Etat et Grand patronat : Delphine Batho publie Insoumise

samedi 1er novembre 2014.
 

Delphine Batho publie Insoumise, un ouvrage plutôt bien charpenté sur l’impossibilité d’être ministre de l’Ecologie dans un gouvernement tout acquis aux intérêts des financiers et des industriels.

Delphine Batho, Insoumise, Grasset, 2014, 272 pages, 18 euros.

Et de deux. Après Cécile Duflot, c’est au tour de Delphine Batho de planter sa plume dans le dos du pouvoir. Deux femmes, deux écolos, deux (ex)-ministres, deux destins presque similaires… Si ce n’est que l’une (Duflot) a quitté le gouvernement de son propre chef, tandis que l’autre (Batho) en a été brutalement limogée, le 2 juillet 2013, par Jean-Marc Ayrault, après une petite année de services.

Car il ne fait pas bon être une ministre de l’Ecologie convaincue dans le royaume de François Hollande. Un royaume où les magnats du nucléaire, du pétrole et des gaz de schiste trouvent porte grande ouverte à Bercy, à Matignon, et même à l’Elysée…

Décrire comment s’organise ce petit monde, c’est là l’intérêt d’Insoumise, ouvrage de meilleure facture que celui de l’ex ministre du Logement paru fin août. Dès les premières pages, l’éphémère locataire de l’Hôtel de Roquelaure annonce qu’elle y racontera « étape par étape, la façon dont l’influence des milieux financiers et industriels s’est installée au cœur du pouvoir ». La quadra, qui a encore une belle carrière politique devant elle, ne dit, bien sûr, pas la moitié de ce qu’elle sait.... Mais même incomplet, le témoignage est édifiant. Non seulement, par le récit des pressions exercées par les lobbies. Mais surtout, de celles que lui fit endurer le pouvoir lui-même pour faire passer les intérêts des puissances financières, au mépris de l’intérêt général.

Dîners à Matignon

Au premier chef, il y a les Montebourg et Macron, ambassadeurs serviles des compagnies pétrolières qui lorgnent sur les sous-sols de l’Ile-de-France. Mais aussi l’Elysée qui relaie « en dolby stéréo » que le débat national sur la transition énergétique n’implique pas assez les entreprises – pourtant 130 à participer au débat ! –, ou encore « la pression lancinante des conseillers du président de la République concernant l’instruction des permis miniers »… Sans oublier l’inénarrable Jean-Marc Ayrault qui ne trouve rien de mieux que « reprendre les choses en main » en organisant, à Matignon, des dîners entre sa ministre de l’Environnement et… les patrons d’EDF, Total et Areva ! « Une fois qu’il a obtenu son dû sur le pacte de compétitivité, le patronat voulait son reste sur la politique énergétique », écrit Delphine Batho. Dont acte.

Phagocyté par la fameuse « promotion Voltaire », le pouvoir s’offre joyeusement aux mains d’un patronat avec qui, dans le fond, il partage les vues. Entre la connivence, les compromissions, et les conflits d’intérêts, voilà Batho cernée. Sur Henri Proglio, patron d’EDF et « ministre fantôme » (sic), elle dit : « Ce que je refusais, il l’obtenait du premier ministre directement ». Quant au président du groupe Vallourec, spécialisé dans la fabrication des tubes destinés à forer le gaz de schiste, il peut compter sur l’oreille attentive de son épouse, qui n’est autre que la directrice du cabinet de… François Hollande. Les lobbies, écrit Delphine Batho, « sont surtout forts de la faiblesse des gouvernants face à eux ». A moins qu’ils soient déjà juste à côté.


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