Le monde sur une poudrière : l’ONU doit reprendre la main

mardi 30 septembre 2014.
 

La 69e Assemblée générale des Nations unies, qui s’est ouverte le 16 septembre, entre aujourd’hui dans une phase plus directement politique, avec l’intervention des chefs d’État et de gouvernement. Barack Obama, à la tête du pays hôte, ouvre le bal, si l’on peut dire. Une drôle de danse en réalité, alors que la planète ne tourne plus rond. Les guerres se multiplient, la crise économique et financière étrangle les peuples, les replis identitaires se développent.

La fin de la guerre froide, que d’aucuns décrivaient comme la fin de l’histoire et qui devait permettre un nouvel essor du monde, n’a rien résolu. Au contraire, peut-être. Le capitalisme triomphant, certain d’avoir abattu son adversaire idéologique, s’est vite trouvé un autre ennemi. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », disait le fondateur de notre journal, Jean Jaurès. Plus d’un siècle après, c’est bien ce capitalisme qui mène les conflits aux quatre coins du monde tout en défendant des îlots de richesses au milieu d’océans de pauvreté. Et pourtant, du haut de la tribune de l’ONU, ces mêmes dirigeants n’auront que le mot « paix » à la bouche, instrumentalisant à leur bénéfice cette institution internationale. Une drôle de danse en réalité, alors que la planète ne tourne plus rond.

Les guerres se multiplient, la crise économique et financière étrangle les peuples, les replis identitaires se développent. La fin de la guerre froide, que d’aucuns décrivaient comme la fin de l’histoire et qui devait permettre un nouvel essor du monde, n’a rien résolu. Au contraire, peut-être. Le capitalisme triomphant, certain d’avoir abattu son adversaire idéologique, s’est vite trouvé un autre ennemi. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », disait le fondateur de notre journal, Jean Jaurès. Plus d’un siècle après, c’est bien ce capitalisme qui mène les conflits aux quatre coins du monde tout en défendant des îlots de richesses au milieu d’océans de pauvreté. Et pourtant, du haut de la tribune de l’ONU, ces mêmes dirigeants n’auront que le mot « paix » à la bouche.

Créée à la sortie de la Seconde Guerre mondiale en remplacement de la Société des nations, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait fait de la promotion de la paix l’un des principaux buts de sa charte. Pourtant, force est de constater que cette institution internationale peine aujourd’hui à jouer son rôle. Elle est placée sous la coupe des grandes puissances occidentales (États- Unis, France, Royaume-Uni) qui détiennent trois des cinq sièges permanents au Conseil de sécurité.

L’Assemblée générale de l’ONU, qui devrait être l’organe souverain, est totalement marginalisée, renvoyée au rôle d’une simple chambre d’enregistrement, au détriment de tout débat et de prises de décision. Ce n’est pas un hasard si quarante- huit heures avant son intervention à l’ONU, le président américain, Barack Obama, a fait bombarder des sites de « l’État islamique » en territoire syrien, sans même demander l’approbation du gouvernement de Damas. Force fait loi pour l’hôte de la Maison-Blanche, force fait encore plus loi ce qui est décidé à la Maison-Blanche. À New York, Obama ne demandera pas l’ouverture d’une discussion sur la meilleure stratégie à mettre en oeuvre pour éradiquer le fléau islamiste. L’option militaire est la seule réponse qu’il entend apporter. On le comprend ! Il évite ainsi tout questionnement sur les résultats des guerres précédemment menées, en Afghanistan, en Irak ou ailleurs au Moyen-Orient. Le bilan est pourtant désastreux et explique en grande partie la situation actuelle caractérisée par l’éclatement des sociétés en affrontements sectaires, religieux, voire tribaux. La « pax americana » s’écrit à coup de missiles. À l’ONU, Obama vient seulement se présenter en chef d’une grande coalition militaire qu’il entend élargir. De quoi assurer sa suprématie.

À Gaza, on a pu prendre la mesure de l’incapacité de l’ONU

Alors que les représentants de tous les États se trouvent réunis dans la « maison de verre », ainsi que l’on surnomme le siège des Nations unies au bord de l’Hudson, tant pour son architecture que par symbole, une information est passée quasiment inaperçue. Il y a quelques mois, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté une résolution pressant le gouvernement syrien d’ouvrir plus largement ses frontières aux convois d’aide humanitaire destinée aux réfugiés. « Les accès sont plus importants mais, à cause du manque de ressources, nous allons devoir réduire les rations en octobre et en novembre », a fait savoir Ertharin Cousin, chef du Programme alimentaire mondial (PAM). Ces rations seront réduites de 40 % car il manque 350 millions de dollars pour la mise en oeuvre du programme. Qui s’en émeut ?

