La guerre est un phénomène très complexe dans lequel les aspects stratégiques sont étroitement liés à la politique et à l’économie. C’est à partir de celles-ci qu’on peut expliquer l’origine, le développement et les conséquences qui découlent des résultats obtenus. Mais les complications qu’elle entraîne viennent aussi de ses aspects opérationnels et tactiques qui se révèlent dans le processus même du combat ou en d’autres termes, dans la manifestation guerrière du conflit armé.
On a l’habitude de penser que les troupes qui participent directement aux hostilités jouent le rôle principal dans le déroulement de celles-ci et bien que ce soit indiscutable, il n’est pas moins certain que sans les soutiens opérationnels qui permettent la réussite des combats, la victoire serait difficilement obtenue.
Il y a de soutiens opérationnels de toutes sortes : ceux de caractère combatif qui vont faciliter la prise de décision du chef et l’exécution du commandement pendant les opérations. Bien qu’ils soient variés, les plus importantes d’entre elles sont l’information et le renseignement en plus des communications et de l’ingénierie. Sur un autre plan, souvent très sous-estimés parce qu’ils se situent souvent loin du front, se trouve la logistique : médecins, vivres, habillement, combustible, armes et autres sans lesquels on ne pourrait pas non plus garantir le succès de la bataille.
J’ai fait ces réflexions après avoir eu connaissance de l’information disant qu’un bateau hôpital de l’Armée des Etats-Unis USNS Comfort va se rendre en Colombie pour y accomplir des « tâches humanitaires » en faveur des émigrants vénézuéliens. Il faut être trop naïf ou trop bête, pour croire cela. Etant donné ce qui a précédé, le Comfort, comme tous les bateaux de l’armée des Etats-Unis, accomplit des missions dans la logique guerrière pour garantir les soins médicaux pour les opérations offensives de l’Armée des Etats-Unis dont la fonction – selon ses règlements – est « de maintenir, entraîner et équiper pour le combat les forces navales capables d’obtenir la victoire, empêcher les agressions et maintenir la liberté sur les mers. » Nous pourrions accepter les 2 premières mais la dernière est une tâche que les Etats-Unis s’attribuent eux-mêmes et qui doit se comprendre comme la possibilité d’intervenir militairement dans n’importe quel coin du monde où le Gouvernement des Etats-Unis, par sa propre décision, décide qu’il doit le faire.
On parle « d’opérations offensives » parce que la dernière fois que la marine des Etats-Unis a réalisé des opérations défensives, c’était en décembre 1941, à Pearl Harbor, de façon assez désastreuse étant donné que sa flotte du Pacifique a été neutralisée après l’attaque japonaise sans pouvoir riposter sauf dans les films d’Hollywood.
Ainsi, le Comfort est un instrument d’agression des Forces Armées des Etats-Unis étant donné que sa subordination au Pentagone – et non au Secrétariat aux Transports ni à la Santé – qualifie sa mission en termes militaires, son objectif étant d’apporter un soutien aux actions guerrières que ce pays, par son caractère impérialiste, déchaîne en permanence sous de nombreuses latitudes et longitudes de la planète dans le cadre de sa politique étrangère. Dans ce contexte, il est évident que la décision prise par le Secrétaire des Etats-Unis à la Guerre, James Mattis, obéissant à a soumission traditionnelle des Gouvernements colombiens, ne peut se comprendre que comme un autre maillon dans la préparation d’actions militaires offensives contre le Venezuela.
Dans la situation actuelle, où l’ex-président Uribe – qui éprouve une répulsion maladive envers le Venezuela – est revenu au premier plan de l’Etat en Colombie en ayant placé son dauphin Duque au palais de Nariño et en tirant à distance les ficelles du pouvoir, il y a de bonnes raisons de craindre une action en provenance du territoire colombien.
On sait que la visite de ce bateau ailleurs, en dehors du fait que les soins médicaux pourraient être donnés par n’importe quelle organisation civile, provoque le harcèlement de la population civile, l’augmentation de la prostitution et une présence ostensible des marins dans les bars des ports qu’ils visitent comme cela a été attesté à Porto Rico où ce bateau a été présent en octobre de l’année dernière.
Dans le fond, ces opérations s’insèrent dans l’entraînement régulier dont les forces armées de n’importe quel pays ont besoin pour faire la guerre, les soutiens opérationnels et les services médicaux qui en font partie ne sont pas loin de ce processus de préparation au combat.
Déjà en décembre 1999, après le désastre naturel provoqué par les énormes inondations qui ont eu lieu dans l’état de Vargas, les Forces Armées des Etats-Unis avaient offert leur aide « généreuse » au Venezuela. Le Président Chávez n’a pas hésité à refuser cette proposition. Dans ce cas, la « crise de réfugiés la plus importante de l’histoire » n’a pas eu lieu mais « le désastre naturel le plus important de l’histoire » fut « l’intervention cubaine la plus importante de l’histoire » à La Grenade en 1983 et la recherche du « plus important trafiquant de drogues de l’histoire » au Panamá en 1989. En tant que vautours qui ont besoin de chair morte pour rassasier leur appétit d’interventions, les Etats-Unis recherchent des façons de justifier leur odieuse présence. Le résultat est toujours le même : la mort et la destruction.
En 1999, on a démontré que les Forces Armées du Venezuela, le peuple et le Gouvernement étaient suffisants pour répartir le soutien et la solidarité pour sortir de la terrible situation que traversait le pays sans qu’il soit besoin de l’intervention militaire « humanitaire » des Forces Armées de l’Empire.
