Retraite : Pas avant 67 ans pour une pension complète ! exige le MEDEF

lundi 9 mars 2015.
 

Au motif de rétablir l’équilibre financier des régimes Arrco et Agirc, déstabilisés par le chômage et l’austérité, le patronat envisage de reculer à 67 ans l’âge d’accès à une pension complète.

B) Pour financer durablement les régimes, la CGT propose

Si les régimes connaissent aujourd’hui des difficultés, c’est principalement du fait du refus patronal d’augmenter le montant des ressources allouées aux régimes. La CGT portera différentes propositions qui permettraient non seulement d’équilibrer de manière durable l’Arrco comme l’Agirc, mais assureraient également la reconstitution de réserves à un niveau satisfaisant, facteur de bonne gestion des régimes.

La CGT propose notamment :

- > un élargissement de l’assiette des cotisation à des éléments qui n’y sont actuellement pas soumis comme l’épargne salariale (intéressement, participation…).

- > une augmentation modulée de la cotisation dite patronale Arrco en fonction du rapport masse salariale sur valeur ajoutée selon les trois segments : - Les entreprises où les salaires sont < à 50% de la valeur ajoutée - Celles où les salaires sont > à 50% et < à 70% de la valeur ajoutée - Celles où les salaires sont > à 70% de la valeur ajoutée.

- > Rendre effective l’égalité salariale entre les femmes et les hommes qui fait pourtant depuis plus de 20 ans l’objet de cinq lois et directives européennes. A la demande de la CGT pour ce qui est des retraites du régime général une étude de la Caisse nationale d’Assurance Vieillesse avait mis en évidence que la résorption de ces 27% de différence moyenne entre les salaires des femmes et ceux des hommes entraînerait une augmentation très importante des ressources à la CNAV et évidemment une amélioration très nette du montant moyen des pensions des femmes. On avait alors constaté que le solde entre les cotisations supplémentaires d’une part et l’amélioration des pensions d’autre part était par exemple de l’ordre de 5 milliards d’euros dès 2015, et de 10 milliards d’euros dès 2020. Pour l’Arrco et l’Agirc, en considérant une progression vers l’égalité effective qui serait atteinte en 2024, les chiffres sont tout aussi importants. Le solde entre les cotisations supplémentaires et l’amélioration des pensions serait par exemple de 4 milliards d’euros dès 2017 (déficit prévu à ce jour : 5,4 milliards d’euros) et 7,4 milliards d’euros dès 2020 (déficit prévu à ce jour : 7 milliards d’euros).

- > porter la cotisation Agirc au-dessus du plafond de la Sécurité sociale au même niveau que l’ensemble des cotisations retraite au-dessous du plafond. Pour égaliser les taux de cotisation en-dessous et au-dessus du plafond, il faudrait majorer les cotisations Agirc de 2,45 points (0,98 point pour la part salariée et 1,47 point pour la part dite patronale). Nous pourrions proposer que cette augmentation s’applique au taux contractuel, ce qui aurait pour effet d’améliorer les droits à retraite des cotisants.

- > une amélioration de la Garantie minimale de points Agirc en la passant de 120 à 150 points ainsi que la création d’un équivalent pour l’Arrco de façon à garantir solidairement un minimum de droits aux ressortissants du régime non-cadres.

- > faire face au sous-financement du régime cadre en portant la cotisation Agirc au-dessus du plafond de la Sécurité sociale au même niveau que l’ensemble des cotisations retraite au-dessous du plafond. Pour égaliser les taux de cotisation en-dessous et au-dessus du plafond, il faudrait majorer les cotisations Agirc de 2,45 points (0,98 point pour la part salariée et 1,47 point pour la part dite patronale).

- > amélioration de la Garantie minimale de points Agirc en la passant de 120 à 150 points ainsi que la création d’un équivalent pour l’Arrco de façon à garantir solidairement un minimum de droits aux ressortissants de ce régime.

La bataille des retraites complémentaires est rouverte

Selon un scénario des plus classiques, le Medef s’empare de la situation financière dégradée de l’Arrco et de l’Agirc pour tenter d’affaiblir encore les droits des assurés, déjà systématiquement rognés depuis une vingtaine d’années. Revue des enjeux, des menaces et des solutions qui permettraient d’éviter le pire.

1. Des versements 
remis en question

Versée à tous les salariés par l’Arrco et aux cadres par l’Agirc, la retraite complémentaire représente un tiers de la pension globale pour les non-cadres, et jusqu’à 60 % pour les cadres. Longtemps excédentaires, ce qui leur a permis d’accumuler des réserves, les deux régimes, alimentés par des cotisations salariales et patronales, sont entrés en déficit depuis 2009. Rançon de la crise, avec ses corollaires, chômage de masse et stagnation salariale ont pesé sur les rentrées financières. Tandis que les dépenses, elles, continuaient de monter, du fait de l’arrivée à la retraite des générations nombreuses de l’après-guerre, et de l’allongement de l’espérance de vie. Résultat, l’Arrco et l’Agirc, dont le déficit a atteint 4,4 milliards d’euros en 2013, doivent désormais puiser dans leurs réserves pour payer les pensions. Des matelas qui, selon des prévisions, et sans solutions d’ici là, arriveraient à épuisement dès 2018, pour l’Agirc, 2027 pour l’Arrco. Le paiement des pensions pourrait alors être remis en question. 2. Les solutions made in Medef

