"Ils arrivent "chez nous" sur notre monceau de terre
Voulant juste voir grandir leurs gosses loin de la misère
Voulant juste réaliser ce pourquoi ils sont nés : vivre
Ils ont traversé la mer au péril des flots, à la dérive...
Fliqués, tabassés, ghettoïsés, car nous ne voyons que menaces
Peurs médiatisées et politisées qu’ils ne prennent "notre place"...
Plutôt sauver les riches, plutôt sauver les banques
Que femmes, hommes, enfants, fuyant misère et tanks
Lavons nos cerveaux de Sarko, de Zemmour, Le Pen et TF1
Redevenons vivants et tendons nos mains à ces frères humains
Chaque parcelle de terre appartient à chacun
Migrants, peut-être le serons-nous demain..."
Le 19 avril 2015, au lendemain de la mort en Méditerranée de plus de 800 migrants, l’écrivain italien Erri De Luca disait à la télévision un poème en leur hommage.
Notre mer qui n’es pas aux cieux
et qui de ton sel embrasses
les limites de ton île et du monde,
que ton sel soit béni
que ton fond soit béni
accueille les embarcations bondées
sans route sur tes vagues,
les pêcheurs sortis de la nuit,
et leurs filets parmi les créatures,
qui retournent au matin avec leur pêche
de naufragés sauvés.
.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
à l’aube tu es couleur de blé
au crépuscule du raisin des vendanges
nous t’avons semée de noyés plus que
n’importe quel âge des tempêtes.
.
Notre mer qui n’es pas aux cieux,
tu es plus juste que la terre ferme
même à soulever des murs de vagues
que tu abats en tapis.
Garde les vies, les visites tombées
comme des feuilles sur une allée,
sois leur un automne,
une caresse, des bras, un baiser sur le front,
de père et mère avant de partir. »
Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
hommes de pays loin
cobayes des colonies
doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d’Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polaks du Marais du Temple des Rosiers
.
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
la liberté des autres
.
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
.
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd’hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires labourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
.
Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez, même si vous en mourez .
Jacques Prévert. 1951. « Etranges étrangers » - 1951 - « Grand bal de printemps »
Il est à toi
ce passeport
pour tous les peuples,
avec un drapeau arc-en-ciel, et l’emblème d’une oie migratrice qui tourne autour du globe,
avec toutes les langues que tu veux, officielles ou pas,
en bleu océan, rouge sang séché, ou noir charbon prêt à brûler, à toi de choisir,
amène-le où tu veux, le passage est sûr et grand ouvert, le portail sorti de ses gonds,
tu peux entrer et sortir sans crainte, personne ne te retient,
personne ne te double dans la queue, ni te renvoie en arrière, il n’y a pas d’attente,
personne ne te dit Ihre Papiere bitte, déclenchant la tachycardie avec la pâleur de son index,
personne n’écarquille ni ne plisse les yeux en fonction du produit national brut par tête de la nation que tu laisses derrière toi,
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