Europe. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent

dimanche 24 juillet 2016.
 

Difficile de comprendre le jeu des économistes dans le débat qui a précédé le référendum conduisant à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne  ! À mesure que la campagne avançait, les arguments économiques et financiers mis en avant sont devenus caricaturaux.

Les partisans de la sortie ont fait miroiter les trois sources d’économies que représenterait la fin de la participation du pays aux institutions européennes. Le chèque britannique à Bruxelles tout d’abord  : les fameux « 350 millions de livres sterling versés par les Britanniques chaque semaine ». La fin des réglementations européennes sur le travail et la consommation ensuite. L’arrêt de l’immigration enfin. Autant d’illusions. Comme si la Grande-Bretagne ne recevait pas en retour des financements de Bruxelles ou n’avait pas besoin de protections pour ses salariés et ses consommateurs. Com­me si les immigrés n’apportaient pas plus de richesses par leur travail qu’ils n’en consommaient.

Les économistes qui ont combattu cette sortie n’ont pas toujours été plus avisés. Dans leur majorité ils se sont contentés d’annoncer une catastrophe. Des con­sé­quences économiques terribles  : un plongeon des Bourses, une crise de confiance, le blocage des investissements, l’effondrement de la livre sterling, le retour des droits de douane sur les importations, le plongeon dans la récession. Et encore nous ne reprenons ici qu’une partie de la caricature. À les suivre, la Grande-Bretagne hors de l’Union ressemblerait au tableau de Géricault, « le Radeau de la Méduse ». Comme si l’on pouvait convaincre les citoyens par un tel discours apocalyptique  !

Deux manières opposées d’escamoter le vrai débat sur la transformation de l’Europe.

Ce qui va se passer est plus simple. Le Royaume-Uni a un très important déficit extérieur structurel, lié à sa désindustrialisation. Après le Brexit, ce déficit sera plus difficile à financer. Le pays devrait donc jouer sur une dépréciation permanente de la livre sterling. La baisse des investissements étrangers va se combiner à la dépréciation du change. La baisse du revenu réel, et du pouvoir d’achat des ménages, due à la hausse des prix des importations, va conduire à un affaiblissement durable de la demande intérieure et de la croissance. Le pays sera condamné à jouer le dumping monétaire, social et fiscal vis-à-vis de l’Europe. Ce sont les couches populaires de chaque côté de la Manche qui en fin de compte feront les frais de cet ajustement.

Le vote britannique révèle l’importance du désaveu populaire vis-à-vis de l’orientation néolibérale des politiques européennes et de responsables qui, aux différents niveaux, malgré des alertes répétées, ont continué à se soumettre aux diktats des marchés financiers. Ce sont ces politiques qu’il faut le plus rapidement possible changer. Sortir de l’Europe accentue la concurrence entre les peuples sous le regard des financiers qui continuent à imposer leur loi. Comme le montrera l’exemple britannique, ce n’est pas la solution. Se battre pour une refondation de la construction européenne, et notamment plus de solidarité et une maîtrise collective des banques, des institutions financières et des choix politiques de la Banque centrale européenne, est indispensable et urgent. Là est la bonne question à poser aux citoyens.

Jean-Christophe Le Duigou, Humanité Dimanche


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