L’effondrement idéologique du PS et LR. Le déclin des partis ?

jeudi 28 avril 2016.
 

Les journalistes ont tendance à confondre le fait d’être adhérent à un parti et le fait d’en être un militant actif. Néanmoins, il reste vrai que le nombre d’adhérents des partis est en forte régression : c’est l’image de la perte de confiance de nombreux électeurs envers les partis.

Le bipartisme ne suffit plus pour assurer l’hégémonie politique de la classe dominante.

Nous nous référons ici à deux sorties de presse relativement bien documentées.

Premier article.

Militantisme : les partis sont à l’agonie.

Source : Le Parisien 23/04/2016,par Frédéric Gerschel

http://www.leparisien.fr/politique/...

Qu’il est loin l’objectif de 500 000 adhérents que s’étaient fixé le PS et LR ! Nous avons voulu faire la clarté sur les effectifs des partis, en chute libre.

Déçus de la politique du gouvernement que d’aucuns trouvent éloignée des valeurs socialistes, lassés de la logique d’appareil, certains militants ont décidé de raccrocher.

Exit les partis de masse, la grande époque où le RPR et le PCF revendiquaient 500 000 à un million d’adhérents. Aujourd’hui, c’est l’heure des basses eaux. Entre le PS ( 135 833 militants, mais 86 171 vraiment à jour de cotisation au 1er janvier), les Républicains (238 208 à jour au 1er janvier), le FN (84 000, mais 57 000 à jour au 1 er avril), le PCF (70 000 à jour environ), le MoDem (14 000), le Parti de gauche (8 000), les Verts (4 000 à 5 000 en 2015), à peine 1 % des Français de plus de 18 ans ont leur carte dans un parti.

C’est l’un des symptômes du rejet massif des électeurs envers la classe politique. La raison ? Le sentiment que les querelles d’hommes ont pris le pas sur le débat d’idées et que les partis ne sont plus que des écuries. Quand il ne s’agit pas d’un écœurement face à des affaires du type Bygmalion, même si la droite reprend des couleurs à l’approche de sa primaire.

Non, le grand malade, c’est le Parti socialiste, qui subit une hémorragie militante. Depuis 2012, il a perdu presque 40 000 adhérents ! Parce qu’il est dans la majorité. Parce qu’il a accumulé les défaites. Mais surtout parce que beaucoup de ses adhérents se sentent trahis par un président qui mène une politique sociale-libérale. François Hollande, fossoyeur de la gauche ? Les témoignages de sympathisants ayant déchiré leur carte pour cette raison ne manquent pas. Avec des conséquences financières lourdes quand on sait que chaque fédération reverse 17 € par carte au siège de Solferino. Voilà même la longtemps puissante fédé du Nord menacée de faillite... Le FN n’en profite pourtant pas, même s’il revient de loin depuis son plongeon à 8 000 adhérents après la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007.

Les primaires ont privé les militants de leur prérogative souveraine

Car c’est la raison d’être même des partis qui est remise en cause. Les primaires ouvertes, où tous les sympathisants peuvent voter, ont privé les militants dûment encartés de ce qui était leur prérogative souveraine : choisir leur candidat pour l’Elysée. Les voilà relégués au rôle de colleurs d’affiches, alors que les décisions stratégiques sur la ligne et les idées se prennent dans les sièges parisiens. Le conseiller d’un des possibles candidats du PS à la présidentielle soupire : « Ce parti, qui n’a pas voulu trancher depuis vingt ans les problèmes doctrinaux, ne sert plus à grand-chose. » Désormais, il suffit d’un microparti et d’un site Internet pour se lancer dans la course présidentielle, comme en témoigne la fusée Macron avec ses adhésions à 0 €.

Cette désaffection ne doit toutefois pas faire oublier que les partis ont longtemps fait de la gonflette sur leurs effectifs. Ils sont depuis contrôlés par huissiers, même s’ils restent très opaques. En témoigne cet aveu d’un ancien cadre du RPR : « Les chiffres étaient totalement truqués dans les années 1980. La règle était simple, il fallait systématiquement gonfler les statistiques. De toute façon, personne ne pouvait contrôler. »

Les deux grands partis en chute libre

Il manque 400 000 cartes au PS !

