École nationale d’administration-ENA Démocratisation, renationalisation

samedi 24 octobre 2015.
 

Le 70ème anniversaire de l’ENA a été l’occasion d’un feu si nourri qu’elle en a presque inspiré pitié. Presque. Amélioration de la formation des hauts fonctionnaires, remise en cause du corporatisme, démocratisation du recrutement : l’école n’a atteint aucun des objectifs que lui assignait l’ordonnance la créant le 9 octobre 1945.

Selon son exposé des motifs, la scolarité devait développer chez les élèves « le sentiment des hauts devoirs que la fonction publique entraîne et les moyens de les bien remplir » mais, au fil du temps, elle a accordé toujours plus de place à des enseignements d’école de commerce (« séminaire de leadership » depuis 2010…). « Le management public et le management privé se sont beaucoup rapprochés » expliquait le directeur en 2011.

Qui dit business schools dit pantouflage : dans les années 1970, il fallait patienter 17 ans, en moyenne avant de pouvoir aller dans le privé ; aujourd’hui, l’aventure du privé commence huit ans après la fin de la scolarité. Le passage par l’ENA puis par l’administration est, de plus en plus, un marche pied vers l’entreprise. Ceci explique cela ? 30% des élèves externes sont aujourd’hui issus d’écoles de commerce quand ils n’étaient que 2% dans les années 1960.

Sciences Po accapare encore l’essentiel des places. La réforme initiée en 1945 devait remettre en cause la position dominante de celle qui s’appelait encore l’école libre des sciences politiques, « guère accessibles qu’à des étudiants aisés » selon l’exposé des motifs de l’ordonnance. Ni la création des instituts d’études politiques, ni plus tard les dispositifs d’accompagnement (conventions ZEP…) n’ont « démocratisé » l’ENA. La part des élèves dont le père exerce une profession supérieure est ainsi passée de 45% dans les années 1950 à 70% aujourd’hui.

Ce débat sur la démocratisation fonctionne, comme un écran de fumée. Hors sol et hors sujet, les énarques ne changeront pas en cooptant plus au sein des classes dominées. Renonçons à la démocratisation des écoles de la bourgeoisie pour mieux préparer la renationalisation de la formation des cadres de l’Etat : renationalisation d’une préparation initiale contrôlée par des intérêts privés, renationalisation d’une formation qui disperse les élèves en stage à la Commission européenne ou dans des entreprises privées, renationalisation des carrières trop souvent effectués en fonction d’intérêts très personnels…

Damien Prat


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