C’est la reprise ! La re-crise approche

jeudi 16 avril 2015.
 

J’explique. Les commentateurs exultent. Les bourses flambent de nouveau. Voyez : la bourse Tokyo est à son plus haut depuis 15 ans. A Paris, le CAC 40 a franchi les 5 200 points, son plus haut niveau depuis janvier 2008. Souvenez-vous, c’était avant la crise. C’est bien la preuve que la reprise est là, non ?

Non. C’est la reprise de la bulle financière, alimentée notamment par la situation européenne.

La Banque centrale européenne a commencé à injecter des milliards d’euros sur les marchés. Mais, dans le même temps, les États compriment les dépenses publiques. Et l’investissement privé ne redémarre pas. Faute d’investissements publics ou privés à financer, les flots d’argent déversés par la BCE s’évaporent dans une nouvelle bulle financière. Au lieu d’irriguer l’économie réelle.

C’est une preuve de plus de l’échec de la stratégie économique de François Hollande et Manuel Valls. Leur stratégie, c’est le théorème de Schmidt, du nom de l’ancien chancelier allemand des années 1970. Cette pensée est résumée par la formule « les profits d’aujourd’hui sont les investissement de demain et les emplois d’après-demain ». Cette formule, déjà contestable à l’époque, est aujourd’hui totalement dépassée. Les profits ne font pas les investissements et même ils détruisent l’emploi. Sous nos yeux, tandis que les bourses flambent, les plans de licenciement s’accumulent. Ce logiciel est périmé. Le Monde lui-même s’inquiète « d’une reprise sans investissement ». Une semaine avant, Les Echos évoquaient « une reprise sans emploi ». Mais qu’est-ce donc qu’une reprise sans emploi ni investissement ? Est-ce encore une reprise ?

Dans la manifestation du 9 avril, le PCF a proposé une version mise à jour de cette formule. Elle est plus cruelle pour Hollande et Valls. Mais elle me semble tellement plus juste. Ils l’ont baptisé « le théorème de Macron ». Le voici : « les profits d’aujourd’hui sont les dividendes de demain et l’évasion fiscale d’après-demain ». Le flot qui coule sur cette pente peut être évalué. Quelque 7.600 milliards de dollars, soit 8% de la richesse mondiale, sont détenus par des particuliers dans des paradis fiscaux, analyse une récente étude parue dans le Journal Of Economic Perspectives. Les tricheurs européens arrivent en tête de la délinquance fiscale avec quelque 2.600 milliards localisés dans des États qui mêlent faible fiscalité et opacité financière, affirme le Français Gabriel Zucman, professeur assistant à la London School of Economics. Mais cet argent sale, une fois dans les banques de paradis fiscaux, ne revient-il pas dans les économies réelles ? Après tout ne faut-il pas que cet argent s’investisse pour être profitable ? Oui, bien sûr, il doit se réinvestir. Mais où ? Dans quelle activité ? Et pour quel résultat ? Réponse : là où on peut faire le plus de profit. C’est-à-dire très peu dans l’économie réelle. Plutôt encore et toujours dans la bulle financière, dans la spéculation. A quelques exceptions près. Car de temps en temps, en effet, il se dit qu’ici où là vont venir des profits gigantesques. Alors l’argent accourt et des bulles monstrueuses se forment. Une entreprise peut ainsi avoir une valeur en capital gigantesque avant d’avoir réalisé un dollar de profit. La bonne affaire consiste juste à vendre à temps très cher ce que l’on a acheté moins cher ou au début. Comme tout le monde le sait, tout le monde le fait. Alors la bulle éclate d’autant plus vite que tout le monde se sauve en même temps. On connaît. Mais même ce type d’occasion reste assez limité. Ce qui les rend d’ailleurs si volatiles et donc si dangereuses. Mais où aller placer ces masses d’argent ailleurs que dans la bulle ? Car dans la vie réelle, le champ se rétrécit a vue d’œil.

