« Les syndicats sont mortels, comme les partis »

jeudi 16 novembre 2017.
 

Le rendez-vous syndical du 16 novembre s’approche. Ce jour-là, de nouveau, nous serons dans la rue à l’appel des syndicats. Si j’ai bien compris, nous défilons contre les ordonnances mais aussi les autres aspects anti-sociaux de la politique du pouvoir. Cet appel à l’action doit être entendu. Il faut se joindre à l’action proposée autant que faire se peut. Mais il ne peut effacer le questions qui se posent.

Comme on ne peut l’ignorer, j’ai dit que « Macron a le point » dans la bataille sociale sur les ordonnances. « Pour l’instant » ai-je précisé. En vain. La machine à buzz s’est aussitôt enclenchée du côté du plus agréable au pouvoir, comme d’habitude. J’ai eu droit à une tournante médiatique sur « ma déprime » après avoir « perdu la bataille » face à Macron. J’ai même entendu un « commentateur » dire de moi que je « n’en peux plus ». Et un autre que je serai en réalité « bipolaire ». Pour lui la maladie est une disqualification. Le Figaro s’est offert une première page sur le thème. La volonté de nuire du grand journal de droite atteste de sa conversion récente désormais assumée en faveur de Macron.

Je me lasse de ces glapissements sans originalité. On m’a déjà fait le coup de la « déprime » deux fois au moins avant celle-là, dont une fois à la Une de Libération en 2013 ! Je veux, bien-sûr, rassurer cette fois-ci encore, ceux que cela aura inquiété : je ne suis ni malade, ni dépressif. Ceux qui me lisent ou m’écoutent savent que c’est tout le contraire. Si les « commentateurs » s’intéressaient à la politique, ils auraient vu ce que de jeunes collègues de la rédaction internet de « Marianne », qui ne sont pourtant pas de nos partisans, ont repéré dans mon propos : l’ouverture d’un débat inédit sur la séparation du politique et du syndical et associatif. Mais ce débat n’est possible qu’à condition d’admettre le point réel où nous en sommes dans la bataille pour chercher ensuite les causes de cette situation. Quand on décide délibérément de diviser les forces entre politiques et syndicats puis quand les syndicats eux-mêmes se divisent, quel rapport de force peut-on imaginer créer avec le pouvoir et le Medef ? Comment en est-on arrivé là ?

Une question que certain refusent de se poser. Par exemple quand L’Humanité, le journal du PCF, affirme que le problème ce n’est pas, comme je le pointe, la Charte d’Amiens à laquelle se réfèrent les syndicats pour refuser toute action commune avec les forces politiques. Pour le journal du PCF, le problème c’est que je prônerai un « tous derrière Mélenchon »… Ce pauvre coup de pied de l’âne est présentée avec des guillemets sous couvert d’une source syndicale anonyme. La totale : la ligne « tout sauf Mélenchon » de la direction du PCF appuyée par une source syndicale « anonyme » totalement bidon ! Le journal fondé par Jaurès transformé en courroie de transmission !

Mais la manie des autres commentateurs de psychologiser tout choix politique jusqu’au ridicule est-elle un calcul conscient ? Pas sûr. Je crois qu’il faut aussi tenir compte de l’inculture politique désormais dominante. Comme certains passent d’un plateau à l’autre, ils n’ont ni le temps de lire ni de préparer. Ils répètent donc de l’un à l’autre, sans vérifier, jusqu’à la nausée. Ainsi quand j’ai analysé les raisons pour lesquelles « pour l’instant, Macron a le point » ils ne comprennent pas ce que je dis. Ils ne se souviennent pas que j’ai dit la même chose à TF1 quinze jours plus tôt. Naturellement ils ne lisent souvent rien. Donc ils n’ont pas pu connaître mon raisonnement pourtant en ligne depuis une semaine avec mon post hebdomadaire. Certes, mes post sont longs. Mais précisément ils sont aussi présentés par chapitres de 5000 signes présentés séparément pour faciliter la lecture. Encore faut-il lire ! Et quand j’explique de nouveau mon analyse, en la détaillant comme je l’ai fait la semaine passée ici même, ils restent encore scotchés dans leur psychologie à deux balles, passant à côté d’un débat qui est pourtant au cœur de notre famille politique : celui de la disjonction du politique et du syndical.

J’ai soulevé une question d’ampleur. Celle de la nécessité de réorganiser le champ du rapport de force social. Exception faite de l’organe central du PCF, nombre de gens se posent des questions sur l’état du rapport de force social et sur ses causes. La preuve, quelques jours plus tard, le secrétaire national de la CFDT à son tour s’interroge publiquement sur le sujet dans le journal Libération. Naturellement ses conclusions ne sont pas les miennes, comme on le devine. Mais son diagnostic ne manque pas de gravité. D’ailleurs Libération titre cette interview avec une phrase de Laurent Berger : « les syndicats sont mortels comme les partis politiques ». Pourtant personne ne parlera de la « déprime » du secrétaire national de la CFDT. Et dira-t-on de Laurent Joffrin, chef a Libé, qu’il « a le blues » ou qu’il se mélenchonise dans son édito du même jour, quand il titre « Crise d’identité sociale » à propos de la situation ?

Je veux le citer : « Ce sont les méthodes de lutte, la stratégie qui créent la crise d’identité. L’échec de la protestation contre les lois Pénicaud, qui succède aux déconvenues rencontrées dans le combat contre le projet El Khomri et surtout à la défaite en rase campagne dans la bataille de la réforme des retraites malgré la mobilisation de millions de manifestants, montre que la protestation à la française, défilés de rue nombreux assortis de débrayages plus ou moins massifs, a fait long feu. Elle n’a en tous cas donné aucun résultat tangible depuis une dizaine d’années ». Ici même, ai-je posé un diagnostic très éloigné ? Non. Le même. Encore une fois, la différence porte sur les conclusions que l’on tire de ce constat. C’est normal. C’est sain. Ça s’appelle un débat. C’est ce débat que refusent absolument ceux qui psychologisent l’enjeu sur les plateaux de télé. Soit-il n’y comprennent rien, soit ils en ont peur. Peu importe. Ce débat est pourtant l’urgence pour la cause du peuple au moment où l’offensive libérale déferle. Comme c’est mon devoir, je suis allé plus loin que le constat. J’ai fait une proposition : faire cause commune syndicats, partis et associations pour certaines batailles. Il faut être patients et opiniâtres. Ce débat aura lieu. Et il sera tranché. Car notre capacité d’initiative est intacte et nous entendons bien en faire usage.


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