Il manque donc quelque... 400 000 cartes pour atteindre l’objectif fixé par Cambadélis, le patron du PS, le 13 décembre 2014. Selon un document interne que nous nous sommes procuré, le Parti socialiste comptait 86 171 militants à jour de cotisation fin 2015. Mais si l’on prend le « volume actif », soit les militants figurant dans les fichiers sans forcément avoir régularisé leur adhésion, les troupes s’élèvent à 135 833 personnes, soit 1,5 fois plus ! Malgré les difficultés, la fédération du Pas-de-Calais apporte le plus gros contingent d’encartés (4 969 militants à jour de cotisation fin 2015), devant Paris (4 920) et le Nord (4 688).

Pour la fin 2016, le PS table sur 109 225 adhérents. Optimiste ? Maigre, surtout, comparé aux 173 486 cartes de 2012. « Historiquement, le parti qui est au pouvoir perd beaucoup d’adhérents. C’est systématique, il y a toujours une grosse poussée avant l’élection présidentielle et une baisse après », relativise un cadre. Rue de Solferino, on reconnaît que les défaites électorales de 2015 n’ont pas aidé. Et l’on compte sur la perspective des élections présidentielle et législatives pour ramener les égarés dans le giron. « Il y a un travail à mener auprès de celles et ceux qui n’ont pas repris leur carte en 2015 », explique-t-on. « Cela correspond à une évolution de la société. Les partis sont concernés comme les syndicats.

Le débat politique n’est pas mort, mais il prend une nouvelle forme », estime pour sa part Carlos Da Silva, secrétaire national du PS aux adhésions, qui mise « sur la Belle Alliance populaire (NDLR : le mouvement lancé par Cambadélis il y a dix jours) pour élargir et dépasser le PS ».

A entendre les frondeurs, le problème va bien au-delà. « Le PS traverse une crise politique dont les conséquences sont visibles sur les adhésions, assène leur chef de file, Christian Paul. Le blues militant est indexé sur les défaites électorales, les choix du gouvernement et le sentiment que le parti ne défend pas ses positions. » Même constat du côté de la Fabrique. Le porte-parole de ce courant minoritaire, Yann Galut, raconte les « réunions de section à moitié vides » dans sa circonscription du Cher. « Ceux qui ne démissionnent pas ne viennent plus. Il y a du désarroi, de l’incompréhension et pas de perspectives », rapporte-t-il. Officiellement, le PS ne renonce pas à l’objectif de 500 000 adhérents en 2017. Commentaire d’un responsable local, qui s’échine à enrayer les départs : « C’est lunaire ! »

Pour consulter les graphiques et lire la suite, cliquez ici

Deuxième article.

Comment réinventer le militantisme  ?

Source : La Croix 21/08/2015 par Céline Rouden,

http://www.la-croix.com/Actualite/F...

Le PS et Les Républicains sont confrontés depuis quelques années à une fuite de leurs militants qui regrettent que les batailles d’hommes prennent le pas sur les débats d’idées. Des tentatives existent pour faire émerger une autre façon de s’engager.

Les universités d’été des partis politiques qui débutent à partir du 22 août, avec leur lot d’images de leaders politiques en tenue décontractée entourés de militants enthousiastes, masquent mal la crise que traversent toutes les organisations politiques dont les effectifs n’ont cessé de fondre au cours de ces dernières années.

Particulièrement au PS et chez Les Républicains. « Les difficultés des partis de gouvernement à agir dans un contexte de crise et l’absence de marges de manœuvre, politique et budgétaire, nourrissent le pessimisme à l’égard de la politique », résume Alain Bergounioux, historien et directeur des études du PS.

Trois ans à peine après l’élection de François Hollande, le Parti socialiste aurait perdu le tiers de ses militants. Sur les 120 000 adhérents à jour de cotisation fin 2014 (170 000, fin 2011), seulement 65 000 ont voté pour départager les motions en lice lors du congrès de Poitiers, en juin.

Loin des objectifs

Ses effectifs réels seraient plus proches de 90 000 adhérents, selon Frédéric Sawicki, professeur de science politique à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui a fait une étude dans plusieurs fédérations, « soit le chiffre le plus bas depuis la refondation du parti en 1971 », écrit-il (1).

