Les Gilets Jaunes sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social

mardi 27 novembre 2018.
 

par Annick Coupé, Patrick Farbiaz, Pierre Khalfa et Aurélie Trouvé

La colère sociale a trouvé avec le mouvement des Gilets Jaunes une expression inédite. Le caractère néo poujadiste et anti fiscaliste qui semblait dominer il y a encore quelques semaines et les tentatives d’instrumentalisation de l’extrême droite et de la droite extrême ont été relativisés par la dynamique propre du mouvement, qui s’est considérablement élargi, et la conscience que les taxes sur l’essence étaient la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Quelques dérapages homophobes ou racistes, certes marginaux mais néanmoins détestables, et des incidents quelquefois graves n’en ternissent pas le sens. Ce mouvement d’auto-organisation populaire fera date et c’est une bonne nouvelle.

Le mouvement des Gilets Jaunes est d’abord le symptôme d’une crise généralisée, celle de la représentation politique et sociale des classes populaires. Le mouvement ouvrier organisé a longtemps été la force qui cristallisait les mécontentements sociaux et leur donnait un sens et un imaginaire d’émancipation. La puissance du néo libéralisme a progressivement affaibli son influence dans la société en ne lui laissant qu’une fonction d’accompagnement des régressions sociales.

Plus récemment, le développement des réseaux sociaux a appuyé cette transformation profonde en permettant une coordination informelle sans passer par les organisations. L’arrogance du gouvernement d’Emmanuel Macron a fait le reste avec le cynisme des dominants qui n’en finit pas de valoriser les premiers de cordée, contre ceux qui fument des clopes et qui roulent au diesel.

Les Gilets Jaunes sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social. Ces échecs se sont accentués depuis la bataille de 2010 pour les retraites jusqu’à celles de la loi travail et de la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) et ils ont des raisons stratégiques toutes liées à l’incapacité de se refonder sur le plan politique, organisationnel et idéologique, après la guerre froide, la mondialisation financière et le refus de tout compromis social par les classes dirigeantes. Nous sommes tous comptables, militants et responsables de la gauche politique, syndicale et associative, de ces échecs.

Dans cette situation mouvante, la réponse de la gauche d’émancipation doit être la politisation populaire. C’est sur ce terreau qu’il nous faut travailler à la refondation d’une force ancrée sur des valeurs qui continuent à être les nôtres, égalité, justice fiscale, sociale et environnementale, libertés démocratiques et lutte contre les discriminations. Le mouvement des Gilets Jaunes se caractérise par une défiance généralisée vis-à-vis du système politique, en particulier vis-à-vis des partis et des syndicats.

On ne combattra pas cette défiance, ni l’instrumentalisation par l’extrême droite, ni le risque d’anti fiscalisme, en pratiquant la politique de la chaise vide ou en culpabilisant les manifestants. Il s’agit bien au contraire de se donner les moyens de peser en son sein et de gagner la bataille culturelle et politique à l’intérieur de ce mouvement contre l’extrême droite et les forces patronales qui veulent l’assujettir.

Deux questions sont posées par ce mouvement, celui de la misère sociale grandissante, notamment dans les quartiers populaires des métropoles et les déserts ruraux ou ultra périphériques, et celui de la montée d’une crise écologique et climatique qui menace les conditions d’existence même d’une grande partie de l’humanité et en premier lieu des plus pauvres.

Il faut répondre à ces deux questions par la conjonction entre un projet, des pratiques sociales et une perspective politique liant indissolublement la question sociale et la question écologique, la redistribution des richesses et la lutte contre le réchauffement climatique. L’ancrage d’une gauche émancipatrice dans les classes populaires est la condition première pour favoriser une coalition majoritaire pour la justice sociale et environnementale.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message