époque par forfanterie anti-musulmane.

S’appuyant sur ces documents, Roman Rosdolsky définit l’expédition de 1502 avec 21 vaisseaux comme « une sorte de croisade de marchands de poivre, de girofle, de cannelle. Elle est marquée par d’épouvantables atrocités ; tout semblait permis contre des musulmans abhorrés... Incendies et massacres, destruction de riches cités, vaisseaux brûlés avec leurs équipages, prisonniers égorgés dont les mains, le nez et les oreilles sont envoyés par dérision aux rois "barbares"... »

B4 L’exemple anglais

Les seigneurs se créent de vastes domaines enclos, chassant les paysans qui vivaient là (en particulier grâce aux communaux à présent spoliés). Cette accumulation primitive de terres permet aux "propriétaires" de développer l’élevage du mouton, l’industrie lainière étant en plein développement. Des centaines de milliers de ruraux sombrent dans la misère la plus noire. Le soutien de la justice et des forces de l’ordre à ce vol à grande échelle provoque évidemment des réactions. L’Etat sévit alors avec la plus extrême violence à la première réticence (environ 70000 exécutions de 1544 à 1547). Pour survivre, les pauvres ne disposent plus que de la mendicité ; c’est tout bénéfice pour les pré-capitalistes qui peuvent ainsi trouver une main d’oeuvre très bon marché.

L’humaniste Thomas More, chancelier d’Angleterre de 1529 à 1534, a bien résumé cette situation "Partout où la propriété est un droit individuel, où toutes choses se mesurent par l’argent, là on ne pourra jamais organiser la justice et la prospérité sociales, à moins que vous n’appeliez société où ce qu’il y a de meilleur est le partage des plus méchants, et que vous n’estimiez parfaitement heureux l’Etat où la fortune publique se trouve la proie d’une poignée d’individus insatiables de jouissances, tandis que la masse est dévorée par la misère". En prononçant de telles paroles, Saint Thomas More ne pouvait que mourir sur l’échafaud.

Thomas More (décapité le 6 juillet 1534) dénonce la naissance du capitalisme "Ces riches détestables, avec leur insatiable avidité, se sont partagé ce qui devait suffire à tous"

B5) L’exemple espagnol

Au 16ème siècle, l’Espagne devient la principale puissance européenne et mondiale grâce aux revenus tirés de la conquête de l’Amérique latine. Les métaux précieux extraits des mines irriguent l’économie européenne et permettent l’accumulation de capitaux, point de départ du capitalisme financier. Les Indios n’étant pas considérés comme des humains, il leur est demandé un travail qui s’apparente à une mise à mort. " La puanteur des cadavres morts dans les mines fut si grande que cela amena la Peste, surtout aux mines de Huaxicán, une demi-lieue aux alentours desquelles à peine il n’y avait place pour marcher ailleurs que sur des cadavres ou des ossements..." (témoignage du moine franciscain Motolinia, MEMORIALES, éditions UNAM, Mexico 1971, page 29).

Sur un million d’autochtones à Cuba, il n’en reste pas un seul en deux générations, sur 25 millions d’habitants au Mexique il en reste un million, sur 80 millions dans l’ensemble des Amériques, il en reste dix.

Conquête de l’Amérique latine : Y a-t-il eu génocide des Indiens par les conquérants espagnols ?

B6) Un exemple familial en Allemagne : les Krupp

Le premier Krupp (Arndt), prospère durant la Peste noire (fin 16ème siècle) en profitant sans vergogne des malheurs des autres. Il accapare surtout des biens mobiliers suite à des décès. La richesse des Krupp naît de formes dures d’expropriation et d’exploitation comme le premier développement du capitalisme.

Le deuxième Krupp, prénommé Anton, s’enrichit durant la Guerre de Trente Ans en fabriquant et vendant des armes à feu aux Protestants comme aux catholiques.

Le troisième Krupp, Georg, fait fortune grâce à ses dons d’usurier sans scrupule.

Ces trois initiateurs de la dynastie Krupp résument bien les conditions de la réussite capitaliste : profiter des autres, profiter du moment, ne pas être bridé par une éthique quelconque...

A la fin du 17ème siècle, les Krupp sont déjà considérés comme "les rois sans couronne" d’Essen.

C) Colonisation et expropriation, moteurs du développement capitaliste

Même à une époque où le commerce international représente une partie infime du produit des sociétés, il joue un rôle très important dans le décollage capitaliste car il permet des possibilités d’expropriation (colonisation) et une rentabilité financière attractives et décisives dans l’accumulation primitive du capital.

