Traités de l’Union européenne : Rompre

mardi 17 novembre 2015.
 

S’il fallait encore se convaincre de l’intransigeance et du refus de tout compromis de Bruxelles et Berlin, la leçon en a été administrée lundi 9 novembre. La victime est de nouveau la Grèce et le gouvernement d’Alexis Tsipras.

Pourtant Alexis Tsipras était arrivé confiant au sommet de l’Eurogroupe afin de bénéficier d’une première tranche d’aide de 2 milliards d’euros promise par le Mémorandum. Son gouvernement n’avait-il pas appliqué à la lettre les mesures d’austérité imposées par la Troïka ? Il y avait bien une exception, mais les arguments d’Alexis Tsipras avaient la force du bon sens. Comment, en effet, décider de l’expulsion de leur résidence principale de grecs endettés quand la Grèce fait tant d’effort pour les réfugiés arrivés de l’autre côté de la Méditerranée ? Exiger de Tsipras qu’il applique cette mesure serait faire un cadeau à tous les xénophobes, Aube Dorée en tête, qui travaillent la société grecque. C’était ne pas comprendre que Mme Merkel et consorts n’aiment un leader de l’autre gauche européenne que soumis. Pas question de laisser à l’homme qui leur avait fait si peur la moindre chance de revenir avec un point marqué, même sans conséquence.

Aucun répit ne sera donc accordé à Alexis Tsipras et ses amis. La bonne nouvelle c’est que du coup Syriza lui-même a appuyé la première grève générale contre les mesures d’austérité le 12 novembre.

Au delà des répercussions de cette décision en Grèce, cela prouve, s’il en était besoin, l’impossibilité de réformer l’Europe des actuels traités. Rien ne sera possible sans rapport de force, sans rupture et sans mesures de désobéissance unilatérales. S’il respecte son programme anti-austérité, le nouveau gouvernement portugais devait vite tester lui aussi la fermeté austéritaire de l’Eurogroupe.

Puisqu’elle reprend des couleurs (après la victoire interne au parti travailliste de Corbyn, les succès des listes citoyennes à Barcelone ou Madrid, la nouvelle majorité de gauche au Portugal semblent le montrer), il est donc grand temps pour l’autre gauche européenne d’aiguiser ses armes en prévision des futures confrontations. C’est justement l’objectif du premier sommet internationaliste du plan B qui se tient ce week-end à Paris, seulement trois mois après que nous en ayons lancé l’idée. Preuve de son intérêt et de son urgence.

Si la poussée de l’autre gauche, du moins dans les pays méditerranéens, semblerait même capable de bouger la social-démocratie vers la gauche (chat échaudé craignant l’eau froide, on attendra un peu pour lever le conditionnel), il en est un qui rêve en tout cas d’une toute autre recomposition pour le PS. Manuel Valls annonce en effet toujours plus sérieusement la possibilité de fusion des listes de son parti derrière les républicains pour faire échec au FN. Le premier ministre mesure-t-il le cadeau royal fait à Mme Le Pen qui pourrait alors interpréter son rôle favori du parti anti-système ? Qu’elle remporte une telle confrontation, ce serait lui ouvrir toujours plus la voie pour 2017. Mais c’est aussi renouer avec le vieux rêve de Valls et consorts d’une union des libéraux en vue d’une recomposition toujours plus à droite de la vie politique française. Raison de plus de voter pour les listes de l’opposition de gauche et de leur permettre partout des scores à deux chiffres, une assurance qu’il y aura au moins une liste de gauche qui se maintiendra contre la droite et l’extrême droite le 6 décembre au soir.

Eric Coquerel Co-coordinateur politique du Parti de Gauche


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