Si les Etats-Unis avaient le moindre sentiment humanitaire, ils ne seraient pas intervenus militairement au moins 48 fois en Amérique Latine et dans les Caraïbes pendant les 2 derniers siècles et ils n’auraient pas soutenu Stroessner, Pinochet, Videla, Banzer, Trujillo, Batista, Somoza et combien d’autres dictateurs qu’ils ont élevés au pouvoir dans les pays de notre région. Ils n’auraient pas volé au Mexique un tiers de son territoire, ils n’auraient pas non plus financé le mercenaire William Walker pour essayer de s’approprier l’Amérique Centrale, ils ne se seraient pas approprié Porto Rico et Guantánamo en Cuba, ils n’auraient pas imposé l’Amendement Platt à ce pays. Ils n’auraient pas non plus encouragé la séparation du Panamá de Colombie pour s’approprier pendant presque un siècle un territoire de ce pays frère en réprimant dans le sang les courageux Panaméens qui s’y sont opposés. Ils ne seraient pas intervenus militairement en République Dominicain en 1904, 1916 et 1965, à Cuba en 1906, au Panamá en 1908, 1918, 1925 et 1989, au Nicaragua en 1910, 1912 et 1927, au Mexique en 1911 et 1914, en Haïti en 1915, au Honduras en 1924, au Guatemala, en 1954 et 1966 et à La Grenade en 1983, faisant des milliers de morts dans ces pays, pas précisément de façon « humanitaire. » Ils n’auraient pas financé les Escadrons de la Mort qui ont assassiné Monseigneur Romero, les 6 jésuites à l’Université d’Amérique Centrale et les 4 moines maryknoll au Salvador en 1980, pour un parti politique qu’ils continuent à soutenir encore aujourd’hui. Ils n’auraient pas soutenu militairement, en lui fournissant une logistique et un financement les Contras au Nicaragua et ils n’auraient pas miné les ports de ce pays à partir de 198. Ils n’auraient pas non plus ordonné l’assassinat du général Torrijos au Panamá en 1981 ni lancé le Plan Colombie pour garantir l’envoi de cocaïne aux Etats-Unis grâce à des voies contrôlées par la DEA pour récupérer les millions de revenus que génère la drogue dans ce pays qui vont valser dans son système financier et qui sont une base importante du fonctionnement de leur économie sans se préoccuper de la vie et de l’avenir des jeunes de leur propre pays. Ils n’auraient pas organisé les coups d’Etat contre Chávez en 2002 et contre Correa en 2010 ni la sécession de la Bolivie en 2008. Ils n’auraient pas non plus enlevé le Président Jean Bertrand Aristide en Haïti en 2004 pour ensuite envahir ce pays et permettre à Bill Clinton et à sa femme de faire de grosses affaires au prix de la souffrance de ce peuple. Ils n’auraient pas soutenu les coups d’État au Honduras en 2009, au Paraguay en 2012 et au Brésil en 2016 ni les insolentes fraudes électorales au Honduras en 2017 et au Paraguay en 2018. Il ne semble pas, en définitive, que les Etats-Unis aient un dossier humanitaire à montrer, sans parler des excès qu’ils ont commis tout au long de l’histoire de par le monde, y compris les bombes atomiques « humanitaires » qu’ils ont lancées sur Hiroshima et Nagasaki contre la population civile désarmée de ces villes.
Beaucoup de ces actions ont été réalisées par la marine des Etats-Unis et ont eu le soutien logistique de bateaux comme le Comfort ou d’autres bateaux identiques. Plusieurs ont été déguisées en opérations humanitaires. Il ne faut pas être très intelligent pour comprendre que cet ordre, venu directement du ministre de la Guerre de Trump et donné depuis la Colombie, s’inscrit dans les préparatifs d’une invasion du Venezuela pour laquelle se sont rendus dans la région – seulement cette année – le vice-président Mike Pence 2 fois, l’ex-secrétaire d’Etat Rex Tillerson, l’ambassadrice à l’ONU Nikki Haley, l’actuel secrétaire d’Etat Mike Pompeo et le chef du Commandement Sud, l’amiral Kurt Tidd, en plus du ministre de la Guerre James Mattis. Alors, on peut se demander quand, auparavant, est survenu de déploiement et pourquoi ils le font. Toutes ces personnalités, absolument toutes, ont fait des déclarations publiques disant que leur voyage est destiné à renverser le Président du Venezuela. Par conséquent, rien n’est caché.
Le déploiement de l’ USNS Comfort sur les côtes proches du Venezuela ne peut s’interpréter que comme une mesure logistique qui s’inscrit dans les préparatifs d’une invasion du Venezuela par une armée paramilitaire colombienne avec le soutien de son Gouvernement. Le peuple vénézuélien doit être prêt, mobilisé et organisé pour que si les Etats-Unis, en utilisant la Colombie, prend une mesure aussi insensée, repousser l’agression et faire mordre la poussière de la défaite aux envahisseurs. Se souvenir que Sun Tzu, le philosophe chinois théoricien de la guerre, disait que « Dans le milieu militaire, on dit qu’il ne faut jamais penser que l’ennemi n’attaquera pas mais compter sur sa propre rapidité à livrer bataille, ne pas être certain qu’il n’attaquera pas mais se rendre invincible. »
traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos
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