L’ex-UMP devenue Les Républicains n’a pas de quoi pavoiser. Nicolas Sarkozy et sa promesse de « tout changer dans le parti, du sol au plafond » n’ont pas convaincu ses propres militants. À peine 97 000 d’entre eux ont voté fin mai, lors du congrès de refondation, sur 200 000 cotisants.

On est loin, très loin de l’objectif de 500 000 adhérents à atteindre en 2017, brandi aussi bien par le président des Républicains que par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Un chiffre qu’aucune des deux formations n’a jamais atteint.

Faiblesse du syndicalisme

La France n’est pas un pays de militants, comme l’atteste la faiblesse du syndicalisme. Et hormis le PCF des années 1970, il n’a jamais compté de partis de masse. Même en surfant sur une dynamique électorale positive, le Front national compterait à peine un peu plus de 50 000 adhérents.

À une tendance de fond de crise du militantisme, qui touche tous les pays occidentaux depuis la fin des années 1970, sont venus s’ajouter des éléments plus conjoncturels. « Classiquement, les partis au pouvoir ont tendance à décevoir et voient partir leurs militants, confirme Frédéric Sawicki. Au PS, le phénomène est amplifié par la perte de nombreux bastions municipaux et départementaux. Or, 40 % des militants sont des élus ou des conseillers d’élus. »

À droite, les déchirements entre François Fillon et Jean-François Copé pour la présidence de l’UMP continuent de laisser des traces au moment où une nouvelle compétition s’engage en vue de la primaire. « Je crois que les militants sont exaspérés par les batailles d’hommes alors que le pays est en train de se débattre dans des difficultés rares », concède Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et chargée des adhésions aux Républicains.

L’idéal n’est plus un motif d’adhésion

Les Français refusent de s’en remettre à des partis réduits à de simples écuries présidentielles et qui fonctionnent sur des schémas du passé. « Il n’y a plus aucun débat interne, confirme Achraf Ben Brahim qui a passé plusieurs mois en immersion dans une dizaine de partis politiques (2). On vous demande simplement de propager la bonne parole en distribuant des tracts, pas de donner votre avis sur une ligne fixée dans le huis clos du bureau politique. »

Avec l’instauration, à droite comme à gauche, de primaires pour l’élection présidentielle ouvertes aux sympathisants, les militants ont perdu en outre le monopole qui était le leur  : celui de choisir leur candidat.

« Les gens n’adhèrent plus aujourd’hui par idéal, avec comme dans les années 1970 une volonté de transformation sociale, mais par ambition professionnelle ou électorale », regrette Alain Bergounioux.

Professionnalisation des partis politiques

Le résultat est une professionnalisation des partis politiques qui recrutent dans les mêmes milieux et cultivent une forme d’entre-soi mortifère. « Les partis se rétractent et perdent à la fois leur relais dans la société et leurs réseaux d’influence, analyse Frédéric Sawicki. Tout ça s’étiole et se paye électoralement. »

Cette hémorragie de militants ne signifie pas pour autant que la vie politique et sociale soit devenue complètement atone. Le militantisme associatif se porte toujours bien. Et le mouvement de la « manif pour tous » a mobilisé des milliers de personnes dans la durée contre la loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe.

« Je continue à penser que les Français sont passionnés de politique, affirme Sophie Primas. Mais on assiste à une mutation de l’engagement politique. Les Français ne veulent plus de grand-messe, ni de politburo qui dicte la ligne. Ils ont envie de dire ce qu’ils pensent et de s’engager plus ponctuellement. C’est à nous de rénover le militantisme et d’inventer des partis aux frontières plus souples. »

Valeurs et convictions

Avec le mouvement Sens commun, certains militants de « La manif pour tous » ont décidé de prolonger le combat au sein des Républicains, en étant à la fois dedans et dehors. Son président, Sébastien Pilard, ne cache pas qu’il s’agit d’un moyen de peser sur le programme du principal parti de droite.

« Nous défendons une droite de convictions, notamment sur les grands sujets de société qui sont au cœur du clivage droite-gauche. Si on fait de la politique sans valeurs ni convictions, il ne faut pas s’étonner qu’il n’y ait plus de militants dans les partis. »

> Relire  : Ils sont militants de génération en génération

La Coopérative, lancée par Europe Écologie-Les Verts en 2011, avait également pour ambition de créer un réseau d’écologistes « non encartés » à côté du parti. Une idée ardemment défendue à l’époque par Daniel Cohn-Bendit.

