Les Macronnades contre l’intérêt général

mardi 21 avril 2015.
 

Ne comptons pas sur le gouvernement pour profiter de l’occasion Alcatel pour sauver au moins cette pépite des câbles sous-marins. Sous Hollande et Macron, la politique industrielle se fait à la corbeille. Hollande a reçu les directeurs-généraux de Nokia et Alcatel-Lucent dès mardi. Au moment des premières fuites et alors que la rencontre ne figurait pas à l’agenda prévu. Le gouvernement soutient la fusion. Il était informé depuis longtemps. Et le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a donné un avis « favorable ». L’intérêt général est moins important à ses yeux que la concurrence entre les autocars et le train. Et les brevets français dans les télécoms ne méritent pas autant d’égards que les patrons qui veulent ouvrir leur boutique le dimanche.

Nous voilà donc condamnés à subir les flots des belles paroles habituelles en pareille circonstance. Le ministre Macron promet une « grande vigilance » pour que le groupe garde un ancrage en France et ne supprime pas d’emplois. Mais comment lui faire confiance ? Il a bradé Alstom-énergie en laissant tout pouvoir à General Electric dans les détails de la fusion. Le PS vante la création d’un « airbus des télécoms ». Mais personne ne souligne que le principal concurrent de Nokia et Alcatel est aussi européen : le suédois Ericsson ! Propose-t-il aussi de le fusionner avec les deux autres ? Non, évidemment. Nokia annonce que la fusion va créer le nouveau numéro 2 mondial ? Mais la fusion d’Alcatel avec Lucent devait déjà créer le numéro 1 mondial. Elle a été un échec total ! Nokia promet qu’aucun emploi ne sera détruit en France ? Mais il a déjà annoncé que la fusion entrainera 900 millions d’euros d’économies. Et fin 2014, une étude du cabinet Syndex prévoyait une « catastrophe humaine » en cas de fusion avec Nokia due aux « redondances » entre les deux groupes. Finalement, la seule et maigre consolation sera de voir Alcatel enfin sortie des griffes destructrices de Lucent. Mais quel dommage que ce soit pour passer sous les fourches de Nokia !

Pourtant, il était possible de faire autrement. Le gouvernement français a le pouvoir de s’opposer à l’opération. En avril 2014, au moment de la discussion entre Alstom et General Electric, l’ancien ministre Arnaud Montebourg a élargi la liste des domaines protégés en cas d’investissements étrangers. Désormais, les télécoms font partie des secteurs stratégiques dans lesquels l’État doit donner son accord pour tout achat d’entreprise par un investisseur étranger. Macron pouvait donc légalement dire « non ». Le gouvernement devait s’opposer à la perte d’Alcatel. Après avoir laissé General Electric piller Alstom, il doit défendre les intérêts économiques fondamentaux de la nation. C’est-à-dire extirper Alcatel de la finance et des opérations hostiles. Et reconstruire le fleuron français des télécoms qu’Alcatel n’aurait jamais dû cesser d’être. Une nouvelle fois, on voit au passage l’incapacité du grand patronat français à faire autre chose que de la mendicité auprès des contribuables. Une nouvelle fois, on voit la limite du discours gouvernemental sur « l’entreprise » qui se limite à gaver des actionnaires sans patrie. Une nouvelle fois, on constate l’ignorance et le mépris pour la production industrielle et les savoir-faire techniques.

Un autre chemin est possible pour l’industrie française. Un gouvernement réellement de gauche, et a plus forte raison un gouvernement écosocialiste, ou même seulement soucieux de l’indépendance du pays, pourrait s’y engager. En l’occurrence, qu’aurions-nous fait ? Nous aurions mobilisé des capitaux publics pour protéger le capital d’Alcatel de cette offre d’échange inamicale et de ses actionnaires actuels. La France ne manque pas de moyens pour agir : la Banque publique d’investissement, la caisse des dépôts, le Fonds stratégique d’investissement sont censés être là pour ça ! Sans compter les 41 milliards d’euros par an de cadeaux versés par Hollande au MEDEF ! Ils seraient plus utiles pour investir dans l’économie réelle et les entreprises stratégiques. Au moment du plan « Shift » en 2013, nous avions calculé qu’une nationalisation partielle d’Alcatel à 50,1% coûterait autour de 3 milliards d’euros. Même d’un point de vue libéral, cette nationalisation aurait pu être temporaire, pour aider Alstom à se reconstruire. C’était en tout cas largement faisable financièrement. Seule la volonté politique manquait.

Il faut aussi défendre un protectionnisme solidaire contre le dumping des équipementiers chinois (Huaweï et ZTE). Sinon, les acteurs européens seront condamnés à se manger les uns les autres pour tenir un peu plus longtemps face à une concurrence déloyale avec des productions à bas coûts. Enfin, il faut faire renaître une politique industrielle et planifier la reconquête. Pour cela, nous aurons besoin de reconstituer des centres de recherche technologique de filières. Longtemps en France, le CNET, centre national d’études des télécoms, a joué ce rôle. Il a permis à Alcatel de devenir le fleuron qu’il a été. Depuis des années, le CNET a été transféré à Orange qui en a vidé la substance de Recherche de long terme. Pour reconstruire une industrie et tenir compte de l’impératif écologique, il faudra en passer par là. Sinon, après Alstom et Alcatel, d’autres suivront. Tout cela est à mettre en rapport avec une planification globale du progrès du pays en vue de ses objectifs écologiques et sociaux. Le libre marché dans la main des incapables et des pillards, voilà le résultat !


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