Nous avons vu plus haut comment la gentry anglaise a expulsé les paysans des terres qui les faisaient vivre avec la bénédiction philosophique des fondateurs du libéralisme comme John Locke. Ces paysans évincés sont à présent disponibles pour fournir des salariés en Angleterre mais aussi des colons pour conquérir des comptoirs commerciaux en Amérique, en Afrique, en Asie... Prenons une première expédition sur le site accueillant de Jamestown (plus ancien établissement fixe des Anglais en Amérique) ; le 30 août 1608, les Indiens sont tués, bientôt leurs femmes égorgées et les enfants noyés ; dès lors, la production de tabac peut se développer rapidement sur des territoires expropriés ; pour accroître la rentabilité, il suffit de razzier des noirs sur les côtes africaines et de les faire travailler du matin au soir pour un bol de riz sur les plantations de tabac, toujours une logique d’expropriation. Quand les terres de l’Est sont saturées de colons, reste encore la possibilité de tuer les Indiens de l’Ouest ou les exproprier, rien de plus facile pour quelque peuple dispose de canons et de winchesters : toujours l’expropriation. Et ainsi de suite.

Le développement du capitalisme n’est donc pas le fruit d’une quelconque supériorité intrinsèque du type d’économie de marché capitaliste mais d’expropriations et exploitations éhontées, y compris sous des formes inattendues. Au milieu du 16ème siècle, l’économie anglaise suffoque par manque de capitaux ; la piraterie au détriment des galions espagnols revenant d’Amérique s’avérant rentable, des sociétés par actions de piraterie se développent ; celle de Francis Drake lancée avec un placement de 5000 livres sterling rapporte rapidement 600000 livres ; sous le règne de la reine Elisabeth, c’est environ 12 millions de livres que la piraterie fait entrer en Angleterre ; le manque de capitaux se transforme en abondance de capitaux qui peuvent relancer d’autres expropriations et exploitations... et ainsi de suite.

De grands historiens comme Fernand Braudel ont bien vu le rôle décisif du "commerce au loin" dans l’accumulation primitive de capital et de richesses qui permet le démarrage du mode de production capitaliste.

C1) Indonésie

Dès le 16ème siècle, sa richesse en fait un grand enjeu entre puissances coloniales (Portugais, Espagnols, Hollandais, Anglais). Ce sont les Hollandais qui s’imposent au 17ème siècle avec leur Compagnie des Indes orientales, pour laquelle l’Etat joue un rôle décisif (fusion de petites compagnies, soutien militaire très important...).

Par la confiscation de terres et le travail forcé, la Vereenigde Oostindische Compagnie développe la culture et la vente de la girofle, muscade, canelle et de bois exotiques. Cent cinquante navires marchands déchargent leurs précieuses cargaisons à Amsterdam ; les dividendes annuels versés aux actionnaires de la compagnie atteignent alors parfois soixante-dix pour cent l’an.

Indonésie : colonisation, Soekarno, génocide de 1965

C2) La "Traite" et l’esclavage en Amérique

Du 16ème au 19ème siècle, environ 11 millions d’Africains sont transplantés comme esclaves dans les colonies d’Amérique.

Cet esclavage dans de grandes plantations s’est développé aux Amériques pour répondre à trois intérêts économiques :

- celui des états mercantilistes européens qui voulaient importer des denrées coloniales au moindre prix sans les acheter à un pays concurrent

- celui des colons uniquement soucieux d’amortissement et de rentabilité

- celui des négociants du grand commerce et armateurs maritimes dont la rapidité d’enrichissement par ce commerce reste célèbre

La période faste de la traite se situe entre 1676 et 1800 avec 6600000 captifs déplacés d’un continent à l’autre. Les concentrations principales de rencontraient aux Etats Unis (3950000), au Brésil (1510000), dans les Antilles françaises et anglaises (1120000). De 1676 à 1800, les principales nations négrières furent par ordre décroissant : l’Angleterre, le Portugal, la France, la Hollande...

Le caractère absolument ignoble de la traite est suffisamment connu pour ne pas y insister, ignoble quant aux conditions de la traversée (plus de 10% de morts), quant aux conditions de travail et de vie sur les plantations. Pour ce texte, le point essentiel consiste dans le rôle central de l’esclavage dans le développement du capitalisme, y compris en France pour quiconque étudie par exemple la structure de la bourgeoisie capitaliste en 1789.

C3) Indes britanniques

Depuis l’Antiquité, l’Inde bénéficiait d’un réseau artisanal et pré-industriel actif et diversifié, d’où une balance commerciale favorable et une accumulation de métaux précieux la plus importante du monde. Dès le 18ème siècle, l’exploitation anglaise casse cette prospérité et provoque un appauvrissement net de l’Inde.

A l’époque où Londres s’approprie le territoire et y développe une colonisation économique et politique (19ème siècle à partir de 1833), la Compagnie anglaise des Indes n’est en fait qu’un organisme politique servant de relais aux décisions prises par le gouvernement britannique.

