Quelle stratégie politique pour construire un rassemblement populaire alternatif ?

mercredi 13 mai 2015.
 

- A) Un débat entre toutes les forces de gauche (par Christian Picquet)

- B) Gauche sociale et écologiste par Pascale Fautrier, auteure des Rouges

- C) Pour des «  mises en cohérence  » de classe par Céline Brulin PCF

A) Un débat entre toutes les forces de gauche (par Christian Picquet, porte-parole 
de la Gauche unitaire)

302440 Image 1Si elle veut redevenir porteuse de changement, la gauche n’a plus le droit de persister dans ce déni de réalité auquel nous aurons assisté à l’occasion des départementales. Scrutin après scrutin, le Parti socialiste essuie l’impitoyable sanction de la fuite en avant libérale du gouvernement. Mais les courants anti-austérité n’incarnent pas une relève crédible. Le tissu d’implantation territoriale, qui fit la force du camp progressiste, se déchire. Le mouvement social se révèle profondément affaibli par une longue succession d’échecs. La division que provoquent, à gauche, les orientations de l’exécutif alourdit le sentiment d’impuissance dans la société. Et c’est l’idéologie du repli et du renoncement aux exigences d’égalité et de solidarité qui marque des points dans les consciences. Tandis que le FN fait son miel des souffrances engendrées par le chômage, la précarité, la destruction des protections collectives.

Parlons sans détour  : l’heure ne peut être à l’illusion qu’une reprise économique permettra, d’ici 2017, de refaire le terrain perdu depuis le début du quinquennat de François Hollande. Elle n’est pas davantage à l’attente, au fond paralysante, d’un «  Syriza à la française  » qui viendrait prendre son essor sur les ruines de la social-démocratie. Elle est à un sursaut unitaire. Avant qu’il ne soit trop tard… Un sursaut qui permette de retrouver le chemin d’un peuple qui s’éloigne de la gauche. Qui soit ainsi de nature à remobiliser celles et ceux qui ont perdu confiance en leurs capacités de changer le cours des choses. Qui se révèle en mesure de contrer le développement d’un puissant bloc droitier dominé par les thématiques lepénistes. Qui s’attelle à offrir une réponse progressiste à la crise d’identité frappant un pays dont les conquêtes les plus fondamentales sont balayées par la globalisation marchande et financière, ce qui implique en tout premier lieu de redonner un sens à la République et de redéfinir, en fonction des fondements universalistes de cette dernière, la place de la France dans le concert des nations.

Le sursaut ne deviendra possible qu’à travers un changement complet de cap à la tête du pays. Le collectif socialiste Vive la gauche  ! vient en ce sens d’appeler à la construction d’un contrat de majorité à même de pouvoir de nouveau rassembler la gauche autour d’une orientation alternative à celle des actuels gouvernants. Il a raison  !

Engageons donc partout le débat entre toutes les forces de gauche disponibles au travail en commun. Sur ce qui pourrait devenir un nouveau «  pacte républicain  »... Sur le plan d’investissement massif que permettrait la rupture avec le pacte européen d’austérité... Sur le nouveau modèle de développement et de réindustrialisation propre à favoriser une relance socialement utile et écologiquement soutenable... Sur la grande réforme fiscale de nature à initier la redistribution des richesses... Sur la remise du système bancaire sous contrôle public, afin de réorienter le crédit en direction de la conversion écologique de l’économie, autant que de l’aide aux PME. Sur les grandes avancées sociales qu’attend le monde du travail, avec en premier lieu l’instauration d’une sécurité sociale professionnelle assurant le droit à l’emploi comme à la formation professionnelle tout au long de la vie. Sur la revitalisation démocratique qu’appelle une Ve République à bout de souffle, pour redonner aux citoyens les moyens de décider et ouvrir de nouveaux droits aux salariés dans les entreprises. Des forces existent, jusqu’au sein du Parti socialiste, pour enclencher cette dynamique de rassemblement, éviter que de nouvelles collectivités basculent à droite lors des prochaines régionales, conjurer la débâcle qui nous menace tous pour 2017. Il en va réellement de la survie de la gauche

B) Gauche sociale et écologiste par Pascale Fautrier, auteure des Rouges

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Ici, dans le journal des rouges, fondé par Jean Jaurès, osons le dire  : la survie d’une gauche de changement passe par son rassemblement dans un nouveau parti. Quelle est la situation  ? L’actuel premier secrétaire du Parti socialiste entonne la rengaine de l’«  unité  », ultime perversion du mitterrandisme  : cette entourloupe politique visant à accréditer la politique de droite de M. Valls accélère la perte d’influence de nos idées. Nous ne souhaitons pas la mort du PS  : mais cette stratégie d’englobement n’est même pas dans l’intérêt de ce parti, et elle élimine la gauche au second tour. La «  belle alliance  » de la carpe libérale et du lapin de gauche, divisant l’opposition de gauche, ne convaincra pas les abstentionnistes de revenir. Et pour cause  ! Comment supporter que la gauche se perde dans d’inacceptables compromis, qui ont pour seuls résultats l’exponentielle explosion des inégalités sociales et le gaspillage irresponsable des ressources naturelles. Est-ce «  éco-socialiste  » de favoriser les sociétés privées qui gèrent les autoroutes  ? Il n’y aura de vraies raisons de voter et de s’engager à gauche que si une autre gauche émerge visiblement dans le paysage politique. L’émergence d’un pôle uni de la gauche sociale et écologiste est nécessaire à la vie d’une démocratie digne de ce nom.