Le Medef attaque la négociation avec le même dogme intangible  : pas question pour les entreprises de verser «  un sou de plus  » pour financer la retraite sous peine de menacer leur «  compétitivité  ». Tout l’effort d’équilibrage porterait sur les salariés, actifs comme retraités. Après avoir imposé, en 2013, la sous-indexation des pensions par rapport aux prix (donc, la perte de leur pouvoir d’achat), une piste a la faveur du patronat  : elle impose des abattements, temporaires ou définitifs, sur la pension pour tout départ en retraite avant… 67 ans. L’objectif affirmé étant d’amener ainsi les assurés, sous la menace de pénalités financières, à reculer le plus possible l’âge du départ, et à faire les économies afférentes. Aujourd’hui, chacun peut liquider sa complémentaire en même temps que la pension du régime de base (sous réserve de réunir les conditions exigées dans ce dernier). À partir de 62 ans, donc. Parallèlement, pour traiter la situation plus urgente de l’Agirc, le Medef prône tout bonnement sa disparition, via une fusion avec l’Arrco en un régime unique. 3. quelles conséquences ?

Mettre en place des abattements empêchant de partir avec une retraite complète avant 67 ans, «  c’est une manière détournée de reculer l’âge de la retraite, ou plutôt de réduire les pensions  », analyse Éric Aubin, de la CGT. En effet, explique-t-il, «  ceux qui le pourront, les moins nombreux, différeront leur départ de quelques années. Jusqu’à 67 ans  ? Rien n’est moins sûr. Tous les autres, une grande majorité, demanderont à bénéficier d’une retraite diminuée des abattements  ». La pénibilité du travail, pour beaucoup, ou simplement le chômage (+ 10 % en un an, chez les seniors), ne leur laissera d’autre choix. Au final, «  la paupérisation des retraités, que nous constatons déjà depuis quelques années, risque d’augmenter  », alerte Éric Aubin. La pension moyenne, tous régimes confondus, plafonne à 1 300 euros. Et les associations de solidarité, comme les Restos du cœur, voient augmenter la demande d’aides émanant des ­retraités. Quant à la création d’un ­régime unique, elle aurait pour effet de repousser de quelques années l’échéance de l’épuisement des ­réserves de l’Agirc, sans résoudre le financement des complémentaires. Ses partisans ne s’appesantissent pas sur le fait que cela reviendrait à faire financer le déficit de la retraite des cadres par les cotisants non cadres à l’Arrco… Derrière cette pseudo-­solution, se cache «  le souhait de permettre aux marchés financiers de faire main basse sur l’épargne des cadres  », note Marie-Jo Kotlicki, dirigeante de la CGT des cadres (Ugict). «  Si on fait disparaître l’Agirc ou si on diminue drastiquement les droits, on pousse les cadres à s’assurer dans le privé.  » Avec tous les risques liés à la capitalisation. Pure coïncidence  ? Le nouveau chef de file des négociateurs du Medef n’est autre qu’un homme issu du monde de l’assurance, Claude Tendil, président du groupe Generali, ex-patron de la Fédération française des sociétés anonymes d’assurance. 4. Des propositions pour en sortir

Le pire n’est pas certain. Alors que Jean-Louis Malys, de la délégation CFDT, juge que «  trouver de nouvelles économies est (…) inévitable  », et que le «  rapprochement  » des deux régimes «  paraît incontournable  », la CGC r­ejette cette perspective («  pas de fusion  », dit sa présidente, Carole Couvert). Pour FO, «  il n’est pas question que l’on réduise les droits à la retraite  ». Quant à la CGT, son «  objectif est de stopper le recul des droits et d’alimenter les régimes  », dit Éric Aubin. S’agissant de l’Agirc, la CGT suggère de relever de 2,45 points son taux de cotisation. Un effort limité pour les salariés (7,42 euros de plus par mois pour un salaire de 4 000 euros brut), et qui effacerait le déséquilibre du régime dès 2023, selon un chiffrage des services de l’Arrco-Agirc. Limité et supportable aussi pour les entreprises, quoi qu’en dise le patronat. Rappelons seulement que les rémunérations versées aux actionnaires par les groupes du CAC 40, l’an dernier, ont atteint 56 milliards d’euros et qu’elles représentaient, à elles seules, plus des trois quarts de l’ensemble des prestations versées par l’Arrco et l’Agirc… Deuxième proposition phare de la CGT  : avancer vers l’égalité salariale hommes-femmes, ce qui, toujours selon le calcul des services des régimes, permettrait d’annuler (pour l’Arrco) la perspective de l’épuisement des réserves, ou de réduire de moitié le déficit (pour l’Agirc). Enfin, pour l’Arrco et l’Agirc, la CGT rappelle ses propositions visant à taxer les revenus financiers à la même hauteur que la cotisation salariale et à moduler la contribution des entreprises selon leur politique d’emploi et de salaires, en pénalisant les plus restrictives en la matière. De quoi faire rentrer de l’argent dans les caisses, tout en enclenchant un cycle vertueux de gestion.

Des négociations hors du Medef ? Ouvertes ce mardi au siège du Medef, les négociations pourraient se dérouler au siège du Groupement d’intérêt économique regroupant les services de l’Arrco et de l’Agirc. Une première, répondant au voeu des syndicats de tenir ces pourparlers dans un lieu neutre et non plus au Medef, comme c’était le cas jusqu’alors. Pour la CGT, reste à obtenir que le texte de base pour les discussions intègre les propositions syndicales et que la présidence des débats n’échoie plus à un patron, mais à une personnalité « neutre » elle aussi.

Yves Housson, L’Humanité


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