AIRBUS : LA CATASTROPHE NE TOMBE PAS DU CIEL

mardi 6 mars 2007.
 

L’affaire d’Airbus est une caricature. Un dossier de propagande clef en main pour apprenti anti-capitaliste de base. N’était le désastre humain inouï et la destruction d’intelligence concrète qu’il signifie à l’heure à laquelle j’écris ces lignes amères, on rirait de l’avidité farcesque des dirigeants gloutons et prédateurs qui ont amené une des plus belles réussite de l’Etat entrepreneur, jacobin et colbertiste au désastre grâce au passage obligé par la case "gros profits tout de suite".

Lisez la communication prétentieuse et bouffie d’EADS qualifiant de "légitimes" les "attentes des actionnaires" en matière de rentabilité de l’entreprise et plaçant publiquement cette préoccupation au poste de commande et vous aurez compris que le désastre ne fait que commencer. Car la rentabilité dont il est question ce n’est pas celle de l’équilibre des comptes mais le prélèvement d’un 15% de rente sur la bête, chaque année, à l’heure où l’on tond les coupons, selon les "standards" (dixit EADS) désormais exigés de l’industrie par le marché boursier.

L’Etat "mal placé pour gérer", "trop lourd à l’heure de la mondialisation réactive" et dont "ce n’est pas la vocation de produire des avions", avait pourtant porté l’entreprise au numéro un mondial de son secteur contre la toute puissance américaine. Pour cela la bureaucratie d’Etat avait mobilisé tout l’argent public nécessaire sous forme d’avances remboursables à long terme. Et permis, entre autres, de révolutionner la technique de construction des avions (soudage au laser et matériaux composites) et de leur fonctionnement (commande électrique inventée dans le Concorde et industrialisée par Airbus). On voit que ça ne pouvait plus durer.

Grâce à l’entreprise privée de nouveaux records ont été battus également mais dans de tous autres domaines :

- Palme d’or de l’aveuglement aux dirigeants affirmant qu’ils ne savaient pas que les commandes ne pourraient pas être honorées dans les délais,

- Oscar de diamant pour l’incurie stratégique conduisant à ce que 5 % des actions lancées dans la nature par des dirigeants ineptes reviennent en rangs organisés sous la houlette d’une banque d’Etat russe,

- Hélice de rubis aux voyous qui ont profité de leur poste pour vendre leurs stock options avant d’annoncer les mauvaises nouvelles.

- Trophée de platine aux actionnaires privés dits "stables" ou "de référence" qui ont vendu au printemps 2006 des montagnes de leurs actions au moindre fléchissement du cours boursier dont ils ont ainsi précipité la dégringolade.

Et ainsi de suite. Avec l’arrivée des actionnaires privés rien de neuf sinon la pagaille et le pillage à AIRBUS. Respectons toutefois, la délicate réserve de libellule qui entoure l’action des messieurs de Lagardère et DaimlerChrysler. Car ils siègent, mangent, empochent et décident depuis ce conseil d’administration d’EADS où les manants des régions sinistrées sont heureux de savoir qu’ils les représentent. En effet, concernant Lagardère, en plus de ses parts personnelles, c’est au nom de celles de l’Etat français (avec lequel il est associé pour gérer les parts françaises) qu’il a été propulsé au rang de co-président (chairman) d’EADS. C’est pas beau ça : l’Etat (incapable, autiste et balourd) associé à un actionnaire privé (audacieux souple et productif) qui vend ses actions de la société qu’il représente quand il constate les difficultés que sa gestion a créé ?

N’oublions pas notre chère commission à Bruxelles sans laquelle un désastre inhumain n’est jamais complet. C’est elle qui a relayé les dogmes de l’OMC exigeant l’abandon du système des avances remboursables qui rendaient inbrisables les reins d’AIRBUS. Que le dogme libéral anti étatique ait ici correspondu très exactement aux demandes des Etats Unis et de BOING ne doit naturellement pas conduire à montrer du doigt l’efficacité des lobbyistes très officiellement en poste à Bruxelles, à la porte de chaque bureau dans la proportion de 3500 par commissaire. Pour finir, saluons l’action de la banque centrale européenne tout entière au service de la stabilité des prix c’est à dire des rentiers et de leurs stock options parce que sans cette banque centrale, l’Europe protectrice ne mériterait pas ce nom. En effet grâce à ses efforts, les dirigeants d’EADS pensent que l’activité de construction d’avions "européens" sera mieux protégée en zone de production où le dollar est la monnaie de référence. Fermez le ban.

Des milliers de gens vont maintenant souffrir comme jamais. Humiliés, appauvris, angoissés. Leur vie, toute leur vie est dans les mains de ce genre de voyous prétentieux, inefficaces et arrogants. Quand j’étais gamin l’instituteur nous racontait les privilèges d’ancien régime pour nous faire comprendre combien ils étaient odieux et combien la révolution fut aussi une oeuvre morale. Je me souviens que l’image montrait des seigneurs en grande tenue, pleins de gaieté et d’insouciance dont l’équipage de chasse renversait la moisson des paysans impuissants qui se tordaient les mains en voyant leur travail patient détruit en un instant pour la jouissance des belles personnes.

Quand je vois le spectacle d’airbus, je sais qui les Français vont bientôt déborder. C’est trop ! On se moque trop d’eux, de leur travail, de leurs efforts, de leur bienveillante patience. J’observe qu’on poursuit et condamne en justice des instituteurs qui n’ont pas anticipé que leur élèves longeraient une rivière un jour de délestage de barrage, un maire qui n’a pas personnellement surveillé chaque poteaux de basket de ses gymnases, un directeur d’hôpital qui n’a pas repéré à temps la propagation d’un microbe depuis une canalisation.

Qui punira les minables jouisseurs de pognons qui saccagent ce pauvre pays ? Quand ferons-nous une loi de punition des responsabilités d’entreprises ? Bah, ne rêvons pas. Pour cela il y a les séances de la COTOREP télévisées par TF1 qui nous tiennent lieu de débat présidentiel. Je pense que nous devrions vite en revenir aux seules questions qui ont de l’intérêt : qui est le troisième homme ? Combien Nicolas Sarkozy a-t-il eu de rouleaux de papier peint gratis quand il a refait la déco de son appartement ? Combien Ségolène Royal et François Hollande auraient-ils dû déclarer pour pouvoir posséder légalement l’horloge comtoise de leur grand-mère ? Mardi les salariés d’Airbus de toute l’Europe vont agir ensemble. L’Europe sociale ce n’est encore que l’Europe de la protestation. Au secours le dix neuvième siècle revient.


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