Contre l’esclavage. Pour la liberté de Biram Dah Abeid

jeudi 6 décembre 2018.
 

Le 2 décembre, c’est la journée mondiale pour l’abolition de l’esclavage. Ce ne peut être une date sans écho en moi. Je fais parler mes souvenirs d’abord. Ainsi, pendant la campagne présidentielle j’ai consacré une halte et un discours sur le sujet le 4 février 2017 dans le village de Champagney. Un village qui avait demandé en 1786 dans une lettre au roi, l’abolition de l’esclavage des noirs dans les colonies françaises. Le 4 février, c’est un jour symbolique. C’est en effet le 4 février 1794 que l’esclavage fut aboli la première fois. « Périssent les colonies plutôt qu’un principe » avait proclamé Robespierre face aux prêcheurs du réalisme économique, les modérés ennemis de la terreur, qui voulaient maintenir l’esclavage. Le message est vivant en nous, insoumis. La figure de l’esclave est une brulure. Le député Jean-Hugues Ratenon, député insoumis de la Réunion, a déposé une proposition de loi pour faire du 4 février une journée de commémoration et de célébration.

Mais il ne faudrait pas faire de cette question un problème du passé. L’esclavage n’est toujours pas un sujet du passé. Cette pratique perdure à travers le monde sous différentes formes. L’esclavage sexuel, sous la contrainte, est tellement répandu encore. De même que l’esclavage pour dette ou le travail forcé dans de nombreuses mines, ateliers, champs ou fabriques.

L’organisation internationale du travail estime que 21 millions de personnes à travers le monde sont réduite en esclavage. Elle précise que cette estimation est probablement en dessous de la réalité. Un quart d’entre eux seraient des enfants. Dans 22% des cas, cela concerne l’exploitation sexuelle, pour 68% une exploitation économique et 10% des esclaves travaillent dans des institutions étatiques, prisons ou armées ou pour des groupes rebelles armés.

L’esclavage reste une activité extrêmement lucrative. Il rapporte 150 milliards de dollars de profits à travers le monde. C’est autant que les profits des 4 sociétés les plus rentables du monde. Selon cette estimation, l’exploitation sexuelle rapporte 99 milliards de dollars, l’esclavage dans la construction, l’industrie ou les mines 34 milliards d’euros, 9 milliards d’euros dans l’agriculture et 8 milliards d’euros pour l’esclavage domestique.

Pour lutter contre cette atteinte aux droits humains les plus fondamentaux, l’organisation internationale du travail préconise d’augmenter le socle de protection sociale pour que les travailleurs ne soient pas obligés de contracter des emprunts abusifs en cas de perte d’emploi. Il propose de renforcer les droits syndicaux ou de procéder à des régularisations envers les sans-papiers. D’autant que dans certains cas, les gouvernements nationaux ferment les yeux sur des pratiques.

C’est précisément l’objet de Biram Dah Abeid en Mauritanie. Ce militant pour l’abolition de l’esclavage dénonce le déni des autorités dans son pays. Celles-ci se cachent sur l’abolition légale de l’esclavage pour faire semblant de ne pas voir que la pratique perdure encore dans le pays. En 2008, Biram Dah Abeid a fondé l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste, un mouvement de lutte populaire contre l’esclavage.

Depuis, il est persécuté par le gouvernement. Il est actuellement en prison pour la troisième fois, sous le faux prétexte d’une plainte pour harcèlement émanant d’un journaliste. Depuis sa prison, il a été élu député en septembre 2018. La répression qui s’abat contre son combat exemplaire montre que l’abolition de l’esclavage est toujours un objet de lutte.

En France non plus, l’esclavage n’a pas disparu. Le comité contre l’esclavage moderne vient ainsi en aide à des centaines de personnes chaque année, principalement des victimes de l’esclavage domestique. Le schéma est toujours le même. La famille esclavagiste fait miroiter à une famille étrangère des papiers et une scolarité française pour leur fils ou leur fille en échange de travail domestique. Une fois arrivé en France, la victime voit ses papiers confisqués, est affamée, menacée, frappée, insultée jusqu’à ce qu’elle perde tous ses repères. Elle est ensuite exploitée 15 à 16 heures par jour sans rémunération ni liberté. L’esclavage existe aussi en France dans le cadre des réseaux de mendicité forcé. Il concerne pour un tiers des enfants et pour les trois-quarts des femmes ou des filles. On comprend le lien qu’il y a entre l’esclavage moderne et les migrations forcées et l’absurde traque organisée contre les travailleurs sans papiers. Ainsi, dans notre pays, le combat pour l’abolition effective continue, plus de deux siècles après que les révolutionnaires l’ont proclamée. Et notre devoir d’insoumis est de maintenir sans cesse en alerte la flamme de la conscience sur ce sujet.


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