Europe, tripartisme français, médias, 5ème république, régions... Briser un à un les tabous

mercredi 4 novembre 2015.
 

La révolte salutaire des salariés d’Air France aura permis de mettre à nu toute la brutalité d’un système médiatique complétement décrédibilisé. Des chaines d’information aux grands quotidiens du pays, la chemise arrachée est devenue le nouveau symbole de l’humiliation et de la violence. Oubliez les vies saccagés, les suicides et les divorces. Oubliez les années de sacrifices d’un personnel bien plus attaché à son entreprise que ceux qui se succèdent au sein de son conseil d’administration. Qu’on les traduise enfin devant un tribunal  !

Le verrou de l’idéologie dominante n’est pas nouveau. Gramsci aurait trouvé dans notre époque une formidable matière pour ses études. Il aurait sans nul doute élargi «  l’appareil d’hégémonie politique et culturelle des classes dominantes  » aux chaines de télévision, en particulier aux chaines d’information tant celles-ci en sont devenues des vecteurs parmi les plus actifs. La caricature de l’idéologue néolibéral transformé en expert économique en est l’illustration parfaite.

Ici est posé tout l’enjeu de la bataille culturelle. Elle ne peut se substituer à la solidarité immédiate et concrète avec ceux qui ont défiés, le regard haut, les représentants de la machine à broyer leurs vies. L’inertie populaire se nourrit de peur et de répression. Le gouvernement l’a bien compris en traitant avec une brutalité inouïe les six salariés qu’il a fait arrêter au petit matin. L’oligarchie connait mieux que personne la force de l’image (le salarié violent et alcoolique, le couteau entre les dents du communiste ou la représentation médiatique de Jaurès en sont quelques exemples). Elle sait que la chemise pourrait bien devenir le symbole de ceux qui ne baissent pas les yeux. Il faut donc éteindre la braise. Il n’y a pas d’autres explications aux traitements infligés à ces salariés, bien loin des honneurs accordés aux Balkany, Guéant ou Cahuzac, véritables voyous de la République.

Mais la bataille culturelle est aussi une stratégie du temps long. C’est comprendre les ressorts de la servitude volontaire, ces mécanismes qui rendent acceptable un système inique conduisant l’humanité à sa perte. C’est rendre crédible et atteignable un autre modèle d’organisation de la société. C’est utiliser les codes de l’idéologie dominante pour y mener la contre-offensive, tel Ulysse devant Troie. C’est faire sauter un à un tous les verrous qui enferment la détermination, l’intelligence et la créativité populaire au profit d’une minorité oisive et incapable.

La construction européenne est sans aucun doute le premier de ces verrous. L’empressement des libéraux européens à détruire les germes de l’alternative en Grèce démontre la place stratégique majeure qu’occupe l’Union Européenne dans le dispositif capitaliste. La course morbide que se livre les grandes puissances pour dépecer le cadavre du secteur public grec ont fait tomber les illusions médiatiques. Le peuple n’a jamais fait partie de l’équation. Seuls les intérêts capitalistes et financiers ont guidé les décisions de l’Eurogroupe, encouragé par les ronds de jambes de François Hollande. Dès lors, l’impasse dans laquelle s’est retrouvée Alexis Tsipras au mois de juin dernier ne peut rester sans réponse. C’est là tout l’enjeu du sommet internationaliste du plan B auquel participeront notamment Jean-Luc Mélenchon, Yanis Varoufakis et Oskar Lafontaine. Il est indispensable de construire une stratégie crédible pour affronter les puissances financières qui s’attaqueront à tout gouvernement incompatibles avec leurs exigences. Car il ne pourra y’avoir de modèles alternatifs au wagon fou du capitalisme sans une telle feuille de route. Cette initiative est donc un évènement majeur, rayon de soleil sur le sombre ciel européen.

Mais les cadenas du TINA («  There Is No Alternative  ») occupent aussi le champ électoral français. La piteuse manœuvre du «  référendum de l’unité  », le chantage au Front National érigé en argument ultime et la construction médiatique d’un tripartisme PS/UMP/FN ne sont que des éléments supplémentaires de ce carcan du «  vote utile  » qui verrouille la politique française. La mécanique est bien huilé. D’un côté, deux forces politiques qui se partagent le pouvoir depuis plusieurs décennies, enchainant promesses non tenues, passages en force, reniements, affaiblissement de la France sur la scène internationale. De l’autre, l’épouvantail du Front National pour ramener à la raison ceux qui pourraient, un instant, se tourner vers d’autres forces politiques. Il est plus que jamais temps de briser le décor en élargissant la brèche ouverte à Grenoble lors des dernières municipales. C’est là toute l’importance du large rassemblement citoyen et politique qui s’est construit dans notre région Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées en vue des prochaines élections régionales.

Les puissants l’ont bien compris. Les sondages, commandés par le groupe « La Dépèche » (dont personne n’oserait remettre en cause l’indépendance politique …) récitent leurs partitions à merveille, jouant avec les listes et les étiquettes pour masquer l’enjeu réel du scrutin. Ils n’y parviendront pas si nous savons faire de notre rassemblement une force politique et citoyenne, crédible, cohérente et ouverte sur la société. Nos pages de consensus, déclinaison régionale d’un écosocialisme plus que jamais nécessaire, en sont le socle alliant dans une nouvelle synthèse ambitieuse la défense de l’intérêt général, la bataille pour l’égalité et la sauvegarde de l’écosystème humain. Il nous appartient désormais de permettre à chaque habitant de notre région de s’emparer de cette démarche. Car si la crise démocratique aigüe que nous connaissons enferme dans l’abstention celles et ceux qui souffrent le plus des politiques menées, écœurés par des années de reniements, de mensonges et de trahison, ce n’est qu’avec leur participation active que nous pourrons renverser la table !

Bien sur, l’ouverture citoyenne de notre démarche est sans aucun doute trop imparfaite et trop limitée. Il n’existe pas de recettes parfaites pour cela. L’atonie d’un mouvement social qui peine à reprendre son souffle après l’échec du combat sur les retraites, l’ampleur de la défiance légitime vis-à-vis de toute construction politique, le manque de temps pour sa mise en œuvre et les réflexes pesants et craintifs des appareils politiques sont autant d’éléments limitants. Mais ici comme ailleurs les choses avancent et les habitudes bougent. La fissure deviendra une brèche si celles et ceux qui n’en peuvent plus se saisissent de cet outil pour le façonner à leur guise et expulser du pouvoir ceux qui l’ont confisqué depuis tant d’années.

Notre charte éthique et démocratique, engagements inédits pour un tel rassemblement, est l’exemple le plus frappant de ces avancées. Construite durant l’été par un travail d’enrichissement citoyen, elle récapitule les 43 engagements que prennent nos candidats pour permettre la réappropriation citoyenne du pouvoir. Elle contient des mesures extrêmement fortes et ambitieuses : refus du cumul des mandats, votations citoyennes, référendum d’initiative populaire, révocabilité des élus qui ne respecteraient pas leurs engagements. Elle est désormais reprise en modèle dans tout le pays et marque notre détermination à rompre avec un vieux monde politique en crise. Elle prépare une remise en cause plus globale des mécanismes de la souveraineté populaire, qui sera le thème majeur des prochaines élections présidentielles. Car c’est bien le verrou de la 5ème République qui enferme le peuple dans un rôle d’intermittent politique. Il faudra le briser lui aussi pour sortir notre pays de la crise et répondre enfin aux immenses défis qui sont devant nous.

Manuel Bompard, secrétaire national à la 6ème République


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