Bruno Le Maire à visage découvert sur France 2

mercredi 26 octobre 2016.
 

En troisième ou quatrième position dans les intentions de vote pour la désignation du candidat de la droite pour l’élection présidentielle de 2017 selon les sondages, l’homme qui pariait sur sa relative jeunesse pour faire la différence a désigné hier soir ses principaux ennemis. Ce ne sont pas ses concurrents de la primaire mais les bénéficiaires des minima sociaux et les militants de la CGT.

Grâce à ses sept candidatures pour désigner son « champion » dans la course à l’Elysée, la droite bénéficie depuis des semaines des largesses de la télévision publique. Hier soir, c’était au tour de Bruno le Maire de passer à la télé, dans « L’émission politique » de France 2. Il a eu droit à plus de deux heures pleines après 21H pour présenter son « projet ». Une politique assez voisine de celles de Sarkozy, de Juppé, de Fillon ou de Copé, avec, en première urgence, la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Celui dont la campagne est portée par le slogan « le renouveau c’est Bruno » a commencé par dire que l’énarque qu’il était voulait supprimer l’ENA et que, mettant ses actes en cohérence avec ses paroles, il avait déjà démissionné de la fonction publique afin de ne pas bénéficier du possible privilège d’un emploi à vie si le vote des électeurs lui faisait perdre un mandat politique.

Or, de l’aveu du même Bruno le Maire dans un livre paru en août 2014, cette idée ne vient pas de lui. Elle fait suite à une réplique d’un militant CGT de la raffinerie de Grand-Couronne, près de Rouen à qui il avait rendu visite alors que lui et ses camarades occupaient le site que le patron voulait fermer. Le Maire était pour la fermeture et son livre rend compte de son dialogue avec les travailleurs en lutte par ces mots :

« Plutôt que de les bercer de belles illusions, j’avais décidé de tenir aux représentants syndicaux un langage de vérité. Dans la salle de réunion, aux murs tapissés d’affiches de la CGT, certaines très anciennes, réalisées au pochoir, je commençais mon discours : « Vous devez changer. Votre activité a peu d’avenir en France. Mieux vaut passer à autre chose. Les repreneurs dont le gouvernement vous parle ne viendront pas ». Silence pesant. Un des ouvriers, appuyé sur le chambranle de la porte, le casque sur la tête, me lança : « Et, vous, monsieur le Député, vous allez changer aussi ? Parce que c’est bien gentil de nous demander de prendre des risques, mais vous, qu’est ce que vous avez pris comme risques dans votre vie ? Vous êtes député non ? Vous êtes fonctionnaire aussi ? C’est tranquille : même quand vous perdez vous ne perdez rien ».

Dans ce livre qui a pour titre A nos enfants (1) une sorte d’essai écrit comme un roman, Bruno Le Maire écrit alors ceci : « En rentrant à Paris, je décidais de quitter définitivement la haute fonction publique et de prendre les risques que cet ouvrier de Grand-Couronne était obligé de prendre, alors qu’il se trouvait dans une situation infiniment plus précaire que la mienne ». La haine de Bruno Le Maire aux militants de la CGT

Sachant cela, on pouvait, hier soir, se poser la question de savoir si la haine que voue désormais Bruno Le Maire aux militants de la CGT a été renforcée par cette interpellation de Grand-Couronne ? Mis en difficulté hier soir par Gislaine Joachim-Arnaud, une militante CGT de Martinique, il a accusé son syndicat de tous les maux et promis de réduire son influence en mettant fin au droit acquis depuis 1945 par les syndicats représentatifs d’être seuls à présenter des candidats au premier tour des élections professionnelles dans les entreprises.

Bruno Le Maire veut que quiconque, syndiqué ou pas, se porte volontaire puisse constituer sa liste dès le premier tour « pour défendre ses collègues » affirme-t-il. Mais c’est une manière de permettre au patronat d’embaucher des hommes de main et de s’en servir comme « syndicalistes maison » à la botte de l’employeur. Les choses se sont passées ainsi chez Citroën et SIMCA durant des décennies. Même quand le « syndicat maison » ne pouvait pas présenter de candidats au premier tour, la pression était si forte dans les ateliers et les bureaux pour dissuader les gens de voter pour les syndicats représentatifs que le quorum n’était pas atteint. Il y avait donc un second tour ouvert aux « syndicalistes maison » et la peur dans l’usine leur donnait souvent un vote majoritaire. Voilà donc « le renouveau » comme le conçoit Bruno ! "Des petits boulots à 5€ de l’heure"

Face à Malika Zeridi, militante d’une association pour l’emploi et contre la précarité, Bruno Le Maire, a défendu son projet de réduction des indemnités de chômage ainsi que du RSA et des autres petites prestations. En faisant valoir qu’il mettrait en place des petits boulots à 5€ de l’heure, le plus important étant à ses yeux que les bénéficiaires des minima sociaux disposent d’un revenu mensuel nettement moindre que les salariés qui perçoivent un SMIC de 1.150€ net a-t-il précisé. Car bien qu’ils aient des frais de garde pour leurs enfants et des frais de route pour aller au travail, ce salaire doit suffire. L’essentiel c’est qu’ils aient un peu plus que ceux qui sont privé d’emploi et qui doivent se contenter de moins que ce qu’ils ont aujourd’hui. « Ce qui ne fait qu’aggraver la situation qui existe déjà », lui a fait remarquer Malika Zeridi.

Durant toute la soirée, la volonté de punir les privés d’emploi était telle chez Bruno Le Maire que, François Langlet, journaliste économique de France 2, a brillamment endossé le rôle, inhabituel chez lui, d’avocat des laissés pour compte. Mais c’est surtout en face de l’écrivain Alexandre Jardin, militant pour l’intervention directe des citoyens dans la gestion des affaires du pays, que le regard de Bruno Le maire s’est chargé de haine. Il est vrai que son interlocuteur avait pris de temps de lire les 1112 pages que Bruno Le Maire vient de rendre public en guise de projet. Et a constaté que lui et son équipe de campagne ont produit un « texte de technocrate » qui décide de tout sans consulter personne.

Hier soir, Bruno Le Maire portait une cravate, contrairement à la soirée où il s’exprimait sur TF1 en compagnie des six concurrents dont il fallait se différencier. Mais France 2 a eu la bonne idée de passer une vidéo dans laquelle un Le Maire sans cravate jouait l’atout jeune en dialoguant avec un jeune. Une vidéo dans laquelle toutes les phrases de cet énarque au langage policé commençaient par le mot « putain ». Cela donnait des phrases comme celle-ci : « putain, un jeune Américain est fier d’être Américain ; putain pourquoi un jeune Français ne serait pas fier d’être Français » ?

Il reste maintenant à savoir combien de votant potentiels de la droite et du centre se seront dit à l’issue de cette émission : « putain, ce n’est vraiment pas Bruno qu’il nous faut » !

Gérard Le Puill, L’Humanité


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