France : 245 milliards d’euros pour les plus riches et l’austérité pour le peuple

samedi 10 juin 2017.
 

Les 39 plus grandes fortunes du pays cumulent 245 milliards d’euros d’accaparement des richesses produites et des deniers publics. Pour mettre un terme à la boulimie, décuplée sous le quinquennat en cours, des mesures sont en débat à gauche.

En effet, le coût du capital s’est même alourdi sous le quinquennat Hollande, favorisé par «  des patrimoines qui augmentent sous le jeu d’acquisitions, de montages financiers très sophistiqués d’achat et de revente qui génèrent des plus-values pour leurs détenteurs  », explique Dominique Plihon. Cet économiste membre d’Attac dresse un bilan sévère de l’action du gouvernement en la matière  : «  Il n’a rien fait, à part taxer un peu plus les contribuables ordinaires, qui, eux, n’ont pas de fortune ou ne peuvent pas la déplacer comme le font les très riches.  » Mais pour lui, cette inaction est à l’image de ce qui se passe «  sur le plan mondial  ». «  Il faudrait que les États européens s’entendent pour taxer les profits là où ils sont réalisés  ; un projet de directive européenne a même été mis à l’étude, mais on est loin d’une mise en application  », déplore-t-il. «  Un accord international est nécessaire, et la France devrait pousser à cela. Quant aux grandes fortunes qui ont pignon sur rue en France mais délocalisent leurs patrimoines à l’étranger, on peut envisager des sanctions, des mesures de rétorsion  », préconise l’économiste.

Le sénateur PCF-Front de gauche du Nord, Éric Bocquet, coauteur du livre Sans domicile fisc (éditions du Cherche Midi), estime de son côté que le classement de Forbes pour la France signe «  l’échec le plus patent de François Hollande et de son discours du Bourget de 2012  ».

Les grandes fortunes peuvent remercier François Hollande

«  Tout ce qui a été mené depuis a conforté les grandes fortunes et les gros patrimoines, rappelle le sénateur communiste, la réforme fiscale promise n’a jamais été mise en place, on n’a pas relevé le nombre de tranches, on a fichu une paix royale à la finance.  » Baisse de l’impôt sur les sociétés, extinction du financement par les entreprises de la branche famille de la protection sociale, Cice, etc. Les grandes fortunes peuvent en effet remercier François Hollande.

De répartition et d’utilisation des richesses, il n’aura pourtant pas été question lundi soir, lors du débat télévisé entre les cinq candidats sélectionnés par la chaîne. Seul Jean-Luc Mélenchon a rappelé qu’«  une délinquance n’a pas l’air de retenir l’attention  ». «  La France se fait voler chaque année 85 milliards d’euros par les tricheurs du fisc  », a-t-il dénoncé. «  Pour ne rien dire du reste, de la corruption et de la collusion avec toutes les puissances de l’argent  », a poursuivi le candidat, proposant de renforcer «  cette police qui s’occupe de ces questions-là  », pour que «  nous récupérions nos biens  ».

«  Une COP de l’harmonisation et de la justice fiscale  »

Sans qu’il l’évoque lundi soir, Benoît Hamon dit vouloir également faire de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales une «  priorité  »  : renforcement des moyens du Parquet national financier, des brigades financières et des services fiscaux, suppression du fameux «  verrou de Bercy  »… Et de promettre l’établissement d’une «  liste crédible  » des paradis fiscaux, ainsi que des sanctions commerciales contre les «  juridictions  » qui refusent de modifier leurs pratiques douteuses. Pour lutter contre l’optimisation fiscale, le candidat socialiste souhaite la mise en place d’une «  taxe  » sur les multinationales et sur les transactions financières, sans toutefois en préciser le taux. Et vouloir «  imposer  » une transparence fiscale aux grands groupes, qui devront «  transmettre les activités et impôts payés dans tous les pays où ils sont présents  »… Toutefois, l’ex-frondeur ne compte pas abroger le Cice (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), qui a permis aux entreprises de toucher 45 milliards d’euros sans contrepartie sur l’emploi, mais propose un versement conditionné en échange de «  contreparties réelles et négociées  »…

De son côté Jean-Luc Mélenchon prévoit de protéger de la finance les salariés et la production en France  : «  Révolutionnons les impôts pour que tout le monde paie et que chacun le fasse selon ses moyens réels  », exhorte le candidat dans son programme «  l’Avenir en commun  ». Séparer les banques d’affaires et de détail, contrôler les mouvements de capitaux, instaurer une taxe réelle sur les transactions financières, interdire les ventes de gré à gré et la titrisation ou encore plafonner les effets de levier et les rendements actionnariaux exorbitants…

Autant de propositions à même de freiner les appétits financiers et d’enclencher une autre répartition des richesses. Le PCF, qui vient d’organiser une initiative pour «  mettre au pas la finance  » (voir notre édition du 28 février), propose pour sa part d’agir contre la fraude fiscale en organisant une «  COP de la finance mondiale, de l’harmonisation et de la justice fiscale  », que ses députés ont défendue à l’Assemblée sous forme de proposition de loi. Dans le même mouvement, le programme «  la France en commun  » préconise, entres autres, de supprimer le Cice, rendre plus progressif l’impôt sur le revenu, ou encore de doubler le taux de l’impôt sur la fortune. Pour que les revenus des travailleurs ne soient plus avalés par la boulimie des plus fortunés.

Main basse sur la presse

Sur les cinq plus grandes fortunes de France, quatre sont également des patrons de presse. Ainsi Bernard Arnault possède le groupe Les Échos et a racheté le Parisien en 2015. François Pinault se contente de l’hebdomadaire le Point, tandis que le groupe Le Figaro est propriété de Serge Dassault. Patrick Drahi, qui vient d’entrer dans ce top 5, a racheté Libération, l’Express et a pris 49 % de NextRadioTV (BFM, RMC…). Neuvième fortune de France, Xavier Niel est copropriétaire du groupe Le Monde. Puis viennent Vincent Bolloré (Canal Plus) et Martin Bouygues (TF1), dans le top 20 des grandes fortunes de France.

Olivier Morin avec Lola Ruscio et Sébastien Crépel, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message