Le "libéralisme" anglais détruit l’économie autochtone par une concurrence déloyale systématique appuyée sur leur hégémonie militaire. Le coton brut des Indes part pour Manchester pour produire des vêtements puis revient pour être vendu à un prix très bas aux Hindoux. L’industrie et l’artisanat autochtones s’effondrent, de même pour les constructions navales, la branche du luxe...

« Les hommes d’affaires anglais faisaient aux Indes des fortunes colossales, puis, revenus en Angleterre, les investissaient dans des entreprises. C’est ainsi que s’édifia la puissante industrie britannique, avec l’aide de capitaux gagnés sur le peuple indien... ; l’Angleterre devint, grâce à son empire indien, la plus grande puissance industrielle du monde. » ( Histoire de l’Inde, Jacques Dupuis)

D) Révolution industrielle, colonisation et hégémonie européenne mondiale

Le démarrage de l’économie européenne plus tôt, plus vite, plus puissamment que l’Afrique, l’Inde, la Chine ou l’Amérique du Sud a été expliquée par des économistes sur la base de causes complémentaires à la force militaire et aux processus d’expropriation. Je ne récuse pas ces raisons économiques (comme la proximité de charbon et fer près des zones de peuplement et de développement) et politiques (états royaux) mais maintient que l’accumulation primitive et le démarrage sont indissociables des processus d’expropriation.

D1) Economie et culture

J’ajoute un cause culturelle à cette avance économique européenne, déjà étudiée par certains économistes et sociologues. Dans des pays où le mode production asiatique a longtemps été dominant et a laissé des traces importantes, subsistait en particulier une "éthique de la subsistance" qui plaçait le droit à la vie très haut dans la culture collective (confucianisme...) et imposait des obligations aux dominants vis à vis des paysans. Aussi, comme le note bien James Scott, "la réaction aux empiètements du marché est structurée par une certaine conception de la justice sociale, celle de la garantie de la sécurité collective comme droit à la survie". Le christianisme européen n’a pas joué ce rôle de protection des milieux populaires contribuant même souvent à justifier toutes les pires ignominies des dominants.

Le même constat a été fait en Afrique avec ce qui a été caractérisé par Goran Hyden comme une "économie de l’affection" « prenant en compte les liens affectifs fondés sur l’ascendance commune, la résidence commune... » d’où le choix privilégié d’une agriculture de subsistance plutôt que l’intégration dans des circuits de marchandisation dans lesquels ils savent par expérience être généralement les dindons de la farce capitaliste.

D2) Colonisation et domination européenne du monde

Nous venons de voir le lien entre colonisation des Indes et révolution industrielle anglaise. Dans son livre très documenté La naissance du monde moderne (1780-1914), C. A. Baily donne les éléments fondamentaux suivants concernant cette complémentarité :

- l’expansion d’un système esclavagiste de plantations reposant sur la confiscation de main d’oeuvre et de richesses permit de s’approprier à bon compte de vastes provinces agricoles.

- durant le 18ème siècle, d’énormes quantités de bois d’oeuvre destinées à la construction navale furent coupées... dans le Grand Nord sibérien, en Amérique du Nord, Indes, Birmanie, Australie.

- les denrées alimentaires en provenance des îles Caraïbes, de l’Atlantique et des Amériques (sucre, poisson riche en protéines...) contribuèrent à nourrir la population urbaine croissante. Aussi, le nombre d’habitants progresse beaucoup plus vite en Europe qu’en Chine, Inde ou Moyen Orient

- les pays européens exportent vers leurs colonies des populations excédentaires et réduisent ainsi nettement les problèmes dus à une densité trop importante de population.

D3) La révolution industrielle en Europe

Elle présenta un caractère ignoble quant aux conditions de travail et de vie imposées au prolétariat qui travaillait pour les entreprises stimulant et profitant de cette "révolution industrielle". Pour ne pas être trop long, je renvoie à quelques textes mis en ligne sur ce site :

Parties E, F et G non encore mises en ligne

Conclusion) Le capitalisme, une étape transitoire dans l’histoire humaine

Les humains ont vécu dans des sociétés très différentes au cours de leur longue histoire. En voici quelques exemples majeurs :

- communautés primitives prélevant leur nourriture sur la nature par la pêche et la chasse

- clans et tribus nomades

- villages agricoles (avec propriété collective des terres) payant un tribut à un pouvoir supérieur

- cités (Rome, Athènes, Carthage...) dans lesquelles des esclaves assuraient l’essentiel du travail productif, les citoyens s’occupant de guerre et de politique

- seigneuries médiévales où les serfs travaillaient, les seigneurs guerroyaient et s’amusaient, les religieux priaient

Aujourd’hui, le capitalisme est devenu dominant sur toute la planète. Saurons-nous construire un autre monde avant que les guerres, les crises, les injustices et les pollutions ne mettent l’humanité en danger ?

Economie morale :

http://www.persee.fr/doc/criti_1290...


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