Comment reconstruire la gauche ? Rassemblement et lisibilité

vendredi 25 décembre 2015.
 

Quand un universitaire, doté de fortes convictions dites «  de gauche  », se confronte pour la première fois de sa vie à une élection – tête de liste départementale du rassemblement « Nouveau monde en commun » pour la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon – il est d’abord confronté à un constat implacable : «  C’est quoi la gauche aujourd’hui ?  », question – et parfois réponse désespérante – entendue des centaines de fois durant cette campagne.

Alors, avant même de construire de savants discours, d’échafauder de nouvelles grilles programmatiques, de recourir à de nouveaux paradigmes, il convient, humblement, de faire retour au réel, au quotidien de ceux pour qui la «  gauche  » est supposée faire sens. Retour en quelque sorte aux exigences les plus élémentaires de la praxis, selon Marx. Et, prosaïquement, nous voilà entravés déjà par un problème de vocabulaire, d’identification terminologique, qui constitue la condition même de toute communication. Or, qui oserait aujourd’hui soutenir que la communication n’est pas – hélas – au cœur de la politique ? Ou que la politique n’est pas, si souvent, réduite à une pure communication ?

Sur ce terrain de la communication – qui définit l’espace public – le vocable de «  gauche  » s’inscrit dans un champ lexical sursaturé et illisible pour le citoyen ordinaire : le Front de «  gauche  » comporte une composante, un Parti de «  gauche  ». La première règle épistémologique est, pourtant, que le même mot ne peut désigner le tout et une partie de ce tout. Mais le Parti socialiste est aussi un parti – le premier – de «  gauche  ». La deuxième règle épistémologique est, pourtant, que l’on ne peut être à la fois dehors et dedans. Pour faire bonne mesure, on ajoute le Parti radical «  de gauche  », et comme l’électeur de base ne comprend pas ces subtilités sémantiques, on le rassure en lui disant que la radicalité est ici modérée et ne relève évidemment pas «  de la gauche de la gauche  »… Raymond Devos et Boby Lapointe sont des génies du langage… pour faire rire. La duplication de leur jonglerie lexicographique dans l’ordre du politique engendre, à l’inverse, des larmes de désespérance.

Ne plus savoir ce que les mots veulent dire constitue, déjà, le premier symptôme de la maladie qui affecte la «  gauche  » et qu’il faut traiter d’urgence. Camus disait en substance que «  se tromper sur les mots, c’est ajouter au malheur du monde  ». L’absence d’identification qui résulte des polysémies ci-dessus évoquées rend la gauche illisible.

Ayant admis qu’une partie de celle-ci n’est plus réellement la gauche et qu’elle vise en réalité à opérer une recomposition politique avec une partie de la droite et du centre droit, il reste que «  la gauche de la gauche  » sera réduite à l’impuissance tant qu’elle continuera à cultiver la multitude de ses chapelles et à privilégier ce qui fragmente.

Lever de telles hypothèques mortifères, tel était le sens du large rassemblement constitué pour les élections régionales en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, grâce à la lucidité et à l’intelligence politique de responsables comme l’écologiste Gérard Onesta et la communiste Marie-Pierre Vieu. Il ne s’agit, certes, que d’un fragile laboratoire, mais le rassemblement, l’unité, et donc la lisibilité et l’intelligibilité, constituent les premières conditions de reconstruction d’une gauche, qui devra elle-même déconstruire les amalgames et contradictions terminologiques : l’unité d’action corrigera la multiplicité des appellations. Encore la praxis !


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