Article du 26 avril 2007
Nous vivons une campagne électorale particulière. Pour la première fois en France, nous constatons qu’une grande majorité de médias est au service total du candidat de droite alors que la minorité fait preuve d’une grande prudence dans ce qui touche à celui-ci.
Le premier exemple qui me vient à l’esprit concerne l’hebdomadaire Marianne. Le 13 avril 2007, Jean-François Kahn faisait monter la pression " Cette semaine Marianne brise l’omerta que favorise le verrouillage médiatique, dit ce qu’on n’ose pas vous dire, et se libère de la conspiration du silence pour jeter, dans le débat, cette lourde vérité dont on voudrait vous interdire l’accès !
Dès aujourd’hui, lisez et retenez ce numéro essentiel. Au nom de tout ce qui nous rassemble, aidez-nous à lui assurer la plus large diffusion. Offrez-en un ou plusieurs numéros autour de vous, à vos amis ou connaissances. Le 23 avril, il sera trop tard... »
Comme 360000 autres personnes, j’ai acheté ce Marianne pour découvrir quoi ? Rien. Seule explication plausible : les services de !!!!! sont parvenus à intimider la direction de Marianne au point de la dissuader de publier des informations vraiment compromettantes ?
Je ne pense pas que ce soit la première fois durant cette campagne.
Il me revient en particulier en mémoire ce dossier du Nouvel Obs à la veille du premier tour à propos duquel j’ai déjà mis en ligne un article sur ce site le 25 avril : "Les candidats chez le psy" avec la collaboration de psychanalystes parmi les plus connus.
Les médias utilisent les psychanalystes pour fouiller l’histoire personnelle de Ségolène Royal
Dans un dense article de deux pages, l’enfance de Ségolène Royal, la vie de son père, son rapport à son père et les conséquences de leurs relations sont traités en détail.
" Dans la grande geste ségoléniste, le militaire réactionnaire, ancien de l’Indo et de l’Algérie, menant sa femme et ses huit enfants à la baguette, est à première vue l’homme à abattre. Une petite fille sage et têtue s’est construite contre ce tyran. Contre le maillet menaçant, sceptre dérisoire d’un patriarcat brutal et d’une France rétrograde. C’est la légende de Ségolène. Elle est vrai mais les psychanalystes ne s’en contentent pas. Ils scrutent les non-dits ou les trop-dits :
* Malgré les apparences, assure Anne Debarède, la biographie du colonel Royal est pleine de trous"
* Jean Claude Liaudet : "On est en plein dans le shéma oedipien". "Ségolène est pénétrée par une voix supérieure. C’est son côté parano, qui a toujours à voir avec l’amour du père".
* "Elle porte en elle symboliquement une souffrance de femme battue" (Julia Kristeva). Longtemps, elle est restée muette "un grand classique face à la violence du père"...
Et Nicolas Sarkozy dans ce dossier : trois mots insignifiants sur le père ! Il semble n’avoir qu’une mère ! Tiens donc ! Ce n’est pas un "trou", c’est un gouffre.
Voici quelques mois, j’avais parcouru chez un libraire une biographie du candidat de l’UMP reprenant la déclaration du maire de Neuilly en 1991 au journal Libération : "Mon père a quitté la Hongrie soviétique en 1949 caché sous un train". Une page plus loin, il était démobilisé de l’armée française à Marseille en 1948. Ce n’était pas un "trou" mais un non-sens, cachant évidemment des non-dits. D’autres biographies précisaient que ce père avait été incorporé plusieurs années dans la Légion étrangère en Algérie jusqu’en 1948.
En pleine campagne présidentielle, la biographie officielle du candidat se vit modifiée et le père fuyait son pays lors de la Libération de la Hongrie fin 1944. Motus et bouche cousue dans la presse. Quant aux psychanalystes, cela relève peut-être trop de la basse réalité pour être sujet à développement psychologique.
Cela n’a-t-il aucune importance qu’il soit le descendant d’une ancestrale famille aristocratique hongroise ( Sarkozy de Nagy Bocsa) possédant terres, château et domaine de 200 paysans ?
Cela n’a-t-il aucune importance que son grand père ait été en 1944 un notable ( à Szolnok) dans la Hongrie des Croix Fléchées ( le parti fasciste au pouvoir le plus proche du nazisme en Europe) ?
Cela n’a t-il aucune importance que leur château ( à Alattyan) ait été confisqué lors de la chute du fascisme ?
Quant au père, puisque l’on fouille à ce point l’histoire de celui de Ségolène Royal, pourquoi donc celui de Nicolas Sarkozy s’est-il engagé directement dans la Légion étrangère française après avoir passé la frontière ? Pourquoi sous un train alors que des dizaines de milliers de Hongrois impliqués dans la collaboration ont simplement quitté le pays à l’approche de l’Armée rouge et ont refait leur vie sans passer par la Légion étrangère ?
J’en reviens au débat Royal Sarkozy d’hier soir.
Quelle impression retirer de ces nombreux non-dits ? A l’heure de la mondialisation libérale, pour être journaliste et pour bénéficier de la respectabilité médiatique, personne ne peut attaquer les amis des milliardaires tant ils bénéficient de complaisances et de complicités.
Ségolène Royal aura-t-elle gagné suffisamment de voix hier soir pour l’emporter ? Je l’espère. Sinon, la bataille va être sévère.
Jacques Serieys
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