En effet la politique de l’offre et l’austérité asphyxient toute une partie de l’économie réelle. Celle qui dépend de l’investissement et de la demande populaire. C’est le cœur de l’économie française. Non seulement le théorème Macron ne vise pas les emplois d’après-demain, mais il organise les licenciements d’aujourd’hui. Ainsi quand on apprend que la dotation de l’État aux collectivités locale va baisser. Par contrecoup, cela veut dire que les investissements publics dans le secteur du bâtiment et des équipements vont baisser. On connait même la proportion. Moins 10 % ! Autant d’activité en moins. Autant de surface de moins par où l’argent à placer trouve où s’investir. Résultat : la bulle financière et la spéculation restent le premier secteur de placement.

C’est tellement violent en ce moment que les autorités les plus éminentes du capitalisme s’émeuvent. Ainsi, dans une lettre envoyée à ses actionnaires, Jamie Dimon, le patron du géant bancaire américain JP Morgan annonce le caractère inéluctable d’une prochaine méga crise financière du fait des capacités de fluctuations erratiques de la valeur de tout ce qu’atteint la vague d’argent disponible. Entrées et sorties massives de capitaux peuvent jeter tout le système par terre en quelques heures, d’autant que les banques elles-mêmes, gorgées de liquide d’une part, ne peuvent évidemment pas stocker sans déprécier leur capitaux et de toutes façon ne trouvent plus de titres sûrs et stables à stocker. Rigolade : ce sont les titres de dette d’État les plus recherchés parce que ce sont les plus sûrs, les mieux garantis et jusque-là les plus stables. Comme tous le savent, du coup, tous rechignent à vendre ceux qu’ils possèdent. Incroyable. Les mêmes qui jettent des pierres sur les dettes des États sont ravis d’en posséder des titres en nombre. Du coup, moins de la moitié des bons du trésor des États sont disponibles sur le marché. Les banques les gardent jalousement dans leurs coffres en dépit de leur très faible rendement. Comme des réserves précieuses ! Dans ces conditions, les pays peuvent émettre des titres de dettes les plus folkloriques de l’histoire de la finance. C’est-à-dire à des taux inférieurs à l’inflation ! Ce qui veut dire que les préteurs payent pour prêter ! Et voici comment les taux d’intérêt de la dette portugaise sont tombés en séance à …. 0% pour deux ans. Grandiose ! En attendant la catastrophe, ils la préparent activement. L’argent tourne, va, vient, virevolte d’une position à l’autre et les tiques se gavent comme jamais. En plein au milieu de ses annonces catastrophistes, le patron de JP Morgan oublie de mentionner la participation active de son établissement à la « volatilité des cours » contre laquelle il met en garde… JP Morgan a battu cette année le record de profit de son histoire : 22 milliards de dollars ! Un chiffre en progression de 20% d’une année sur l’autre !

C’est la cinquième année consécutive de records de bénéfices. Du coup, les 26 milliards d’amende infligés par l’État US à la banque au titre de divers scandales financiers sont épongés comme si cela ne comptait pas. Les faux frais de la triche, en quelque sorte. Mais trop c’est trop. Les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel, dit le proverbe. Les profits spéculatifs ne peuvent s’amonceler sans cesse. Même la bourse de Shangaï et de Hong Kong progressent de 100% ! Mais plus de 1,7 millions de nouveaux comptes ont été ouverts par des particuliers de toutes sortes. Quel est le sang froid de tous ces gens ? Combien ont acheté leurs actions avec des emprunts ? Qui tiennent-ils par la main dans la pyramide des dettes et des avoirs ? Tel est le capitalisme de notre temps. S’il diffère par bien des aspects de celui du passé c’est aussi parce que le cycle des crises financière s’est sans cesse raccourci. Après la bombe de 2008 dans les subprimes, voici la nouvelle méga bombe sur sa rampe de lancement. Son nom n’est pas encore connu, ni la date exacte de la mise à feu. Mais son existence et sa dangerosité sont certaines et prochaines.


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