« Il y a chez nous un turnover important de militants, explique David Cormand, responsable des élections. La moitié d’entre eux changent tous les cinq ans. Ils adhèrent souvent pour des motifs environnementaux mais ne sont pas à l’aise avec la forme du parti. Il fallait trouver un moyen de les retenir. »

Un projet collectif

L’expérience n’a pas été pour l’instant concluante. La structure qui regroupe aujourd’hui 3 000 adhérents est en sommeil. « Elle a été conçue à l’origine comme un contre-pouvoir à l’appareil tenu par Les Verts, reconnaît David Cormand. Du coup il y a eu une méfiance réciproque mais l’intuition était juste  : dépasser la forme traditionnelle des partis et proposer un engagement à la carte, une sorte de militantisme light. »

« Le pari des 500 000 adhérents ne pourra être tenu qui si on change la notion d’adhérent et qu’on fait évoluer nos pratiques militantes », approuve Alain Bergounioux, côté PS. Le politologue Frédéric Sawicki met toutefois en garde contre cette mort annoncée des partis qu’on souhaite remplacer par des structures « plus souples, plus temporaires, plus participatives ».

« Si les partis sont faibles, les politiques seront dictées par les lobbys et les corporatismes, estime-t-il. Le rôle des partis, c’est aussi de hiérarchiser tous ces intérêts particuliers pour proposer un projet collectif. »

Les effectifs des partis politiques en France

Seul parti de masse en France, le Parti communiste français (PCF)a compté jusqu’à 800 000 adhérents à son apogée en 1946. Il en compte encore officiellement 700 000, fin 1979 avant de tomber à 130 000 en 2012, dont la moitié serait à jour de cotisation.

Depuis sa fondation en 1971, le PS, qui se voulait pourtant un parti de militants, n’a jamais guère dépassé les 200 000 adhérents. Il a connu un pic en 2006 – avec 280 000 adhérents – lors de l’adhésion à 20 € avant la primaire de 2007. Même en 1981, au moment de la victoire de François Mitterrand, il ne comptait que 214 000 adhérents. Il a connu un point bas en 2002 avec 147 000 adhérents, et en revendiquait 130 000, fin 2014.

L’UMP, qui comptait 164 500 membres en 2002 lors de sa création, a rassemblé jusqu’à 370 000 adhérents en 2007 après l’élection de Nicolas Sarkozy. Le nombre de militants décroît alors régulièrement pour atteindre 170 000 adhérents à jour de cotisation en juin 2014, selon son secrétaire général Luc Chatel.

Les autres formations politiques comptent toutes largement moins de 100 000 adhérents. Le FN en revendiquait 83 000, fin 2014, contre 22 000 en 2011. Europe Écologie-Les Verts affichait fin 2014 environ 10 000 adhérents, et le Parti de gauche 9 000.

Les syndicats français n’attirent pas beaucoup plus les militants. Après une longue période de décrue entre la Libération et la fin des années 1980, le nombre de salariés syndiqués se serait stabilisé autour de 1,8 million, soit 8 % des salariés, un taux historiquement bas.

Malgré le manque de transparence des organisations sur le nombre de leurs adhérents, la CFDT se placerait en tête avec plus de 860 000 adhérents revendiqués, devant la CGT qui en affiche 680 000. Quant à FO qui ne communique pas ses chiffres, le nombre de ses militants est estimé entre 400 000 et 500 000.

Au sein des Républicains comme du Parti socialiste, la recherche d’arguments pour convaincre une nouvelle génération militante est devenue un enjeu majeur.

La crise de confiance qui touche les politiques, à qui les Français reprochent leur impuissance et leurs querelles de personnes, touche également de plein fouet les vocations militantes, de plus en plus rares.

La crise de confiance qui touche les politiques, à qui les Français reprochent leur impuissance et leurs querelles de personnes, touche également de plein fouet les vocations militantes, de plus en plus rares.

Notes :

1) « PS  : un parti en ordre de bataille, mais sans bataillons », revue Esprit, juillet 2015.

(2) Encarté  ! Mon immersion dans les partis politiques, Lemieux éditeur, 2015.

Céline Rouden

Fin des articles.

Hervé Debonrivage


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