Les 5 mensonges de la campagne contre le statut des cheminots

mercredi 7 mars 2018.
 

Régulièrement pointés du doigt, les conditions de travail et le statut des cheminots nourrissent critiques et fantasmes, accentués par un gouvernement et des partisans de la casse de l’entreprise publique prêts à tout. Décryptage.

SNCF. Les cheminots, ces grands privilégiés... Vraiment ?

À l’heure où le gouvernement annonce sans concertation ni possibilité de débat la fin des recrutements au statut pour les nouveaux entrants à la SNCF, les rumeurs refont surface, à grands coups de «  privilèges  », faux et parfois même farfelus, mais tellement ancrés qu’une majorité de l’opinion publique se dit aujourd’hui favorable à la disparition de ce statut spécifique.

Né en 1920, à l’époque des grandes compagnies privées, le statut des cheminots fixe alors, avant tout dans un souci de sécurité des circulations, l’égalité des conditions de rémunération et de recrutement, mais également les congés ou encore la couverture maladie des travailleurs du rail. Véritable «  outil de protection sociale, il n’est pas surprenant que le statut dérange ceux qui veulent imposer plus de libéralisme, de concurrence et de flexibilité  », analyse Maurice Samson, membre du bureau de l’Institut d’histoire sociale CGT des cheminots. Maintes fois réajusté au fil des réformes, le «  statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel  » est l’ensemble des règles fixant «  les conditions d’entrée dans l’entreprise, le déroulement des carrières, les sanctions, la mobilité, les congés, les conditions de cessation de fonction, l’assurance-maladie et le droit syndical  », détaille la SNCF.

Mais, finalement, de quoi parle-t-on vraiment  ?

Une fois de plus jeté en pâture, le statut qui encadre les conditions de travail de plus de 90 % des salariés de la SNCF ferait d’eux des «  privilégiés  », grassement payés et souvent en congé. «  Une vieille méthode d’Emmanuel Macron (que) de considérer que celui qui a un peu est un privilégié par rapport à celui qui n’a rien du tout  », fustige Philippe Martinez, qui dénonce une campagne mensongère.

1 Les cheminots sont-ils employés à vie  ?

Pour devenir «  agent du cadre permanent  » comme dit le jargon, c’est-à-dire être embauché au statut, la nouvelle recrue de la SNCF doit au préalable remplir des conditions impératives, parmi lesquelles être âgé de moins de 30 ans, être ressortissant d’un pays européen et présenter un casier judiciaire vierge. S’ensuit une période d’essai d’un an minimum et jusqu’à deux ans et demi pour les cadres, période dite de «  stage d’essai  » durant lequel «  le contrat de travail peut être rompu sans indemnité  », précise la SNCF. Une fois embauché au cadre permanent, il n’existe que trois motifs de rupture du contrat  : la démission, la retraite mais aussi la radiation. Cette garantie de l’emploi «  à vie  » assure dans le temps un haut niveau de formation et de qualification des personnels et demeure, dans l’articulation des autres «  droits et devoirs  » inhérents au statut, «  un rempart à l’individualisation, à la précarisation et à la mise en concurrence entre salariés d’une même entreprise  », estime la CGT.

2 les cheminots partent-ils tous à la retraite à 50 ans  ?

Actuellement, tous les cheminots au statut sont automatiquement affiliés au régime de prévoyance et de retraite des agents du cadre permanent. Ce régime prévoit le départ en retraite des agents sédentaires entre 55 et 57 ans et des conducteurs de train entre 50 et 52 ans. Théoriquement. En effet, de réforme en réforme, la durée de cotisation a été allongée depuis 2008 (43 ans par exemple pour un cheminot né en 1973). Ainsi, dans les faits, seuls les cheminots sédentaires nés avant 1962 peuvent partir à 55 ans et seuls les cheminots roulants (conducteurs et contrôleurs) nés avant 1967 peuvent partir à 50 ans. Par ailleurs, les cotisations au régime spécial sont plus élevées qu’au régime général  : 7,85 %, contre 7,05 %. Habilement épargnée par les ordonnances concernant «  l’avenir de la SNCF  », la réforme du régime spécial de retraite des cheminots (créée entre 1909 et 1911) sera intégrée à une future réforme globale des retraites.

3 les cheminots sont-ils mieux payés que les autres  ?

Six cheminots sur dix touchent moins de 3 090 euros brut mensuels, rémunération moyenne des salariés de la SNCF (contre 2 900 euros brut pour les autres salariés). Leur salaire varie en fonction du poste occupé, la grille comportant huit échelons. À ce traitement mensuel s’ajoute une prime de fin d’année (PFA), versée à mi-décembre, égale à une mensualité, une prime de travail variable, une gratification de vacances (environ 400 euros annuels) et une gratification annuelle d’exploitation (8 % d’un mois de salaire) versées au mois de juin.

Pas le moindre signe d’une «  prime de charbon  » comme le claironnait encore Marine Le Pen hier. La dernière locomotive charbon ayant parcouru ses ultimes kilomètres en 1974, cette prime a été supprimée dans les années 1970. Il n’existe pas plus de «  prime de non-prime  »…

4 les cheminots ont-ils plus de vacances  ?

Les cheminots sont soumis aux 35 heures. Mais, les trains circulant 24 heures sur 24 et 365 jours par an, une réglementation interne sur le temps de travail, appelée RH 0077, fixe l’organisation des congés et des repos en fonction du poste occupé. Loin des grands «  privilèges  » que d’aucuns décrivent, un agent de conduite bénéficie de 126 jours de repos annuels. En raison des contraintes de travail le week-end, ces jours de repos comprennent 52 «  repos doubles  », c’est-à-dire deux jours consécutifs, comme pour tout salarié. Les sédentaires, eux, bénéficient seulement, en dehors des 28 jours ouvrables de congés payés fixés par le Code du travail, de 10 jours de RTT «  par année complète travaillée  ».

5 les cheminots sont-ils nourris, logés, blanchis ?

Le mythe du logement de fonction pour les 150 000 cheminots est également à démonter. La SNCF dispose de «  trois types de logements  », précise l’entreprise  : «  environ 7 000 logements meublés (…) hébergement par nature transitoire et temporaire à disposition des nouveaux embauchés qui n’habitent pas encore leurs lieux d’affectation ou encore pour répondre à des besoins urgents  ». L’entreprise dispose également d’un «  parc social de 36 000 logements réservés aux cheminots en activité  » et dont l’attribution est soumise aux mêmes conditions de ressources que les HLM. Et enfin, «  un parc libre de 13 000 logements  », à disposition des cheminots en activité sous réserve qu’ils aient les moyens d’en payer le loyer.

Quant aux facilités de circulation, chaque cheminot dispose d’une carte de libre circulation, le Pass Carmillon. Leur conjoint bénéficie de seize trajets annuels et leurs parents et grands-parents de quatre.

Marion d’Allard, L’Humanité


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