« Autorité », « discipline » et « fierté nationale », le mantra de Fillon

mercredi 18 janvier 2017.
 

Serrez les rangs ! Tel a été le message envoyé ce week-end par le candidat LR à ses troupes, depuis la salle de la Mutualité. Les débuts poussifs de sa campagne ne s’expliquent pas simplement par les erreurs de ses équipes en matière de santé, mais aussi par les turbulences que le Sarthois a dû affronter au sein même de son camp.

« J’attends de mon parti de la responsabilité et de la discipline. » François Fillon a redoublé d’autorité, samedi, à l’occasion de la Conseil national du parti Les Républicains, organisé à la Mutualité devant près de 2500 personnes. Le but du candidat de la droite, officiellement investi par son parti, était évidemment de faire en sorte que ceux qui sont « en première ligne », les militants de terrain, redoublent « d’ardeur » après ce coup d’envoi solennel de la campagne.

François Fillon avait surtout une autre préoccupation : « l’unité » de ses troupes. Car le début de sa campagne n’a pas été uniquement plombé par les réactions populaires à son projet pour la sécurité sociale. Le Sarthois a aussi dû faire face à de nombreuses turbulences provenant de son propre camp.

Les anciens Sarkozystes ont été les plus véhéments. « Tu n’as pas besoin de clones », a lancé Laurent Wauquiez à François Fillon, depuis la tribune, samedi. Plus tôt dans la semaine, il avait plaidé pour le retour de la défiscalisation des heures supplémentaires, mise en place par le gouvernement Fillon et supprimées sous François Hollande. « Il faut un signal pour la France qui travaille », avait prévenu le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes sur les ondes d’une radio nationale. Et d’ajouter : « Un projet présidentiel en 2017, ça ne peut pas être que du sang et des larmes. »

Des mots très mal pris par le nouveau leader de la droite. « Il m’arrive d’entendre certains à droite utiliser les mêmes mots que la gauche… Que ma victoire ait pu décevoir certains je puis le concevoir, mais j’attends de mon parti de la responsabilité et de la discipline », a répliqué François Fillon. Il a répondu longuement sur le fond. Réintroduire la défiscalisation des heures supplémentaires viderait de tout son sens une autre mesure chère au Thatcher de la Sarthe : le rallongement de la durée du travail. « Pour les salariés et même les entreprises, il vaudra bien mieux rester aux 35 heures et bénéficier des avantages fiscaux et sociaux dès la 36e heure… » Or, François Fillon ne veut plus seulement « aménagé le symbole », comme en 2007. « Moi, prévient-il, je veux en sortir vraiment pour imprimer une autre culture, celle de la négociation. »

Ce n’est pas le seul motif de zizanie à droite. De nombreux élus ont remis en cause sa volonté de ne pas revenir sur le non-cumul des mandats. Là encore, la réponse de l’ex-premier ministre fut cinglante. « Comment nos concitoyens pourraient-ils comprendre que nous nous occupions de nous-mêmes au lieu de nous occuper d’eux », a déclaré celui qui ne cesse d’invoquer la figure du Général de Gaulle.

Ces divergences, auxquelles s’ajoutent l’impair commis par son porte-parole Gérald Darmanin sur le temps de travail, sont quelque peu sur-jouées.

Pourquoi ? La désignation des investitures aux législatives n’est toujours pas achevée. Près de 466 candidats ont été pour l’instant désigné par le conclave chargé de les examiner, piloté par Jean-François Lamour. Près d’une centaine de circonscriptions, attendent encore leur candidat de la droite et du centre. Si 78 d’entre elles ont pour l’instant été attribuées aux centristes de l’UDI, il faudra attendre un accord définitif, toujours âprement négocié.

53 circonscriptions font toujours l’objet de négociations ouvertes. C’est le cas notamment de celle du député Fillon. La deuxième circonscription de Paris, située dans le très chic VIIe arrondissement était convoitée par Nathalie Kosciusko-Morizet, ralliée à Alain Juppé pendant les primaires, ainsi que par Rachida Dati, proche de Nicolas Sarkozy. Si la première hérite de la 11e circonscription parisienne, tenue par le socialiste Pascal Cherki, la deuxième, maire du VIIe arrondissement, n’est pas pour autant certaine de rafler la mise. La généticienne Dominique Stoppa-Lyonnet, suppléante de François Fillon et conseillère du candidat en matière de santé, souhaite aussi mettre la main sur ce bastion. La circonscription d’Henri Guaino, lui aussi proche de Nicolas Sarkozy, est toujours en balance.

On comprend mieux les grandes déclarations Laurent Wauquiez qui en profite pour se poser en gardien du temple de la Sarkozie en vue d’échéances futures. Nul doute qu’une fois que le travail de la commission nationale d’investiture achevé, et l’accord avec les centristes définitivement signé, la droite saura, comme souvent, serrer les rangs derrière son chef.

Le discours de la Mutualité, véritable coup d’envoi de la campagne à droite, délivre toutefois un autre enseignement : François Fillon ne veut pas lâcher sa ligne droitière. Il restera « droit dans ses bottes ». Cette promesse, faite lors de ses vœux à la presse, a été une renouvelée samedi dans un discours ponctué des mots appartenant au champ lexical du chef de guerre, du commandant militaire et du combattant.

« Les balles sifflent de partout. Visiblement, je gène et visiblement on cherche à vous intimider », a déclaré celui qui a toujours rêvé de devenir ministre de la Défense pour mieux appeler ses militants au « sang-froid ». « La victoire récompensera le camp le plus décidé », a-t-il promis, motivé à l’idée de menée frontalement la bataille idéologique. « Je ne vais pas changer ce que je crois et ce que je veux en fonction des vapeurs des uns et des injonctions du microcosme. Il y a deux mois, je n’étais pas son candidat favori ; je n’ai pas l’intention de le devenir. » Un pari risqué. Mais le candidat de la droite estime pouvoir s’appuyer sur une base suffisamment solide à droite pour assurer sa présence au second tour.

S’il a bien fait part cette semaine d’un regret sur la Sécurité sociale, c’est d’abord et surtout d’avoir commis une erreur stratégique et d’avoir été « mal compris ». Car sur le fond, François Fillon veut apparaître comme inamovible. « Ce projet, je vais l’expliquer, je vais le préciser, l’enrichir de vos meilleures idées, mais pas de zigzags, pas de camomille. Je m’appelle François Fillon, pas François Hollande ! » Après un long couplet sur la « nécessité de l’ordre » face aux « menaces » terroristes, le patron de la droite a appelé ses troupes à s’engager sans réserve dans une « bataille franche ».

Pierre Duquesne, L’Humanité


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