Comme chaque année, le 26 septembre est décrétée par l’ONU « Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires ». Sur le site de l’Organisation, on peut lire que cette journée doit être l’occasion de « mobiliser la communauté internationale en vue de la réalisation de l’objectif commun qu’est l’édification d’un monde exempté d’armes nucléaires ». Qui sait ce que le gouvernement français organise dans ce cadre, pour suivre et respecter les recommandations des Nations unies ? Personne, et pour cause...

Cet été, alors que les bombardements israéliens tentaient d’écraser le peuple de Gaza, on a pu prendre la pleine mesure de l’incapacité de l’ONU. Les appels du secrétaire général, Ban Ki-moon, à l’arrêt du conflit, sont restés lettre morte. Pas un dirigeant occidental n’a tenté de redonner ses lettres de noblesse à l’institution internationale qui devrait être le principal instrument pour la paix. En lieu et place, certains ont tenté de bloquer les débats pour qu’Israël ne soit pas condamné. L’ONU devrait mettre en place un mécanisme de protection du peuple palestinien et jouer tout son rôle pour l’instauration d’une paix juste au Proche-Orient. Ce n’est pas le cas. De même, les rapports produits par les commissions d’enquête diligentées par l’ONU pour examiner les possibles crimes de guerre et de crimes contre l’humanité à Gaza devraient être le vecteur pour que la justice internationale joue pleinement son rôle. Au lieu de cela, les États-Unis, suivis par la France et les pays occidentaux, bloquent toute action afin de protéger son allié israélien. En réalité, bien peu se soucient du bien commun, celui de l’humanité.

Quand l’ONU est saisie, ce n’est souvent qu’un prétexte pour légitimer une intervention décidée pour défendre un pré carré et/ou des intérêts économiques, comme au Mali ou en Centrafrique. C’est évidemment toujours pour des raisons humanitaires ou de défense des populations. Jamais pour des motifs politiques. Et si l’ONU refuse ? Il y a évidemment l’Otan.

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est en fait devenue le bras armé planétaire des pays occidentaux. Là, on est entre amis, entre gens de bonne compagnie. Pas besoin de débats initiés par des pays s’opposant à la guerre ou proposant d’autres alternatives. À cet égard, le mépris avec lequel a été traitée l’Union africaine (UA) avant l’intervention « francobritannico- américaine » en Libye, la mise à l’écart de l’ONU, montrent assez bien les desseins des uns et des autres.

Une boussole qui indique la direction de la paix et de la stabilité

Cette marginalisation de l’ONU est grave et dangereuse. Elle est lourde de conséquences pour la paix dans le monde et surtout pour la capacité d’émancipation des peuples. Dans son ouvrage le Dérèglement du monde, Amin Maalouf commence ainsi : « Nous sommes entrés dans le nouveau siècle sans boussole. » L’académicien, « adepte des Lumières qui les voit vaciller, faiblir et, en certains pays, sur le point de s’éteindre », dit son inquiétude, « celle d’un amoureux de la vie, qui ne veut pas se résigner à l’anéantissement qui guette ».

N’est-ce pas justement cette boussole qu’il faut retrouver ? Une boussole qui indique la direction de la paix et de la stabilité, le développement harmonieux des peuples. Ce n’est pas faire preuve de naïveté ou une façon de prôner un monde de Bisounours. Après bientôt soixante-dix ans, l’ONU que nous connaissons s’essouffle sous les coups de boutoir de ceux qui ne veulent aucune régularisation des rapports humains et ne l’utilisent que pour mieux asseoir la suprématie occidentale sur le monde. Il est certainement temps de lui redonner une nouvelle vie où les relations entre États seraient plus justes, les États plus égaux. Une organisation au sein de laquelle la voix des peuples se ferait réellement entendre alors que, aujourd’hui, celle des chefs de guerre et des communautaristes de tout poil couvre tout autre expression.

Aucune décision ne permet à l’ONU de jouer pleinement son rôle

L’Assemblée générale des Nations unies – véritable représentante des nations – devrait retrouver tout son pouvoir et toute sa crédibilité. À force de menace de veto utilisée par les membres permanents du Conseil de sécurité pour protéger leurs alliés ou leurs intérêts propres, aucune décision ne permet vraiment à l’ONU de jouer pleinement son rôle.

Le secrétaire général est mis en avant quand il s’agit des questions climatiques ou de colloques autour des populations autochtones mais est totalement marginalisé sur les dossiers où une action non partisane est nécessaire. Vider l’ONU de sa substance, la marginaliser c’est le but de ceux qui rêvent d’un monde voué à la sauvagerie où l’humain ne compte pas face aux intérêts financiers et économiques. Le Far-West.

Pierre Barbancey, L’Humanité


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