Oui, c’est parce que le Parti communiste a été un outil d’organisation de masse des salariés les plus défavorisés que la démocratie a pu avoir un sens dans ce pays. Il faut que François Hollande ait perdu sa boussole démocratique pour comparer le PCF aux ennemis de l’égalité que sont les militants du FN. Qui ne sait que l’eurocommunisme des années 1970 a été une franche rupture avec le stalinisme  ? Oui, Jean-Luc Mélenchon a raison de souhaiter le passage à une autre République et de faire avancer avec le M6R l’idée de la convocation d’une Constituante  : réjouissons-nous de sa popularité (évidente dans la manifestation du 9 avril). Oui, Clémentine Autain a raison de vouloir accueillir dans nos rangs davantage de femmes et de personnes issues des minorités ethniques, et d’inventer de nouvelles manières de faire de la politique dans les Chantiers d’espoir. Oui, Cécile Duflot a fait preuve de courage en rompant avec le gouvernement Valls  : encourageons-la à nous rejoindre.

La mobilisation populaire ne naît pas d’un coup de baguette magique dans un pays gangrené par la fascisation des esprits. Je fais un rêve  : que nos dirigeants relèvent le défi historique de nous rassembler. Il y va de leur légitimité politique. Qu’ils nous fassent confiance ensuite, en acceptant des règles de direction collégiale et participative. Additionnons nos qualités plutôt que de les soustraire  : continuons «  notre histoire  », l’histoire des rouges, en acceptant la discussion constructive entre nos traditions, socialistes, communistes, écologistes, féministes, anarchistes, trotskistes, antiracistes. Nos idées n’ont pas cessé d’être neuves  : le terrible et beau combat du gouvernement grec en est la preuve vivante. La dure générosité du rassemblement fraternel ne dissout pas nos identités. Elle est une chance de renaître plus forts. Notre seule chance

C) Pour des «  mises en cohérence  » de classe par Céline Brulin, secrétaire départementale PCF de Seine-Maritime

Luttes salariales, mobilisations contre l’austérité, batailles en faveur de l’école, scores enregistrés aux départementales par ceux qui proposent une «  alternative à gauche  »... Ce n’est pas rien dans le contexte où la politique du gouvernement socialiste renforce l’idée qu’il est impossible de changer de voie. Mais les mauvais coups passent et la «  gauche qui ne se résigne pas  » perd des élus. La droite enchaîne les victoires, le FN progresse dangereusement, parallèlement. Voilà une évidence peut-être utile à rappeler  : mécontentements et colère ne font pas, mécaniquement, une alternative. D’ailleurs, combien de fois entendons-nous nos concitoyens dire, dans la même phrase, à la fois leur rejet du système et l’impossibilité d’en changer  ! Ce phénomène questionne et inquiète l’ensemble des militants, qu’ils agissent sur le plan syndical, associatif, citoyen ou politique. La «  politique  » est rejetée. Les renoncements du gouvernement actuel sont en cause. Tout comme notre incapacité à faire bouger les lignes, à modifier le rapport de forces. Et c’est à l’impuissance que tous ceux qui «  font de la politique  » risquent d’être peu à peu associés. Dans ce contexte, certains sont tentés de bannir les partis politiques, de s’orienter vers un lien «  direct  » avec le peuple, souvent résumé au prisme des réseaux sociaux.

Les partis politiques, et pour celui qui me tient à cœur le PCF, ont un travail à mener pour être mieux en prise avec nos concitoyens. Des gestes, une organisation favorisant l’intervention citoyenne et la mise en mouvement populaire sont à déployer ou à saisir. Mais gardons-nous de croire que de nouveaux «  prêts-à-utiliser  » suffiraient à résoudre cette équation. D’ailleurs, un regard sur la manière avec laquelle droite comme FN utilisent, avec un certain succès, des partis politiques, rebaptisés ou relookés, pour conquérir le pouvoir montre que ceux-ci ne sont pas un obstacle. Mais peut-être essayons-nous d’unir d’abord des partis politiques, des mouvements plus ou moins existants, plus ou moins influents, avant même de définir ce qu’il convient de mettre en œuvre, concrètement, ensemble et avec les citoyens, pour changer la vie  ? Nous disons parfois, et c’est juste, que seule une véritable politique de gauche est à même de rassembler la gauche et donc d’empêcher la droite, voire le FN, d’accéder au pouvoir. Ne convient-il pas de définir quelques-unes des mesures identifiant cette politique et répondant aux préoccupations, aux urgences vécues par nos concitoyens  ?

Trop souvent perçus comme des «  opposants  » dont on apprécie les légitimes critiques et la combativité pour faire obstacle aux mesures néfastes, nous paraissons n’avoir d’autre objectif que de se «  démarquer  », sans que l’on sache vraiment ce pour quoi nous nous battons, ce que nous voulons. Sans doute faut-il travailler à des «  mises en cohérence  ». Combien de parents d’élèves, d’enseignants, d’élus locaux protestent contre les fermetures de classes sans faire le lien avec les politiques d’austérité. Combien s’adressent à l’inspecteur d’académie, au recteur sans s’interroger sur le budget de l’éducation nationale, sans mettre celui-ci en rapport avec les richesses produites dans notre pays, et son accaparement par les forces capitalistes. Sans doute faut-il retravailler la conscience de classe. Un PDG touche plusieurs millions d’euros à son arrivée, un autre part avec une retraite-chapeau tout aussi conséquente, la semaine suivante c’est un patron-voyou qui disparaît avec l’outil de travail, et chaque jour, des actionnaires se gavent. Mais une brève au JT du 20 heures, quelques partages sur les réseaux sociaux... et voilà la lutte des classes résumée à autant de faits divers condamnables, et souvent condamnés, mais dissociés du système capitaliste et de ses défenseurs. Orienter les regards, trop souvent tournés vers l’assiette du voisin, en direction des véritables adversaires à combattre, pour changer la vie, est une urgence  !

Dossier de L’Humanité


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