CAC 40. Plus de 83 % du magot dans la poche des actionnaires

dimanche 12 juin 2016.
 

En pleine saison des assemblées générales, on parle beaucoup des salaires mirobolants des patrons du CAC 40. Pour faire avaler ces grosses couleuvres à leurs actionnaires, censés mettre le holà aux dérives, il faut caresser ces derniers dans le sens du poil. Et les manageurs ne font pas dans la demi-mesure. Cette année encore, les dividendes vont couler à flots.

Sans surprise, la saison est belle pour les actionnaires. Selon la presse financière, les entreprises cotées à la Bourse de Paris ont été, en 2015, les plus généreuses de la zone euro en termes de distribution de dividendes. Et elles sont bien parties pour garder leur titre. Les groupes du CAC 40 devraient en effet verser en 2016 (au titre de l’exercice 2015) quelque 46,1 milliards d’euros de dividendes, soit 17 % de plus que l’année dernière. Si l’on ne tient pas compte des dividendes exceptionnels versés par Nokia et Vivendi, la hausse atteint malgré tout 9 %. Pour calmer un de ses actionnaires, le fonds activité américain PSAM, qui réclamait une part de gâteau après les ventes de SFR, GVT, Maroc Telecom et Activision Blizzard, Vivendi a lâché en effet 6,75 milliards d’euros de dividendes exceptionnels. Quant à Nokia – qui a racheté Alcatel-Lucent –, il a décidé d’une petite fleur supplémentaire après des bénéfices plus élevés que prévu. Passage à vide

Pourtant, sur le papier tout au moins, les entreprises du CAC 40 ont dégagé en 2015 des profits cumulés de 55,21 milliards d’euros, en baisse de 12,8 % par rapport à 2014. Ce petit passage à vide doit certes beaucoup aux lourdes pertes affichées par Engie (ex-GDF Suez) et ArcelorMittal – respectivement 4,6 et 7,15 milliards d’euros – dues à d’énormes dépréciations d’actifs. Ou encore de Lafarge Hocine ou Klépierre pour les mêmes raisons. Mais si l’on raisonne en masses cumulées, les actionnaires vont donc recevoir sous forme de dividendes 83,5 % de ces profits. Rien de bien exceptionnel. Depuis quelques années, la manne dépasse souvent les 80 %. De quoi plomber l’investissement qui, lui, au mieux, stagne. Hors banques et assurances, l’investissement total des sociétés du CAC 40 a été de 83 milliards d’euros en 2014, con­tre 86 milliards en 2013 et 92 milliards en 2012.

Trop global ce petit calcul  ? D’accord, alors voyons par groupe. Total – et c’est en général le cas tous les ans – sera le plus gros donateur de dividendes cette année  : 5,71 milliards d’euros, soit un dividende maintenu au même niveau que l’année d’avant, malgré un résultat net en baisse de 18 %, se montant à 9,5 milliards d’euros. C’est plus de 60 % versés directement dans la poche des actionnaires. La proues­se a un prix  : Total a réduit ses investissements de 15 % en 2015, et les baissera encore de 17 % cette année. Et supprimera 2 000 emplois dans le monde. Puiser dans la trésorerie

Second généreux pourvoyeur  : Vivendi, qui va donc verser 4,027 milliards d’euros de dividendes dont 3,759 milliards de dividendes exceptionnels. Pour 2015, son résultat net, soit 1,932 mil­liard d’euros, est pourtant en baisse de 59 % par rapport à 2014, du fait essentiellement d’un effet de base résultant des ventes de filiales réalisées en 2015. Les actionnaires vont donc empocher près de deux fois plus que les profits, le groupe puisant dans son abondante trésorerie (6,4 milliards d’euros fin 2015) accumulée après les cessions.

Troisième sur le podium, Sanofi, avec la coquette somme de 3,811 milliards d’euros. Profitant de la faiblesse de la devise européenne, le groupe pharmaceutique affiche pour 2015 un résultat net en hausse de 7,7 %, qui atteint 7,37 milliards d’euros. Les actionnaires vont donc en rafler plus de la moitié (51,4 %). À taux de change constant, le résultat net aurait baissé de 0,9 %. Mais bon, pas de mesquinerie  ! Quand il faut gratter, c’est sur l’emploi. Sanofi va donc supprimer 600 postes de plus en France sur trois ans. Depuis 2008, plus de 5 000 emplois y ont déjà été rayés de la carte.

Ajoutons que, au-delà des dividendes, les actionnaires peuvent espérer quelques rachats d’actions par les groupes eux-mêmes, et bien sûr à bon cours. Rien qu’en janvier Sanofi leur a ainsi reversé 730 millions d’euros par ce biais. En 2015, les entreprises du CAC 40 ont racheté au total 5,2 milliards d’euros de leurs propres actions, histoire de compenser des dividendes moins dodus. Tranquille  !

dominique sicot Jeudi, 26 Mai, 2016 Humanité Dimanche


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message