Alerte Sécu  ! Fillon danger !

dimanche 22 janvier 2017.
 

par André Grimaldi Professeur émérite au CHU de la Pitié-Salpêtrière

Depuis sa victoire électorale à la primaire de la droite, François Fillon et son équipe cherchent à rassurer l’opinion en minimisant leurs propositions sur le financement des soins. À les entendre, ils veulent seulement sauver la Sécurité sociale menacée par son « trou ». Pourtant le programme de François Fillon est clair. D’abord, il veut « redéfinir les rôles respectifs de l’assurance publique et de l’assurance privée, en focalisant l’assurance maladie notamment sur les affections graves ou de longue durée et l’assurance complémentaire sur le reste ». Les « soins courants » seraient donc pris en charge par les assurances privées complémentaires (AC) regroupant mutuelles, instituts de prévoyance et compagnies d’assurances. Les soins courants représentent au minimum 20 milliards, sur les 190 du budget de la Sécu. Le montant des cotisations aux AC sera en conséquence au minimum doublé. Il souhaite ensuite « introduire une franchise médicale universelle en fonction des revenus dans les limites d’un seuil et d’un plafond, le reste à payer étant pris en charge par les assurances complémentaires ». Cette franchise universelle s’appliquerait donc y compris aux patients bénéficiant aujourd’hui d’une prise en charge à 100 % au titre des affections de longue durée (ALD).

Et comme ces mesures, préconisées par son ami Henri de Castries, ancien PDG d’Axa, vont inévitablement accroître les inégalités, l’ancien gaulliste social ajoute  : « Les moins favorisés ne pouvant accéder à l’assurance privée bénéficieront d’un régime spécial de couverture accrue. » Enfin, pour couronner le tout, François Fillon entend « basculer progressivement les cotisations maladie dites patronales vers un mix CSG-TVA ». Ainsi, les personnes qui gagnent plus de 1 500 euros par mois et qui n’ont pas de maladies graves ou chroniques paieront désormais deux fois pour la santé  : une première fois la Sécurité sociale au titre de la solidarité avec les pauvres et avec les personnes atteintes de maladies graves ou chroniques, alors qu’elles-mêmes ne toucheront plus rien de la Sécu, et une deuxième fois leur « mutuelle » de plus en plus chère, pour elles et leur famille.

La solidarité ne résistera pas à cette remise en cause du principe de la Sécurité sociale où chacun paie en fonction de ses revenus et reçoit en fonction de ses besoins médicalement reconnus. Une frange de plus en plus importante de la population estimera qu’elle « en a assez de payer pour les autres » et demandera la fin du monopole de la Sécu. La proposition de François Fillon est d’autant moins défendable que les AC sont moins justes (vous payez plus si vous êtes vieux ou si vous avez une famille à charge, vous ne payez pas en fonction de vos revenus ), moins égalitaires (le niveau de votre couverture médicale dépend du montant de votre cotisation) et moins efficientes avec en moyenne des frais de gestion de 20 % pour les mutuelles et de 25 à 30 % pour les compagnies d’assurances qui versent des dividendes à leurs actionnaires (contre 6 % pour la Sécu). Certaines mutuelles essaient de résister mais elles sont soumises au Code des assurances privées européen garantissant la libre concurrence. Si les AC sont réunies depuis 2004 dans l’Union nationale des organismes complémentaires de l’assurance maladie (Unocam), c’est pour pouvoir à terme « réguler » le système de soins en organisant des « réseaux de soins » concurrentiels. Les médecins y perdront une part de leur indépendance professionnelle au profit des assureurs et les patients une part de leur liberté. Le résultat de cette politique est connu  : augmentation des inégalités sociales de santé, moins de dépenses publiques, explosion de la dépense privée  !


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